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Critiques de Victor Serge (15)
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Mémoires d'un révolutionnaire et autres écrits po..

Le parcours d'un révolutionnaire libertaire



Et quel parcours ! Depuis la Belgique en passant par la France, l'Espagne, l'Allemagne, la Hongrie et surtout la Russie, Victor Serge, né en 1890, a tout connu.



Les mouvements anarchistes de tous ces pays, les principaux acteurs de ces mouvements et surtout il fut de tous leurs combats ce qui lui valut de fréquenter régulièrement les prisons de ces pays.



Ce volume de plus de mille pages reprend nombre de ses écrits et de sa correspondance, ce qui permet de découvrir la qualité de sa prose. Victor Serge développe ses idées, sa vision du monde d'une manière à la fois très claire, accessible mais aussi très riche en arguments et avec une grande honnêteté intellectuelle, n'hésitant pas à reconnaître ses erreurs et revenir, en s'expliquant sur ses engagements passés.



Grace à ce livre, vous porterez un nouveau regard sur la Révolution Russe. En effet, l'auteur, ayant été très proche de personnages comme Trotski, Lénine, Zinoviev et ayant eu des fonctions importantes, apporte des informations originales et inédites, développe des explications très pointues, justifie ou condamne certains évènements avec un regard toujours critique et lucide rarement rencontré dans les ouvrages consacrés à cette période.



Bref, comme le dit dans sa critique Phil56, il faut lire ce livre passionnant qui, j'en suis sûr, vous enrichira à chaque page et vous fera découvrir, peut-être, une autre vision d'un Monde possible.

Et vous serez certainement séduit par cet Homme et ses idéaux comme je l'ai été...

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L'affaire Toulaév

Formidable dénonciation de la société soviétique et surtout de la terreur stalinienne .



A travers une galerie de personnages de toutes conditions sociales, l'auteur nous démontre toute la perversité d'un système.



Ou comment, les accusateurs d'aujourd'hui deviendront les accusés de demain.

Ou comment, l'obscur petit fonctionnaire s'acharne à appliquer des directives qu'il sait être criminelles et qui provoqueront une famine et donc des milliers de morts.

Ou comment, le régime fait régner la peur, en effet être ami, prit en photo avec celui qui est maintenant l'ennemi du peuple, peut vous coûter très cher.

Ou comment, le pouvoir encourage la délation et entretient la corruption et détruit l'idéal révolutionnaire de tout un peuple. En effet, pour Staline et ses comparses, personne n'est totalement innocent et chacun complotera un jour contre la nation.



L'auteur nous emmènera en Espagne, pendant la guerre civile, ou là encore l'on pervertira les combattants de toutes tendances avec les mêmes menaces et éliminations au nom du parti.



Au final, ce livre écrit avec passion, nous démontre l'absurdité d'une politique qui tua ses propres enfants.



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Écris-moi à Mexico

Je pourrais dire, comme une publicité pour une boisson alcoolisée, Un Victor Serge sinon rien. Mon vœux a été exaucé lors de la dernière opération masse critique où j'avais porté mon dévolu sur ce livre de correspondance entre Victor Serge et sa compagne Laurette Séjourné.

Avant tout je dois rendre hommage au travail éditorial des Éditions Signes et Balises que je découvrais à cette occasion. Tout est fait pour que le lecteur prenne du plaisir : une belle couverture au titre rouge sang sur fond vert Véronèse qui séduit l'œil, un format parfaitement adapté à la longueur du texte, un papier doux au toucher et surtout des notes, non pas en bas de page comme cela se fait le plus souvent, mais en marge du texte afin de rendre la lecture plus fluide. En fin d'ouvrage un glossaire des différents protagonistes facilite une meilleure compréhension.

Pour débuter, une préface d'Adolfo Gilly "Victor Serge au Mexique : le dernier exil" permet d'avoir toutes les clés pour entamer sereinement la lecture de cette correspondance.

Victor Serge, révolutionnaire opposant à Staline, exclu du parti communiste, interné dans un camp avec sa famille, puis expulsé en 1936 vers la France grâce à l'action de quelques intellectuels.

