Dans les hauts parleurs, Doc Refouloir Doc Doc chantait (si on pouvait appeler ça chanter) une nouvelle chanson (si on pouvait appeler ça une chanson). Combien est-ce que je peux l'aimer bien, chantait-il ou rappait-il, quand j'la surprends avec mes frangins ? Ces images d'amour-jalousie, si typiques chez ces troubadours complètement illettrés du "On baise-comme-des-bêtes", irritaient Martha à un point insoupçonnable. Mais que faisait Martha Crocker, née Martha Starling, de Richmond, Virginie, du plus beau quartier de Richmond...Que faisait-elle dans une salle de gym de Buckhead à Atlanta, à subir cette "musique de nègres", comme son père l'avait toujours appelée, musique obscène, sans esprit, totalement vulgaire...? Que faisait-elle à se laisser bousculer, cogner et rabaisser par une bande de filles futiles, sans cervelle, narcissiques et folles de leurs corps, totalement soumises à un tortionnaire turc chauve nommé Mustafa Gunt, qui prenait plaisir à l'expédier, elle, Martha Starling Crocker, dans un footing de cinq étages jusqu'à son seuil de tolérance cardiaque ? Elle avait passé la ménopause. Elle n'était plus assez jeune pour être à l'abri d'une attaque cardiaque...
Pourquoi était-elle dans cette situation ridicule ?
Charlie. C'est toi, Charlie, et toi seul, toi et tes caprices, toi et ton égoïsme sans bornes, qui m'a fait ça ! Tu as éviscéré ma vie si agréable, Charlie ! Et me voilà à cinquante-trois ans, suant comme une bête pour renaître en tant que femme dans cette ridicule fabrique de garçons avec des seins !