L'heure des chiens - Thomas Fecchio - LTL # 192
Donnez à quelqu'un un petit pouvoir sur les autres, vous créez un monstre.
On ne croit jamais mieux que ce que l’on a envie de croire.
« Un Autre lui avait tout pris. Pourtant, il avait tout fait pour rester dans le droit chemin, hors de cette prison aux murs lézardés et remplit à craquer d’animaux. Aujourd’hui, son refuge était brisé, souillé. Et cette fois, ce n’était pas de la malchance… Un Autre se cachait derrière ce dernier incident de parcours. Un Autre qui jouait sur le fait que jamais on ne le laisserait tranquille à cause de ses problèmes passés avec les femmes. C’est alors que naquit son grand projet. Et ils verraient, tous, ce dont il était capable. Il réduirait en miettes cette fatalité qui toujours le mettait en cause et le transformait en coupable quand il était juste victime d’enchaînement de circonstances malheureuses. Il leur prouverait son innocence. Il se vengerait. L’idée de punir était la seule chose qui le calmait. Pas seulement cet Autre qui essayait de le piéger… mais eux, tous. »
Germain quitta le technicien pour retourner s’enfermer dans son bureau. Il s’alluma une cigarette et reprit la première photo. Elle montrait le sac posé sur le tas de branches à côté du chêne au fond du jardin de Boyer. Un endroit qu’il avait inspecté après l’arrestation de ce dernier juste avant d’être interrompu par sa logeuse. Il tira à fond sur sa clope. Ce sac n’aurait pas pu lui échapper. En aucune façon. Alors comment était-il arrivé là ? Sa montre indiquait 18 heures, il était sur le pont depuis trois heures ce matin. Son cerveau était à la ramasse et ne lui suggérait aucune solution. Pas la peine de continuer, il réglerait la question plus tard.
l devait se rendre à l’évidence, il n’avait pas d’argent et plus de papiers, il avait besoin d’aide. Dans cette situation, il n’y avait qu’une personne sur qui il pouvait compter. Mais impossible de se présenter devant elle ainsi. Elle appellerait à coup sûr la police si elle le voyait avec ses vêtements couverts de rouge. Il ne pourrait pas lui en vouloir, n’importe qui ferait de même. Il devait se changer. Comme ça elle ne lui poserait pas de questions. Mais où trouverait-il des vêtements propres à cette heure de la journée ?
Quelques heures plus tard, les membres liés par du fil barbelé il hurlait qu’il avait compris et qu’il promettait de partir sans se retourner. Il était trop tard, le fantôme s’avançait vers lui avec une longue lame effilée. Quand il la sentit plonger dans sa chair jusqu’à buter sur un os qu’impitoyablement elle commença à scier, il sut qu’une fois de plus il s’était trompé. Il aurait dû comprendre que c’était bel et bien le dernier avertissement.
Et quitter la ville.
– T’aurais pas dû leur dire qu’on servait à rien, lâcha Benoît une fois qu’ils furent remontés en voiture.
Beaucoup de choses chez ce gosse énervaient profondément Gomulka, de sa façon de bomber le torse à ses cheveux blonds coupés en une brosse durcie au gel, mais le pire était sa manière de parler d’évidence.
– C’est ce que je pense. Et dans ce genre d’affaires, c’est la réalité, répondit placidement Gomulka. Tu verras ça à la longue.
Des bandes venues de la région parisienne sillonnaient la campagne du sud de la Picardie et pillaient les maisons dont les propriétaires étaient absents. Un coup de sonnette pour vérifier que la demeure était vide et ils la ratissaient en moins de quinze minutes, volant objets high-tech, cash et bijoux. La gendarmerie, qui mettait en moyenne trente minutes à intervenir, était battue à la course. Quand elle essayait d’intervenir.
Julia se rappelait les longues séances de thérapie de Mon Repos durant lesquelles les patients assis en cercle autour d’un médecin exposaient un à un leurs histoires, leurs maux et leurs éventuels progrès à la clinique. Julia s’était pliée à l’exercice en son temps, mais rapidement elle n’avait plus supporté le déballage qu’il impliquait. Ce n’était pas elle. Elle n’était pas du genre à confier ses souffrances en public.
Pourquoi ça lui arrivait à lui ? Pourquoi tout ce qu’il entreprenait échouait lamentablement ? Pourquoi fallait-il qu’avec lui, tous les plans parfaits partent en couilles ? Il tapa du poing sur le volant et écrasa accidentellement le klaxon. Le bruit de l’avertisseur l’effraya. Il ralentit. Il avait fait assez de conneries. Pas question de se faire serrer par les flics maintenant, c’était le retour en prison assuré.