Déclaration de guerre entre l'Allemagne nazie et la France qui est vaincue. Victor Serge se réfugie alors à Marseille, en zone libre, pour échapper aux Allemands mais aussi aux agents de Staline (Trotsky est assassiné le 21 août 1940). Il sait qu'il va devoir faire vite, que son salut réside dans la fuite au-delà des mers. Aussi, dès qu'il obtient un visa pour le Mexique, il embarque avec son fils aîné, laissant derrière lui sa compagne Laurette Séjourné, sa fille, son jeune fils, qui n'ont pas encore les documents pour fuir.

Une longue correspondance va débuter. Au début, ils sont tous les deux optimistes, pensant que la séparation sera de courte durée. Mais rapidement ils vont s'apercevoir que les retards s'accumulent, que les promesses s'envolent.

"Les ennuis, les difficultés, les obstacles ont plu de façon diluvienne" écrit Victor Serge de Mexico où il est arrivé en septembre 1941. En vain il active tous ses réseaux, démarche à tout va sans succès tangibles.

Il voudrait serrer de nouveau Laurette dans ses bras, la sentir, la caresser. Le désespoir le gagne, le doute le ronge quand il reste de longues semaines sans nouvelles : Est-elle encore aimante ? A-t-elle encore la volonté de le rejoindre ? Ses lettres à lui sont de plus en plus pressantes, répétant sans cesse les mêmes recommandations : " Chérie, fais le plus vite possible que tu peux, ne perds pas un jour, acharne-toi à simplifier les questions, c'est très important, c'est vital". "tu sembles ne pas concevoir les difficultés, malgré cette attente de visa qui aura pris presque un an".

Mais Laurette ne peut concevoir de partir sans les enfants. C'est son cœur qui parle alors que Victor est plus pragmatique et tente de la persuader de venir seule, qu'il sera plus facile de faire venir les enfants, après.

À la vérité, je pense qu'il a peur de se retrouver seul au Mexique et que la porte du salut se referme définitivement pour Laurette.

La dernière lettre de Victor Serge est datée du 3 janvier 1942.

Laurette ne partira qu'en février pour le Mexique avec la fille de Serge. Le garçon restera chez sa grand-mère en Italie.

La lecture de cette correspondance a été pleine de tensions, d'interrogations. Pourquoi tant de difficultés administratives quand des destinées sont en jeu ?

On vit véritablement l'attente avec Victor Serge dont l'inquiétude monte crescendo.On tremble avec lui, on s'impatiente.

Un très bon moment de lecture qui va m'inciter à lire son livre écrit pendant cette période : L'Affaire Toulaev.

Un grand Merci pour Babelio et Anne-Laure Brisac des Éditions Signes et Balises pour l'envoi de ce document passionnant.
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Mémoires d'un révolutionnaire 1905-1945

Si vous cherchez un bouquin sympa pour la plage,oubliez les mémoires de Victor Serge. Certes vous ne bronzeriez pas idiots mais la tâche serait rude! Victor Serge a rassemblé avec le plus d'objectivité possible ses souvenirs,ses écrits, pour retracer l'histoire révolutionnaire de 1905 à 1945 avec comme ancrage la révolution russe,puis ses dérives totalitaristes. La mise en place d'une véritable inquisition par " la tcheka" puis " le guépeou", la terreur des persécutions,des mises à mort, les famines, les trahisons sont admirablement bien décrits. Mais l'analyse est systémique,elle explique les multiples impacts de cette révolution sur l'ensemble de l'Europe. Elle m'a permis de comprendre à quel point les mouvements politiques ont été stratégiques au détriment de vrais projets humanistes.

