AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Bibliographie de Tristan Mat   (1)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Le passant mélancolique
  
  
  
  
Le passant mélancolique devine les lieux où la fiction du siècle se réalise, où le vide se cristallise. Les longues voitures sont à quai. Elles n’attendent rien. Assis, immobile, le chauffeur. Il est huit heures, il est minuit. La désertion rassurante de la nuit, l’agitation statistiquement immobile de l’heure médiane : tout est paysage. Dans le palais, l’homme important rencontre des hommes importants. En s’asseyant ils entourent une table et font le monde. Leurs paroles s’effacent sans laisser de buée ; elles modulent et raffinent les souffrances de l’agonie. Les fleuves coulent. Le chauffeur ne s’est pas donné au temps. Il est face à lui dans l’oubli de lui-même. Il fait quelques pas, pur ornement. Il s’assoit à nouveau et sur un cahier il entrelace des mots, sans issue. Cases blanches, cases noires. Il s’immisce dans ce bref labyrinthe et entrant en lui-même, il s’échappe.
Commenter  J’apprécie          40
Une rue calme
  
  
  
  
Une rue calme, échappée au temps. Près de l’agitation du siècle. On y revient par hasard, avec étonnement. Les trophées sont serrés, accolés, face à face, enchevêtrés. Le marchand est presque invisible sans chercher à se cacher. C’est un monde d’ors, de bois peints, de cadres, d’enveloppes, de liserés, et de surfaces étales, sans couleur, qui ripostent du tac au tac, et l’on s’enfonce, étourdi par les reflets, les montres que l’on croit entendre, on passe, on admire, jusqu’à rencontrer le monstre jusqu’en face de soi.
Commenter  J’apprécie          30
La nuit ouvre au théâtre
  
  
  
  
La nuit ouvre au théâtre. Les chocs de l’ombre et de la lumière sont abrupts. La scène est immense et nous y sommes entrés, au bord de la route. Les immeubles qui la bordent ont leur histoire mais elle n’importe pas, ce ne sont que des pièces du décor, comme nous spectateurs, silhouettes à peine disséminées grâce auxquelles la légende pourra se lever, beaucoup plus tard. Les machines sont immenses, elles prennent possession de l’espace par la nuit. Les machines sont absurdes. La raison se combat par l’action insignifiante. La route est rabotée, débitée en pépites, projetée dans une benne. En lieu et place des encens et des graisses animales du sacrifice, le goudron. Les seuls hommes dans la lumière, colorés de surcroît, sont réduits à des images. La pièce s’interrompt ici même dans la célébration. Absence, vide, nuit, travail, nommez cela comme vous le souhaitez, mais en silence, je vous prie.
Commenter  J’apprécie          20
Exercices d’illumination 2
  
  
  
  
À quatre heures, dans la cuisine, la table est nette. Sa couleur d’automne resplendit dans l’été. Sur cette vaste feuille sous mes coudes, une coupe de fruits, le pot à sel, un verre d’eau où des feuilles de basilic prennent racine, la pile de livres et de carnets au repos. Je suis seul dans l’heure vaste. Au-delà de la fenêtre ouverte, d’autres fenêtres entourées de murs couleur sable. Le regard est prestement arrêté. Tout est familier. Rien ne bouge que le vent, invisible. L’étrangeté danse. Je pourrais découvrir le secret du monde, ou le mien. La nuit sera déjà venue et avant elle, je serai entré dans la pièce, et sans m’asseoir, de quelques mots brefs, je me serai jeté vers le monde. C’est l’heure du flamenco. La lumière est méprisée. Tout se passe dans un cercle. Les larmes rient. Les sentiments sont piétinés. Tout reviendra à l’identique: il n’y a pas lieu de sourire ou de rêver.
Commenter  J’apprécie          20
Une mer brumeuse
  
  
  
  
Une mer brumeuse. La plage, la mer, le ciel forment un continu. Le regard glisse de l’un à l’autre sans rupture, revient et finalement atteint l’indistinct. Une fois perdu le centre, le point de mire, la totalité est appréhendée. Des modalités se mettent en place, se répondent, s’effacent : le toucher du velours, l’oscillation du rivage, la pulsation de l’écume ; et sans perdre l’unité, le singulier : les détails des vagues ourlées de sable, la découpe minutieuse d’un arbre surimposée à la vapeur, la dimension d’un homme cheminant et regardant à son tour, et comme cadre, à l’intérieur de ce qui est sans limite, des pierres plus grosses que le gravier, immobiles, qui, quelques années plus tard, ramènent à la présence indivise.
Commenter  J’apprécie          20
On regarde les ombres s’allonger sur le trottoir
  
  
  
