(En URSS en 1962)
" Chercher à comprendre, c’est commencer à désobéir. "
(page 121).
Un grand chef n'est jamais en retard, il a été retenu par des problèmes d'importance majeure, c'est totalement différent.
Une fine et froide pluie, caractéristique de la fin de l'hiver, commençait à tomber. Elle ne l'empêcha pas pour autant de s'attarder devant la statue de Mikhaïl Lomonossov. Ce fils de moujik devenu scientifique de renom illustrait bien le fait que réussir dans ce pays n'était pas réservé à une classe privilégiée.
Alexeï n’eut même pas le temps de finir sa phrase que des visiteurs se retournèrent. L’un d’entre eux leur fit remarquer que la seule langue officielle était le russe et que parler en ukrainien était interdit dans les lieux publics.
Tu sais, Alexeï, j'ai toujours été convaincu que nous autres, les Ukrainiens, étions dans le collimateur. Les Russes ont toujours eu des préjugés défavorable sur nous. Staline aurait voulu une Ukraine sans Ukrainiens. Et je parle en connaissance de cause car j’en ai été tristement victime
Tu sais, Alexeï, j’ai toujours été convaincu que nous autres, les Ukrainiens, étions dans le collimateur. Les Russes ont toujours eu des préjugés défavorables sur nous. Staline aurait voulu une Ukraine sans Ukrainiens.
Lors des réunions du vendredi, Kalliakchev ne passait rien à personne et en particulier à Alexeï sur lequel il avait, en quelque sorte, une double autorité, scientifique et administrative. Le thème d'étude confié par Kalliakchev à Alexeï se situait dans la continuité de sa thèse de doctorat à savoir la résolution des équations diophantiennes. Son domaine de prédilection. Certes, il aimait chercher des solutions à ces équations, démontrer leurs propriétés, mais ce qu'il appréciait par-dessus tout, c'était d'infirmer des suppositions ou des évidences trompeuses. Si les calculs n'avaient pas été aussi fastidieux, il aurait rêvé de trouver un contre-exemple au dernier théorème de Fermat .
.
La curiosité
était loin d'être la première qualité qu'on demandait à un
jeune professeur, encore moins s'il était ukrainien. P157
Engoncé dans son épais pardessus, Alexeï monta de suite à sa chambre pour s'en débarrasser. Anton, le régisseur du foyer avait glissé un petit mot sous la porte de sa chambre : « Merci de passer à la conciergerie, des nouvelles de gosier vous y attendent ». Les nouvelles de gosier, c'était, non sans un brin d'humour, la façon dont Anton appelait les colis reçus par les pensionnaires. Ils étaient effectivement, le plus souvent, composés davantage de denrées alimentaires, boissons comprises, que de longues lettres, d'où la métaphore.
Certes, la maisonnette n'était pas bien grande, mais nous nous y sentions bien. La seule entrée donnait directement dans la pièce principale, celle où nous vivions la plupart du temps et qui servait essentiellement de cuisine. Au beau milieu, un poêle à charbon constituait l'unique moyen de chauffage. Au fond, une porte, flanquée d'un petit oculus en forme de cœur, s'ouvrait sur un débarras borgne, point de passage obligé pour monter dans la chambre par un escalier de meunier aussi raide que branlant. Chaque fois que je revois ce petit cœur dont le rôle premier consistait à casser l'obscurité, je ne peux m'empêcher de l'associer à tout l'amour qu'il avait accumulé au fil des années.