Victor Serge a voulu n'être que le porte parole de l'Histoire en tant que témoin et acteur dans une volonté farouche et jamais émoussée de livrer la vérité sans jamais chercher à l'arranger en faveur d'une idéologie. Le sens de sa vie a été de" participer consciemment à l'accomplissement de l'histoire...se prononcer activement contre tout ce qui diminue les hommes et participer à toutes les luttes qui tendent à les libérer et à les grandir ..". Dire de lui qu'il fût un héros serait trahir sa volonté d'effacement au profit de l'histoire mais je ne peux taire mon admiration pour cet homme d'une intégrité absolue,d'une intelligence hors du commun,d'un courage exemplaire. Les répressions terribles qu'il a vécu,la mise à mort des révolutions successives et de leurs militants ne l'ont jamais amené à baisser les bras. Ses mémoires ne sont pas celles des vaincus car son message est au contraire de rappeler que la vie n'a de sens que dans la quête de la justice et de la liberté. Sa conclusion est " de ne jamais renoncer à défendre l'homme contre les systèmes qui planifient l'anéantissement de la liberté"

La lecture est exigeante car Victor Serge ne néglige aucune explication,il nomme avec soin et détails tous les évènements qui ont jalonnés cette période,les multiples acteurs de cette histoire révolutionnaire,qu'ils aient été dirigeants,militants,victimes,témoins; des personnages extrêmement connus comme ceux qui ont été oubliés. On s'approche de Lénine,Trotsky,Blum...comme d'Orwell, Giono, Modigliani etc

Les notes de fin d'ouvrage permettent d'approfondir,de mieux comprendre,de faire des liens. Pour ma part, j'ai sélectionné car la richesse des informations est impossible à intégrer en une seule lecture.

C'est un ouvrage à conserver, à consulter régulièrement,un livre témoignage essentiel.
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Résistance

La poésie de Victor Serge est le symbole d'un long voyage, où la beauté pure des immensités de la steppe aux confins de L'Oural russo-sibérien, se confond avec la terreur stalinienne qui l'entrechoque violemment. de ses yeux, l'auteur, dans ses rares moments de liberté dans les camps de travail où il est emprisonné, nous transmet les bribes d'un univers naturel à la splendeur onirique, où les animaux sauvages sont rois, où les Autochtones, peuple sibérien, ethnies d'Asie centrale se mélangent, constituant ces petites communautés villageoises, vivant encore presque comme leurs ancêtres, avec cette joie naïve, loin des fadaises politiques d'un monde qui bientôt va les broyer. le poète Victor Serge tout en nous contant ces existences candides avec béatitude, transcrit dans ses vers un autre aspect de ses pensées, celles-ci, beaucoup plus personnelles et au ton mordant, amer, mais aussi souvent ironique avec une émotion palpable, quand un lyrisme révolutionnaire revient cheminer au travers de ses mots pour se souvenir du temps passé, des luttes perdues, des camarades tombés, assassinés, des femmes aimées. Expérience poétique surréaliste, visionnaire, halluciné d'un poète persécuté qui grâce à sa mémoire, lorsqu'il sera miraculeusement libéré en 1936 s'empressera de coucher sur le papier ses souvenirs indicibles pour l'éternité.
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Mémoires d'un révolutionnaire et autres écrits po..

Ceci n'est pas une critique au sens strict du terme mais plutôt une incitation, une invitation à lire ce livre ou plus si affinité.

Vous dire également que Victor Serge fut de ceux, et non le moindre, qui me permirent, à une époque déjà lointaine, de prendre conscience de mes aveuglements d'adolescent et, par là, de définir et affiner mes choix ultérieurs de vie et d'engagement.

QUI EST VICTOR SERGE ?

- Victor Serge (Kibaltchitch pour l'état-civil) naît à Bruxelles en 1890 de parents russes émigrés anti-tsaristes de condition plus que modeste.

- Fréquente et milite dès 1905 à la Jeune Garde Socialiste d'Ixelles.

- Fait la connaissance et se lie d'amitié en 1906 avec un jeune voisin de son âge du nom de Raymond Callemin (le futur "Raymond-la-Science" de la bande à Bonnot).

- Départ pour Paris en 1909, découvre les communes libertaires et s'implique (nom de plume "Le Rétif") dans la revue "L'anarchie" fondée par Albert Libertad et dont sa compagne Rirette Maîtrejean est responsable de publication.

- Accusé de complicité dans le procès des "bandits tragiques", il est condamné, en 1913, à cinq ans de réclusion.

- Libéré début 1917, il est expulsé en Espagne car apatride.

- A Barcelone, il collabore à la revue "Solidaridad Obrera" (organe de la CNT) et à "Tierra y libertad" (organe de la FAI). Après l'insurrection manquée de juillet 1917, il décide de rejoindre la Russie où il n'arrivera finalement qu'au début 1919.

- A Petrograd, il adhère au PC russe, travaille pour le bureau de l'Internationale Communiste, agent clandestin du Komintern en Allemagne, membre de l'opposition de gauche animée par Léon Trotsky il dénonce virulemment la dégénérescence stalinienne de l'état soviétique.

- Épouse Liouba Roussakova et naissance, en 1920, de son fils Vladimir (dit Vlady).

- Exclu du PCUS en 1928, placé sous surveillance, en butte à de perpétuelles tracasseries, condamné en 1993 à la déportation à Orenbourg (Oural), il est finalement banni en 1936 grâce à l'intervention de nombreux intellectuels et écrivains, français pour la plupart, dont Romain Rolland qui intercède personnellement en sa faveur auprès de Staline.

- Naissance de sa fille Jeannine en 1935.

- de 1936 à 1940 : intense activité littéraire et éditoriale (entre autres dans le quotidien syndicaliste liégeois "La Wallonie"). Lors de la guerre civile espagnole, il soutient et adhère au POUM, reste proche de Trotsky (il écrivit d'ailleurs sa biographie,en collaboration avec sa veuve Natalia Sedova, après son assassinat) mais ne rejoint pas la IVème Internationale dont il critique le sectarisme.

- Après l'invasion de la France en mai-juin 1940, il se réfugie à Marseille avec sa nouvelle compagne (depuis 1937) Laurette Séjourné (de 20 ans sa cadette). Ils séjournent, entre autres, à la fameuse villa "Air Bel" . Grâce à l'association états-unienne CAS (Comité Américain de Secours), il obtient un visa pour le Mexique où il arrive le 04/09/41 en compagnie de son fils Vlady.

- Début 1942, sa compagne Laurette et sa fille Jeannine le rejoignent au Mexique.

- De 1942 à 1947 : rédaction de nombreux articles et romans, qu'il a le plus grand mal à publier. Il participe au cercle de réflexion "Socialismo y Libertad", qui publie la revue "Mundo". Il vit dans une grande pauvreté, sans travail et harcelé par la persécution des communistes orthodoxes espagnols et mexicains à Mexico. La guerre finie, il envisage de rentrer en France sans y parvenir.

- Il meurt le 17/11/1947 à Mexico.

Bonne lecture ou relecture.

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L'affaire Toulaév

Dans ce roman inspiré de faits réels, Victor Serge nous emmène au coeur du régime stalinien. Il décrit avec minutie les origines des procès de Moscou et la logique interne d'un régime qui avait fait de la purge une technique de survie. Révolutionnaire lui-même, Serge à vécu de l'intérieur la mise en place de la dictature soviétique et a fait l'objet de poursuites par le Guépéou. Ceci n'en rend son roman que plus poignant.
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Écris-moi à Mexico

Merci à l'opération "Masse Critique" de Babelio ainsi qu'à la maison d'édition " Signes et Balises" de m'avoir permis de découvrir ce très beau livre.

Précisons toutefois que celui-ci ne pourra vraiment intéresser que celles et ceux qui connaissent déjà Victor Serge de par son œuvre littéraire et/ou son parcours de "révolutionnaire".

LE CONTEXTE :

Après l'invasion de la France en mai-juin 1940, Victor Serge (VS) se réfugie à Marseille avec sa nouvelle compagne (depuis 1937) Laurette Séjourné (LS) (de 20 ans sa cadette). Ils séjournent, entre autres, à la fameuse villa "Air Bel" : conseil de lecture sur cette période historique spécifique : Transit d'Anna Seghers et surtout Planète sans visa de Jean Malaquais dans lequel VS est très clairement identifiable. Grâce à l'organisation états-unienne CAS (Comité Américain de Secours), il obtient un visa pour le Mexique et quitte Marseille le 24/03/41 à bord du cargo "Capitaine Paul Lemerle" accompagné de son seul fils Vladimir (20 ans) ainsi que d'André Breton et son épouse, Claude Lévi-Strauss, Wifredo Lam,... Commence alors une abondante et erratique correspondance entre VS et LS (du 29/03/41 au 03/01/42).

UN PETIT REGRET :

Hormis cinq lettres (du 01/04/41 au 30/08/41), plus rien ne nous est proposé de la correspondance ultérieure de LS à VS (VS en aurait-il sciemment décidé la destruction ?).

APPRÉCIATION GLOBALE :

Acteur et témoin de tragédies historiques et intimes accablantes, Victor Serge se trouve à nouveau isolé, humble fétu de paille, minuscule particule humaine, à affronter toutes les adversités avec pour unique objectif : retrouver à ses côtés (au Mexique) sa seule raison d'être, de vivre encore - Laurette Séjourné.

ANALYSE PLUS APPROFONDIE :

1) Pour peu que l'on puisse valablement en juger, les cinq lettres, à l'écriture fort élégante, de LS à VS nous révèlent une jeune femme (30 ans) d'une grande sensibilité :

a) très fins portraits du microcosme de la villa Air Bel (Max Ernst, Jean Malaquais, Jacques Hérold, Consuelo de Saint-Exupéry,...) avec son lot d'intrigues amoureuses, de dépressions contenues, de création artistique et intellectuelle plus ou moins en rade, de jalousies et connivences propres à un monde clos par la force des choses ;

b) propos amoureux très pudiques mais ardents ;

c) attention toute "maternelle" et manifestement sincère envers les enfants de VS ( Vlady - 20 ans - qui est parti avec lui et Jeannine - 6 ans - qui est restée avec elle en France) sans oublier son fils (d'un premier mariage) René - 6 ans qu'elle souhaite ardemment emmener avec elle.

2) Le courrier de VS à LS, au style de plus en plus basique, administratif voire télégraphique (à la notable exception des descriptions des paysages qu'il découvre dont la beauté le fascine), témoigne crescendo de menus détails de la vie quotidienne, des démarches aussi improductives qu'épuisantes relatives à l'obtention des visas (de sortie, de transit, ...), de son cafard, de son anxiété à être perpétuellement en butte à une bureaucratie inhumaine et tatillonne, de ses doutes, de sa culpabilité d'avoir abandonné Laurette et Jeannine et donc des affres de la séparation, de l'éloignement.

Sa phraséologie "sentimentale" est, quant à elle, peu inspirée, ultra répétitive et fait généralement peu de cas des enfants : le sien (Jeannine) et celui de Laurette (René). Les allusions à son fils Vlady sont de plus en plus laconiques. Une distance, que VS n'explicite pas, s'est manifestement creusée entre le père et le fils (ce dernier, 21 ans, se mariant au Mexique sans même lui en avoir parlé au préalable !).

Par ailleurs (censure oblige ?), il est fort peu question de considérations politiques, philosophiques ou idéologiques, simplement quelques évocations d'activités d'écriture plus ou moins intenses en fonction de son moral ou état physique.

Les lettres en provenance de France se faisant plus rares (trop aux yeux de VS : 3 en un mois), la tonalité du courrier à LS se transforme peu à peu à compter de début 10/41 jusqu'au dernier envoi du 03/01/42.

Je cite, en vrac, quelques éléments révélateurs :

- récurrences multiples à la possession, au profond désir d'aimer un être conforme à ses attentes, à ses besoins, à sa nécessité vitale ;

- exprime fréquemment la crainte que la séparation prolongée n'émousse les sentiments de LS à son égard, ne la détache de lui ;

- certaines lettres sont mêmes clairement culpabilisantes pour LS (03/10/41). Ses injonctions, ses directives se font de plus en plus pressantes, exigeantes, incisives ;

- apitoiement sur son sort, son état (terriblement fatigué, nerveusement usé, besoin de reprendre haleine, exaspéré, consterné, angoissé,...) ;

- propos très durs sur l'indifférence (présumée ?) d'André Breton à son égard.

Tout cela crée un certain malaise.

S'il est tout à fait légitime de penser que cette insupportable attente induise un état sans doute proche d'une profonde dépression nerveuse (paniques de solitude), il est, par ailleurs, tout aussi pertinent de s'interroger sur la nature profonde de cette relation.

Je ne suis ni psychiatre, ni psychologue mais cette stratégie infantilisante, cette façon de s'adresser à LS (quand même trentenaire) comme à une femme-enfant, me donnent à voir un VS excessivement possessif, ne pensant qu'à sa petite personne, paraissant, qui plus est, peu réceptif (ses arguments "raisonnables" ne m'ont pas entièrement convaincu) à la volonté acharnée de LS d'emmener également avec elle son fils René (6 ans) qu'elle devra laisser, in fine, chez ses grands-parents en Italie. Pour la petite histoire, le contact avec lui ne sera rétabli, par courrier, qu'en 1946.

Comme vous avez pu le constater, je croyais bien connaître Victor Serge, ayant beaucoup lu de et sur lui.

Force est de reconnaître que tel n'était pas le cas, ce qui ne diminue en rien le profond respect intellectuel et politique que j'éprouve pour lui.

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Écris-moi à Mexico

J'ai lu ce livre dans le cadre de l'opération Masse critique et je remercie les Editions Signes et Balises de m'avoir permis de découvrir la correspondance de Victor Serge à sa compagne. Pour ceux qui se demanderaient: "Mais qui est Victor Serge?", je répondrai qu'il fut d'abord un anarchiste avant de devenir un fervent partisan de la Révolution russe. Mais après la mort de Lénine, il n' a eu de cesse de dénoncer le totalitarisme de Staline, ce qui lui a valu quelques années au Goulag avant d'être expulsé de l'URSS. Il s'installe en France mais, au moment de l'occupation allemande dans le pays, il s'exile au Mexique. La correspondance que j'ai lue se déroule sur une période courte entre 1941 et début 1942 entre Victor Serge et sa compagne Laurette Séjourné, restée en France. Je dois dire honnêtement que je n'ai pas été particulièrement emballée par cette correspondance intime entre deux amants pressés de se retrouver. Enfin surtout de la part de Victor Serge qui écrit dans toutes ses lettres qu'il l'attend. De plus, nous n'avons quasiment pas de lettres de Laurette, sans doute ont-elles été perdues, présenter donc cet ouvrage comme une correspondance de ce couple n'est pas tout à fait exact. On entend surtout la voix de Victor Serge qui se répète beaucoup sur les démarches à suivre pour que sa Laurette le rejoigne, sur l'absence de celle-ci qui lui pèse. De temps en temps, il évoque la beauté du Mexique: ses paysages, ses habitants mais pas assez pour que nous puissions être touchés. Pour ceux qui connaissent Victor Serge, je ne crois pas que cette correspondance apportera grand chose, et pour ceux qui ne le connaissent pas, commencer par cette correspondance dessert, à mon avis, l'écrivain qu'il a été.
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L'affaire Toulaév

Belle plongée dans un triste épisode de l'histoire d'un auteur du xxème siècle trop méconnu que les éditions zones ont eu la bonne idée de rééditer en 2010........
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Les hommes dans la prison

Un livre intéressant mais un peu trop théorique à mon goût. Mon attention s'est vite relâchée, d'autant que je connais mal le sujet. Une lecture qui reste tout de même édifiante.
Lien : http://madimado.com/2012/03/..
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L'affaire Toulaév

Un homme a été tué dans une rue, comme il se doit une enquête est diligentée mais voilà nous ne sommes pas dans n’importe quel pays mais en URSS, à Moscou dans les années trente et c’est un apparatchik qui a été assassiné. Dans un pays totalitaire la mort d’un dirigeant ne peut pas être un meurtre ordinaire, pour ce régime construit sur la paranoïa le coup vient forcément de haut et participe d’un complot. Le système répressif étant parfaitement rodé et les années trente celles des grandes purges, la machine à broyer se met en route immédiatement.



Dans ce roman rude et austère Victor Serge décortique les mécanismes impitoyables qui poussent l’état stalinien à dévorer ses meilleurs enfants. Car ce sont des vieux combattants du bolchévisme qui sont suspectés, si tout innocent est un coupable qui s’ignore les anciens sont encore plus suspects : ils ont connu Lénine, ils ont côtoyé Staline et ses manœuvres et ont compris les dérives du système, leur existence même est un danger.



Serge aligne les portraits, les parcours de ces hommes qui sont des durs, certains ont les mains sales car ils ont été bourreaux avant d’être victimes, ils ne sont pas surpris ils savent ce qui les attend. Il ne sert à rien de se défendre, de faire valoir des états de service, l’étape ultime sera l’aveu car tous avouent, même les crimes les plus invraisemblables. Le moyen suprême est de les convaincre qu’ils sont coupables pour le bien du Parti, le contester serait donner raison à la contre-révolution et trahir ce qui a fait le sens de leur vie.



On ne peut s’empêcher de rapprocher ce tableau affligeant du totalitarisme stalinien de celui du dictateur Poutine, comme pendant l’URSS les systèmes policier et judiciaire d’aujourd’hui sont aux ordres, arrêtent et condamnent sans vergogne et la population endoctrinée assiste à ces crimes sans émotion.

Lecture tristement instructive qui demande des efforts au lecteur car si la langue de Victor Serge est élégante, l’atmosphère du roman est irrespirable et déprimante. Même si parfois on rirait devant tant d'absurdité ubuesque.

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L'affaire Toulaév

Victor Serge reste un romancier à découvrir, comme si l'on avait encore Orwell à découvrir, ceci pour donner une idée du personnage. Comme lui il est un des premiers à dénoncer le totalitarisme soviétique, alors que les soi disant intellectuels continueront pendant longtemps, en tout aveuglement volontaire à faire des odes à l'escroc Staline. "L'affaire Toulaev " montre on ne peut mieux comment la terreur, la soumission, la lâcheté, l'arrivisme se conjuguent pour emballer la plus formidable machine à broyer les individus. L'écriture n'a pas vieilli, rapide, incisive, engagée, résolument moderne. Serge restera un homme libre, au péril de sa vie, qui sera aussi courte que celle d'Orwell, d'ailleurs.
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Écris-moi à Mexico

Ce petit livre par son format mais fort tout de même de 237 pages est sous-titré « Correspondance inédite 1941-1942 ». Il s’agit d’un recueil de lettres échangées entre Victor SERGE, alors en exil et en partance pour le Mexique, et sa très chère Laurette SÉJOURNÉ, qui elle est restée en France, du côté de Marseille, aux heures sombres de la deuxième guerre mondiale.



En mars 1941, le cargo Capitaine Paul-Lemerle appareille de Marseille avec à son bord environ 300 passagers fuyant l’Europe. Parmi eux, l’écrivain et journaliste politique Victor SERGE (de son vrai nom Viktor KIBALTCHITCH) qui doit quitter la France devenue trop dangereuse pour ses activités. Il laisse sur le quai sa promise, Laurette SÉJOURNÉ. Une correspondance s’amorce et s’étend de mars 1941 à janvier 1942.



Correspondance est peut-être un bien grand mot car dans ce recueil, ce sont surtout les lettres de SERGE qui sont publiées, des missives enflammées d’un amour intense pour la femme qu’il vient de quitter bien malgré lui, mais un Victor SERGE se faisant par moments visionnaire : « Ce sera la guerre la plus atroce, avec des victimes sans nombre – la défaite, l’effondrement, la résurrection dans la souffrance, nous voici acheminés vers les plus grands dénouements, beaucoup plus vite qu’on ne s’y attendait » (juin 1941). Dans ces lettres, Victor SERGE décrit les paysages, loin de la guerre en Europe, et évoque les souvenirs communs avec Laurette, lorsqu’ils étaient encore physiquement unis.