  
On regarde les ombres s’allonger sur le trottoir. Rue calme, voitures immobiles. Parfois passent des êtres de chair et d’os munis de vêtements, visages, gestes, enveloppés d’un luxe de détails derrière lesquels ils disparaissent. Et à nouveau, au centre, la douceur du mâchefer dans la lumière affaiblie de la nuit. Voici la scène où affleure une rare tendresse. Est-ce elle ou déjà un spectre ? Une silhouette sombre entre par le côté et s’avance, brusquement. Elle s’est attachée à une femme ou à un homme et la suit. On devinera un geste : le bras qui se lève, un pas, la main qui approche une cigarette de la bouche, la tête qui se rejette en arrière, et elle restera discrète sur les sentiments, les mouvements, les tourments. Elle ne révélera aucune parole. L’autre est là. Ils s’approchent, se mêlent et s’éloignent. À peine en saurait-on plus que l’on abandonnerait la compassion. Le rideau tiré, de moi nulle ombre n’apparaît.
Commenter  J’apprécie          10
Le soir, déjà, est oublié
  
  
  
  
Le soir, déjà, est oublié, loin en dessous, englouti. Ce serait l’heure de s’allonger près d’un autre corps, de fixer la masse d’obscurité entre les yeux et le plafond, sans avoir rien à prier ; et viendrait plus tard le sommeil. Tu ouvres la porte. Malgré le vent, l’air est chaud. Tu enfiles les rues du quartier rectiligne. Le hasard ne s’improvise pas. Tu dessines des quadrilatères qui te reporteront à la porte-cochère de chaque jour. Tu compliques le parcours, tu bifurques. Les rues assombries et éclaboussées de lumière sont outrageusement fardées. La jupe relevée découvre un genou mais le sexe est à rêver encore. Seule la chaleur doucereuse l’annonce. À force de demi-tours imprévus, de volte-face d’arrêts prolongés, tu marches dans des pensées répétitives comme l’architecture. Tu remâches le goudron de tes obsessions. Tu tournes à gauche. Tu t’arrêtes. Un instant tu as été perdu. C’est là que se cache la solution.
Commenter  J’apprécie          10
Je me lève en ouvrant les yeux sur la boue
  
  
  
  
Je me lève en ouvrant les yeux sur la boue, je trahis. Je suis encore dans le sillage du sommeil. L’eau ne rafraîchit pas, elle ne rapproche d’aucune réalité, elle éclabousse. Elle conspire avec le miroir qui offre une inflation de chair, une infection. Des yeux s’offrent à mon regard et les fascinent. Des lambeaux filandreux ondoient de la surface au centre du corps. Sans image et sans couleur, ces brisures de lianes, ces explosions aqueuses, mystérieuses de leur morale souterraine sont ressenties. Le vide danse à l’intérieur, à mesure que les linceuls s’enroulent. La main du bourreau décapite l’air qui recouvre les joues, le sang est battu en mousse. Les siphons, les canalisations, la chasse d’eau sont au concert. Partition, piège où je sombre sans bouger.
Commenter  J’apprécie          10
La lumière se déverse
  
  
  
  
La lumière se déverse. Je passe d’une pièce à l’autre pour la retrouver : elle attaque de toute part. Elle écarte les fenêtres, agrandit les chambres qu’elle gonfle comme des voiles qui, remplies d’air chaud, deviennent des montgolfières. Elles sont vides tout à coup. Les meubles se tassent contre les murs. Elle se répand dans chaque grain d’espace. Tout lui est miroir. Je m’assois à ma table, devant la fenêtre, là où je progresse vers l’aube. Le paysage se découpe, il s’avance. Je pourrais le toucher. Le regard se lève sur la mer. Le corps bat au pouls de la houle. C’est une mer blanche, d’un blanc qui est une forme distillée du bleu. Je suis offert à tous les regards, à ce qui forme tout regard. Je m’allonge sur le lit, ferme les yeux. Midi vient jusque dans mon rêve.
Commenter  J’apprécie          10
Je suivais cette femme
  
  
  
  
Je suivais cette femme tous les soirs dans la nuit sans la connaître ni l’aimer. La ville était comme enneigée. J’avais presque perdu l’usage des mots. En moi j’appelais l’hiver. Je m’étais attaché à elle comme à un mystère. Elle sortait d’un immeuble, marchait sur les trottoirs déserts et disparaissait dans une cour intérieure assombrie. Elle ne me remarquait pas, serrait son sac contre son manteau. Elle marchait vite. Les rares vitrines ne l’arrêtaient pas. La ville avait changé de visage. Je marchais des heures, d’autres heures, au hasard. J’espérais et j’avais peur de la rencontrer. Elle aurait levé les yeux vers moi et son regard m’aurait effacé. Elle était ponctuelle, je la suivais comme une ombre.
Commenter  J’apprécie          10

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Tristan Mat (1)Voir plus

Quiz Voir plus

Dragon ball et Dragon ball Z

(Super facile) Combien d'enfant a Son Goku ?

1
2
3
4

10 questions
761 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *}