J'ai remarqué que pas mal de BD ont abordé le thème de la Seine qui avait submergé la capitale Paris durant l'hiver 1910 lui donnant des allures de Venise. En effet, la circulation se faisait en pirogue.
Nous suivons un journaliste opiomane, alcoolique et rebelle sur une enquête suite à la découverte d'un corps de femme démembré et décapité qui flotte sur la Seine. Or, cette enquête va le mener assez loin et bousculer un peu plus ses dernières certitudes. Voilà pour le décor.
Le héros semble tourmenté à cause d'un amour qu'il n'a jamais oublié et qu'il a du laisser dans sa Corse natale. Il y a un peu la gravité psychologique derrière des apparences légères et libertines.
J'ai bien aimé le dessin réaliste qui restitue à merveille cette ambiance un peu particulière de ce Paris de la Belle époque avant la Première Guerre Mondiale. A noter que le chien s'appelle Clémenceau. Une jolie colorisation, en adéquation avec le dessin, parachève le tout. C'est délicieusement retro !
Tout m'a paru surjoué et un peu artificiel malgré tout. A noter que la fin de cette intrigue policière se termine un peu en eau de boudin sans réel satisfaction pour le lecteur. Visiblement, il n'y aura pas de suite alors que cela aurait pu continuer. Mais bon, le démarrage n'est guère fracassant.
Le charme va t'il opérer sur tout le lectorat ? J'en doute fort. Les femmes n'apprécieront pas d'être relégué à un simple objet de désir. Moi, cela ne me laissera pas un souvenir impérissable surtout avec une fin aussi décevante.
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Nous sommes en janvier 1910 à Paris.
Et qui l'eût cru, la capitale est en crue ; une crue historique !
La Seine déborde comme jamais et de ses flots surgissent, outre les rats et autres bestioles vivantes ou mortes, des objets et des êtres voués à l'oubli. Et parmi eux les cadavres des noyés accidentellement ou volontairement.
Ange Leca, un jeune journaliste corse monté à Paris pour oublier une mésaventure amoureuse locale, qui lui a coûté la moitié de l'oreille gauche, une cicatrice au plus profond du coeur, et l'a fait tomber dans l'opium et "la fée verte" ( absinthe ), travaille pour "Le Quotidien", un journal appartenant au sieur Alfred Clouët des Perruches, lequel est marié à la jeune et très belle Emma Capus, une comédienne de renom dont Leca et sa gueule d'Ange est (sont) l'amant.
Au sortir de l'appartement de sa maîtresse avec laquelle il a passé la nuit en l'absence du mari, le jeune homme accompagné de son fidèle Clemenceau, un chien renifleur dont le flair est plus affûté que celui des meilleurs détectives, tombe à l'eau.
Repêché, il échange avec les sauveteurs et apprend qu'on a retrouvé le corps démembré, mutilé et étêté d'une jeune femme.
Il se rend à la faculté de médecine transformée en morgue... circonstances obligent.
Il échange avec le médecin légiste.
Le corps ramené à la surface est celui d'une jeune femme. Sur les doigts de la main du bras qui lui reste on voit des traces d'aiguille. de là à en déduire que la jeune femme était couturière, il n'y a qu'un pas qu'Ange Leca franchit. Il passe au journal pour y accomplir sa tâche quotidienne... mais on lui fait savoir que son patron le demande.
Il se rend à son bureau où il se voit reprocher de sentir très fort l'absinthe et les égouts.
Or il y avait un contrat tacite entre des Perruches et le jeune journaliste : choisir entre l'alcool et son poste au journal.
Il est congédié sur-le-champ, non sans avoir préalablement fait part à son ex-patron de son désir d'enquêter sur la mort de la mystérieuse jeune femme repêchée dans l'état que l'on sait ; celui-ci ne veut rien savoir, c'est la porte.
Ange Leca commence son enquête tout en se cherchant un nouvel emploi. le hasard faisant bien les choses, un ami le présente à Marie-François Goron, illustre détective qui, voulant consacrer du temps à l'écriture, embauche Ange qui peut ainsi partir sur les traces de l'énigmatique "couturière"...
Une plongée ( sans jeu de mots ) dans ce Paris de 1910 que Tom Graffin et Jérôme Ropert restituent avec beaucoup d'authenticité et de vie grâce aux planches éminemment talentueuses de Victor Lepointe.
La structure narrative n'a pas la densité, l'intensité, le liant et la cohérence d'un Kris et d'une Maël ( se référer à Notre mère la guerre ), mais on s'immerge ( toujours pas de jeu de mots ) avec plaisir dans cette époque rapportée avec un réalisme qui pourra peut-être heurter certaines sensibilités.
On apprend à la fin de l'album, grâce à des explications illustrées par des documents d'époque, que Marie-François Goron a bien existé, que le personnage de des Perruches a été inspiré aux auteurs par un certain Alfred Edwards et qu'Emma Capus est un peu l'émanation fictionnelle de Liane de Pougy, Geneviève Lantelme ou la Belle Otero...
Au final cette crue centennale aura submergé 40% de la capitale, noyé 20 000 caves, sinistré 150 000 Parisiens, causé 5 décès et quelques cas de typhoïde.
Elle aura donné naissance à un album instructif, dont l'énigme sans être un must collector n'en reste pas moins un très honorable travail de création littéraire et artistique.
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Club N°52 : BD non sélectionnée
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Une bonne enquête dans le Paris de 1910.
Cette BD a les avantages et les inconvénients d'un one shot, on a une histoire terminée mais c'est un peu court et expédié à mon goût, elle aurait mérité un peu plus d'épaisseur.
Les dessins sont très beaux mais je trouve la colorisation trop fade.
Gilles
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Une BD policière inscrite au début des années 1900 à Paris.
Le dessin aurait mérité un scénario plus complexe (Fusil de Tchekhov).
Malgré tout une BD agréable mais qui laisse un peu sur sa faim.
Yann
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Je ne sais qui il faut remercier, de l'éditeur ou des scénaristes.
Je ne sais pas qui a choisi Victor Lepointe pour illustrer l'histoire d'Ange Leca, mais c'est le meilleur choix.
Bon d'accord, je ne suis pas objectif, je suis fan de ce dessinateur.
Mais franchement, jetez un oeil à son travail sur cet album et vous en conviendrez, c'est une réussite.
Associé à Tom Graffin et Jérôme Ropert, Lepointe nous emmène dans le Paris du début du XXe siècle.
La Capitale est sous l'eau.
La Seine est sortie de son lit et a envahi les rues.
Charriant toutes sortes de détritus.
Ange Leca, jeune journaliste qui aime un peu trop une femme mariée et bien autant l'absinthe, se retrouve bientôt sans travail.
Mais voici qu'un corps démembré, remonté des eaux sales, va l'intriguer au point de mener l'enquête qui permettrait d'identifier la victime et son assassin.
Une intrigue captivante, magnifiquement mise en dessin (Oui, je sais, j'insiste).
Foncez !
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L'histoire se déroule à Paris en 1910 au moment de la grande crue. Ange Leca, immigré corse, est un journaliste qui a un penchant pour l'alcool et les nuits parisiennes. C'est l'amant d'Emma, la femme du patron de son journal.
Après une nuit de débauche, il tombe dans la Seine et est repêché par des pompiers qui ont déjà fait une drôle de découverte remontée par la crue : un tronc de femme sans tête, sans jambe, dont les seins ont été découpés.
Ange Leca de retour au journal doit affronter la colère de son patron qui décide de le renvoyer lassé de son alcoolisme et de son manque de professionnalisme.
Impression et horrifié par le corps mutilé de la femme, il se met en tête d'en trouver l'identité pour confondre son meurtrier. Il avait remarqué des marques à ses doigts et émis l'hypothèse qu'il s'agissait d'une couturière. Ange Leca fait donc le tour des ateliers de confection. Mais les tentations des nuits parisiennes l'entraînent vers des cabarets où il rencontre Jules Lévy et abuse à nouveau d'absinthe.
Le lendemain, un ami journaliste lui propose de rencontrer Marie-François Goron, ex commissaire de police qui a monté sa propre agence de détective. Celui-ci est spécialisé dans la recherche de "serial killer" ou du moins dans la recherche de meurtriers ayant commis des crimes particulièrement atroces. Goron va prendre Leca sous son aile.
Leur enquête nous entraîne dans les rues de Paris et nous donne des informations su le statut des femmes à cette époque et les moyens qu'elles avaient pour essayer d'échapper à leur conditions.
Le scénario de Tom Graffin s'inspire librement de faits historiques et de personnages ayant pour certains existé. J'ai particulièrement aimé le graphisme de Victore Lepointe. Les vues de Paris et des nuits parisiennes sont d'un grand réalisme, il en est de même pour les délires éthyliques de Leca. L'usage de l'aquarelle est adapté tant pour Paris et la crue que pour la Corse sous le soleil.
Apparemment il s'agit d'une oeuvre "One shot". C'est dommage car Ange Leca pourrait devenir un personnage récurrent associé à Goron.
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Janvier 1910, la Seine est sortie de son lit pour envahir les rues de Paris. Ange Leca, en sortant de chez son amante, va faire une découverte macabre : le corps démembré d'une inconnue.
Polar au temps de la belle époque, dans un Paris inondé.
Si l'enquête est assez basique, avec franchement assez peu de surprises de ce côté, le décor est parfaitement rendu. Il m'a presque semblé que le véritable sujet était Paris en 1910 plutôt que l'enquête en elle-même. On y rencontre ses demi-mondaines, ses bars iconiques, ses personnalités extravagantes mais aussi son architecture et son historique comme cette fameuse crue qui a durablement marqué les mémoires.
Ange Leca notre journaliste détective est un indécrottable romantique, un peu trop porté sur l'absinthe. Toujours accompagné de son fidèle chien, il va mener jusqu'au bout cette enquête sur le corps démembré.
Le dessin est très beau avec une jolie colorisation à l'aquarelle qui lui donne ce charme romantique tellement raccord avec la belle époque.
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Très belle réalisation. Scénario, graphisme, tout y est ou presque. Les documents présentés en fin d'album sont également très intéressants pour bien appréhender l'époque, l'ambiance du Paris de 1910 et mieux comprendre l'histoire qui nous est racontée. Une belle découverte !
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Un album nous proposant de naviguer dans le Paris sous les eaux du début du Xxeme S.
Le thème : un journaliste, Ange Leca, alcoolique, insolent, excessif, Corse exilé à Paris, se retrouve à enquêter sur un cadavre démembré : de qui s’agit-il? quel est le lien avec sa maîtresse? Pourquoi le chien de notre détective d’occasion aboie t-il férocement devant 2 personnes de l’entourage de Leca?
Sans parler d’histoire vrai, le scénario est assis sur la tendance de l’époque : aux côtés de l’économie, des sciences, des arts, de la culture, les esprits maléfiques se laissent aller à toutes les atrocités rivalisant avec Landru ou le démembreur de la tamise.
Une base intéressante mais un traitement décevant, assez superficiel. Le dessin est intéressant mais la mise en couleur assez fade…
Difficile de recommander…
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Tout d'abord, je tiens à remercier l'équipe de Babelio et les éditions JC Lattès pour l'envoi de ce roman dans le cadre de l'opération Masse Critique.
Dans les années 70, Thomas Shaper vit au Québec avec ses parents, paysans, qui vivent de la culture des fraises. Son destin est tout tracé, il reprendra l'exploitation, qui se transmet de génération en génération. Mais Thomas a d'autres ambitions et quitte son pays natal afin de tenter une carrière d'artiste peintre aux Etats-Unis. Il va y rencontrer sa future compagne Joan, parolière. Grâce à un marchand d'art surnommé Big Man, Thomas va être propulsé au rang de maître du stick-painting sous le pseudo de Robert Fury. En pleine gloire mais en quête d'identité, il rencontre dans un bar, le célèbre chanteur de country Johnny Cash. Également éloigné de ses racines, l'interprète cherche un lieu où se reposer et se ressourcer. Thomas lui promet alors de lui trouver son "diable d'endroit".
Un très bon premier roman pour Tom Graffin, qui nous ramène dans l'ambiance musicale et artistique des seventies. De plus, la couverture est magnifique, elle représente une carte imaginaire, qui indique les moments forts de la vie de Thomas Shapper. Par ailleurs, l'auteur est aussi compositeur et il y a donc une bande-originale qui accompagne le roman (disponible sur les sites d'écoute en ligne), que je me suis empressée d'écouter. Les morceaux de musique country-blues sont sublimes et vous transportent dans le bar Jukebox aux côtés de Jimi, Bob, Elvis et Johnny.
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Un cas piteux décapité.
1910, Paris est sous les eaux. Ange Leca, jeune journaliste sur la sellette, sonde les tréfonds de la capitale pour solder ses comptes. La découverte d'un corps féminin étêté et démembré pourrait constituer un scoop, établir une réputation et asseoir sa position mais le directeur du "Quotidien" qui l'emploie, Clouët des Pesruches, décide de le limoger. A-t-il eu vent de la liaison entre Ange et sa propre femme, Emma ? L'élucidation du crime sordide devient une obsession pour Leca mais ses prises de position pourraient lui être fatales.
Paris et son ambiance vénitienne due à la crue historique de la Seine retient l'attention avant tout quand les personnages sont transparents et l'intrigue inconsistante malgré des caractères trempés et une enquête où Leca mouille la chemise. Cela tient peut-être à une approche psychologique désincarnée, à des situations improbables, à des échafaudages bringuebalant. L'amour passionnel semble bien stéréotypé avec des scènes dénudées fort falotes. Le graphisme réaliste est parfois bancal et la colorisation informatique estompe le trait, noyant la dynamique de l'image. La dilution est toutefois au diapason du débordement fluvial. L'histoire aurait mérité de ne pas finir en queue de poisson.
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J'attendais une enquête détaillée, profonde, avec du danger, des révélations surprenantes, une pointe d'horreur sur ce que l'être humain est capable de faire, le tout sur fond de catastrophe naturelle qu'à été la crue de 1910 à Paris. Bref une BD thriller. Malheureusement j'ai trouvé que le scénario n'était pas du tout à la hauteur de mes attentes. Pourtant ça partait bien avec un corps de femme démembré découvert par un journaliste qui cherche de quoi faire un scoop pour relancer sa carrière. Et puis finalement, pas de réelles avancées à part la première piste qui révélait une bonne intuition de la part du journaliste. L'enquête prendra une tournure basée sur des suppositions très manichéennes... Pas vraiment de consistance dans les arguments, un déroulé de l'enquête sans intérêt, ce qui est dommage car la personnalité du journaliste est intéressante et permettait d'ajouter de la complexité à l'histoire.
En revanche les graphismes sont doux et reflètent bien l'ambiance parisienne des années de la belle époque. C'est ce que j'ai le plus apprécié dans cette BD.
Les pages de la fin qui apportent des informations sur cette période m'ont permis de voir que dans cette histoire beaucoup d'éléments ont bel et bien existé malheureusement les références dans la bd même sont trop succinctes pour apporter du corps à ce récit.
Je suis donc mitigé. Je pense que ce scénario aurait mérité plus de développement pour s'approcher du roman graphique plutôt que d'une BD.
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Paris a les pieds dans l'eau en cet hiver 1910. Une crue historique qui qui fait remonter les rats et un corps de femme démembré et décapité. Ange Leca est un jeune journaliste qui a quitté sa Corse natale pour monter à la capitale où il se noie dans l'absinthe et les bras d'une femme mariée. Il va se lancer dans une enquête sombre au coeur du Paris de la Belle époque.
Les 2 scénaristes, Tom Graffin (Jukebox motel) et Jérôme Ropert, nous plantent une intrigue polar classique dans un contexte qui ne l'est pas. Belle trouvaille que ce Paris inondé en pleine Belle époque. Une époque bien dépeinte et soutenue par un travail documentaire efficace dont on a la trace dans un épilogue historique qui est toujours le bienvenu.
Une intrigue classique dsais-je, entre triangle amoureux et reines de la nuit parisienne, courtisanes et hommes d'affaires dans une époque alors plus marquée pour ses crimes que pour ses arrestations. Classique mais efficace, réaliste et somptueusement dessinée.
Car le travail graphique de Victor Lepointe est pour moi une découverte et une révélation. Il nous brosse un Paris gris et terne, une Belle époque qui contraste avec les images que l'on s'en fait. C'est vraiment beau, décors et personnages. Ce travail à la palette graphique nous offre un rendu naturel saisissant dans une belle unité de couleurs restreintes.
J'aurais bien vu une intrigue plus longue, plus complexe... Et je me dis que ce personnage pourrait bien revenir pour d'autres aventures tant ce type de héros se prête à la récurrence. Un très bel album donc, un bon polar historique qui appelle une suite !
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Ce diptyque est l’adaptation d’un roman de Tom Graffin que je découvre. Thomas Shaper n’était pas destiné à être artiste, il quitte la culture de fraises familiale pour suivre son rêve. La fortune lui tombe dessus soudainement et le pousse à fuir. La rencontre de Johnny Cash lui fixe un but, trouver un « diable d’endroit ».
Le récit est agréable et prenant, on s’attache à ce Thomas et à sa quête changeante, sa recherche de vérité. On lui a imposé une identité d’artiste : Robert Fury… Le succès en fait une peau trop lourde à porter.
Mais la découverte pour moi réside surtout sur le dessin de Marie Duvoisin que j’ai trouvé sensible, élégant et expressif. Les émotions des personnages et de Shaper en particulier sont bien ressenties, avec de jolies trouvailles graphiques et une belle utilisation des couleurs… je suis sous le charme !
2 très beaux albums et une histoire touchante = 2 bons moments de lecture assurés avec Jukebox Motel !
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6 juin 1965. La veille de son vingt-quatrième anniversaire, Thomas James Shaper annonce à sa famille qu’il quitte le Québec et la ferme familiale pour suivre des études artistiques à New York. Cette annonce, aussi inattendue que brutale, en particulier pour Robert Shaper, paysan cultivateur de fraises qui voyait en son fils Thomas son successeur, tombe comme un couperet. « Tâche de construire quelque chose à la hauteur de ce que tu as détruit », telle est la phrase qu’assène le père à son fils, et la dernière qu’il lui entendra prononcer. Elle scellera le sort de Thomas, constamment tiraillé entre le bien et le mal, portant le poids d’une lourde tragédie tout au long du récit…
Thomas James Shaper se met dès lors en quête d’une nouvelle vie : à New York, tout d’abord, où il met au point le stick-painting, « sa première imposture d’artiste » qui, un soir de colère, lui vaut de brûler toutes ses toiles pour en sauver deux et les re-créer in extremis. Et de tenter sa chance en les soumettant à l’avis… d’Andy Warhol. C’est à ce moment-là que le roman et le destin de Thomas basculent : Andy Warhol, qualifiant ce qu’il a sous les yeux de « diablement sidérant », présente illico Thomas James Shaper à son trader, surnommé Big Man.
Diablement sidérant, oui…
Car ce qui au début de cette rencontre entre Big Man et Thomas peut sembler être un coup de foudre de l’agent pour son artiste prend très rapidement une tout autre tournure : Big Man offre une colossale somme d’argent à Thomas en contrepartie de dix toiles à peindre en un temps record. Le pacte est scellé.
Un pacte faustien, où notre jeune héros pourrait bien perdre (ou a même déjà perdu ?) son âme. Avec l’avance remise par Big Man pour ses « dix-équivalents croûtes », qui lui est tombée du ciel (de l’enfer ?) de manière aussi inattendue que l’annonce de son « grand débarquement » à ses parents un an auparavant, Thomas décide de partir en quête d’un « diable d’endroit », ce qui sera le Jukebox Motel : « je vais rouler jusqu’à l’autre bout du continent pour méditer sur tout ce cirque ; une sorte de retraite pour échapper à ce qui m’échappe, et tenter de saisir dans quelle folie le monde a basculé. » Au prix de bien des sacrifices.
La construction si judicieuse et si maîtrisée du roman en triptyque (trois parties équivalentes d’une centaine de pages, Fortune – Big bang – Balance), confère à "Jukebox Motel" une dimension mystique qui intrigue et captive du début à la fin, et nous maintient au fil des pages dans un état jouissif d’apesanteur, entre rêve et réalité. Les personnages fictifs ou réels qui gravitent autour de Thomas sont décrits avec une verve, une acuité et un humour qui rappellent ceux non seulement des romans de Paul Auster, mais aussi et surtout de ses films "Smoke" et "Brooklyn Boogie" : qu’il s’agisse de Joan Grant, la femme de Thomas, « l’indamante » (ah, le fameux code de l’indamour), de la mère de Thomas (mention particulière au chapitre 6, « Cerceaux de feu ») ; de Ted, l’ange gardien surnommé par son entourage la Bible de Tustin (!) et qui aidera Thomas à construire son « diable d’endroit », celui qu’il promit quelque temps plus tôt… à Johnny Cash lui-même, rencontré un soir dans un bar de Los Angeles, et qui, lui aussi, cherche un refuge où se retirer de tout « ce vaste cirque ». Pour fuir la folie et la superficialité d’un monde gangréné par le mercantilisme, avant d’y perdre son âme, voire la vie.
Du début à la fin, l’écriture est superbe, fluide, drôle, sombre et poétique à la fois (inénarrables « saute-motons ») : Tom Graffin, qui a été biographe familial et auteur-compositeur-interprète, met tous ses talents au service d’un premier roman foisonnant, qu’on ne se lasse pas de lire et de relire. Où le monde de l’art, personnifié par un Big Man haut en couleur, est passé au vitriol.
L’originalité et la force de "Jukebox Motel" résident aussi et surtout dans la mise en abyme d’un roman épistolaire dans le roman, où les lettres, poèmes et chansons échangés entre Joan et Thomas ponctuent certains chapitres et expriment subtilement la difficulté et surtout l’incapacité des deux personnages à vivre réellement leur histoire d’amour, lettres qui tentent de combler ce vide et manifestent leur volonté de s’extirper d’une réalité qui leur échappe.
En ce sens, comment le "Jukebox Motel", qualifié de « diable d’endroit », pourra-t-il être le salut de Thomas ? Et à quel prix ?
Pas question ici de révéler la fin de l’histoire de cette quête (diabolique ?) de Thomas James Shaper, dont on ne sait jamais si elle est réelle ou rêvée. Assurément, la très belle citation de Jean Cocteau, en exergue de "Jukebox Motel" (« Si le feu brûlait ma maison, qu’emporterai-je ? J’aimerais emporter le feu. ») et qui intrigue d’emblée le lecteur, prend tout son sens dans le dernier paragraphe du roman. La boucle est bouclée.
L'histoire et les personnages de "Jukebox Motel" vous hantent bien longtemps après avoir refermé le livre, portés par la plume virtuose de Tom Graffin. Un très grand premier roman publié par les éditions Lattès en mars dernier, qui fera date, et qu’on ne peut que recommander !
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Paris, 1910. La Seine est en crue. Le journaliste Ange Leca accompagné de son chien Clémenceau mène l’enquête suite au meurtre d’une femme dont le corps a été retrouvé démembré.
Le personnage d’Ange Leca est bien campé, les illustrations de Paris sous les eaux et à la Belle Epoque sont magnifiques. Reste que l’intrigue s’achève un peu vite. On aurait aimé une suite.
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Hiver 1910, la Seine submerge la capitale, c'est la grande crue. Tout remonte à la surface, les rats, les passions, les vieux démons et les cadavres.
Le corps d'une femme atrocement mutilée et démembrée est retrouvé dans une malle flottant au fil de l'eau. Ange Leca, journaliste enquêteur corse, accompagné de son fidèle chien Clémenceau vient d'être mis à la porte de son journal pour alcoolisme. Il est accros à la « fée verte » l'absinthe, opiomane abstinent et volage, il est l'amant d'une femme mariée. Ange se lance dans l'enquête afin de pouvoir identifier ce cadavre mystérieux, mais ce qu'il ne sait pas encore, est que son enquête va toucher sa vie privée.
L'année dernière, Pelaez et Chabert, dans cette même collection « Grand Angle » nous offraient également avec « Automne en Baie de Somme » un polar d'époque et d'ambiance. Avec « Ange Leca » nous sommes projetés vingt ans plus tard et nous sommes immergés dans l'époque post Mucha au moment où la Seine déborde et inonde de nombreux quartiers de Paris. Victor Lepointe dessine ce moment inhabituel et le Paris de la belle époque dans un réalisme surprenant. Les personnages féminins avec leurs grandes tenues, et même sans, sont tout en grâce et en élégance. Le dessin, d'une grande finesse est abouti. Hormis quelques planches, il reste dans une ambiance grisâtre correspondant au mauvais temps et à l'enquête malsaine pour laquelle il va graphiquement très loin.
Les scénaristes se sont inspirés des grandes figures de cette époque pour créer l'intrigue. Nous retrouvons Docteur Paul, médecin légiste qui interviendra lors des plus grands procès de l'époque tels ceux de Landru, Petiot, Bonnot. Mais également Marie-François Goron, chef de la Sureté, ici devenu détective après son départ à la retraite. Sans oublier Raoul de Vaux dit « le Baron Perché » et Jules Lévy libraire et éditeur parisien, noctambule avéré. L'histoire colle également aux affaires de l'époque où de nombreux cadavres de femmes démembrées furent retrouvés. Enfin, les personnages féminins sont inspirés des « demi-mondaines » ou « grandes horizontales », telles « La belle Otero » ou « La Païva », ces reines des nuits parisiennes, belles et intelligentes qui étaient entretenues par des hommes souvent mariés, suffisamment riches pour subvenir aux besoins de leur foyer et de leur maîtresse.
Un document de huit pages nous resitue, photos à l'appui, le contexte historique, les personnages évoqués dans l'album et les grandes affaires criminelles de l'époque.
Cet album est destiné aux adultes car les dessins très réalistes pourraient heurter. Annoncé au départ comme un album unique, Victor Lepointe, lors d'une séance de dédicace, m'a averti que la fin abrupte pouvait surprendre mais qu' une suite était en cours.
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