Sans nouvelles de Laurette depuis plusieurs semaines, Victor SERGE s’inquiète, supplie, insiste sur le fait que malgré le silence, en retour il continuera néanmoins à écrire. Son but est d’organiser le voyage pour Laurette, pour qu’elle puisse le retrouver, mais tout n’est pas si simple. Entre la guerre, les nombreuses difficultés administratives, les possibilités de voyage paraissent lointaines, évoluent sans cesse sans toutefois progresser de manière conséquente.



Dans les lieux où SERGE stationne aléatoirement, les réfugiés de guerre sont ostracisés, dénigrés. Pour tenir le coup, il imagine dans ses errances une Laurette à ses côtés, découvrant avec lui les paysages et les coutumes, l’architecture. Il faiblit, trouve ses forces dans cette ombre invisible près de lui : « Et toi, toi qui es le meilleur de moi, ma seule joie, mon seul espoir de vivre pleinement, mon amour inexprimable, à chaque instant, je te parle, je te montre les choses que tu aimerais voir, les colliers de coquillages, les ouvrages indiens, les piles de fruits inconnus, je te dis : regarde, ma Laurette, et c’est comme si tu étais à côté de moi et je suis près d’en pleurer de joie et de déchirement ». Victor SERGE détaille à sa bien-aimée les allures des autochtones qu’il rencontre, énumère ce qu’il voit, tout ce qui le rend heureux, triste ou songeur.



Six mois d’un voyage éreintant, et SERGE parvient enfin au Mexique en septembre 1941. Dans ses lettres, et sans toujours suffisamment de nouvelles de Laurette, il devient nerveux, se fait directif, ordonne de manière péremptoire. Est-il possessif, jaloux ? Tout le laisse penser. Il se dresse contre une rencontre que Laurette envisage avec un homme pouvant l’aider, il est bouleversé, souffre, se fait misanthrope. C’est un homme en perdition qui écrit certaines des missives, s’assombrit tant et plus au fil d’une correspondance presque à sens unique.



C’est la guerre en Europe, il est fort probable que les lettres sont lues par les autorités, aussi il doit surveiller ses mots, ses phrases, ne pas trop en dire, de peur d’être frappé par la censure ou de mettre Laurette en danger. Il se débat avec lui-même pour trouver une issue à des retrouvailles. Car elle DOIT le rejoindre, il ne peut vivre sans cet espoir. Il se répète, semble perdre pied, épuisé par cette situation. Plus on avance dans cette lecture, plus il paraît évident que SERGE, dans le ton, dans les admonestations, dans la pression qu’il provoque, en a presque oublié que Laurette est en proie à la guerre qui ravage la France. Jamais ou presque il n’y fait allusion. La censure, peut-être, mais aussi un être bouleversé par le destin, vivant mal l’éloignement et la relative solitude, perdant pied et ses repères.



Dans cet espace-temps de près d’une année, il ne reçoit que quatre lettres de Laurette (ainsi que des télégrammes, non publiés ici). Aussi cette correspondance peut se lire comme une suite épistolaire presque à sens unique avec un expéditeur déclinant qui perd ses dernières forces, qui doute et endure. Laurette va finir par rejoindre son homme. Victor SERGE ne reverra jamais l’Europe, il s’éteint en 1947 au Mexique.



Ce recueil paru en 2017 aux éditions Signes et Balises est un moyen original de découvrir un Victor SERGE très différent de l’image qui lui est généralement attribué. C’est aussi pour le lectorat une occasion de lire les impressions d’un intellectuel loin de la guerre alors que celle-ci s’étend dans le pays qu’il vient de quitter. Correspondance précédée d’une préface intitulée « Victor Serge au Mexique : le dernier exil » d’Adolfo GILLY et compilée par Françoise BIENFAIT et Tessa BRISAC.



« Ne te nourris pas d’illusions, dis-toi que nous sommes des demi-noyés, qui avons besoin d’un âpre réalisme et d’une grande dureté envers nous-mêmes pour nous en tirer ».



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L'affaire Toulaév

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