- Chasseur de rats, fit avec un sourire la jeune femme à sa porte. Vous tombez à pic à Hameln. Ici, point de chasseur ; mais des rats, à foison. Dites-moi, Chasseur, d’où ces rats sortent-ils ? Il n’y en avait pas autant, autrefois, à ce qu’on dit. Bien sûr, conclut-elle en souriant encore, les vieilles gens pensent que le monde va de mal en pis.
Le chasseur de rats haussa les épaules.
- D’où, je ne sais pas. Mais ils sont dans chacune de vos maisons. Ils rongent sans répit ; ils rongent en bas dans les caves, ils rongent là où l’on ne les voit pas. Puis ils deviennent effrontés et remontent.
"Une flûte, fit-elle avec mépris. Une jolie flûte, mais rien de plus qu’une flûte.
– Les rats ont l’ouïe fine et ma flûte sonne juste.
Les yeux du Chasseur flamboyèrent d’un feu étrange.
La fille à sa porte recula malgré elle. Le rameau de jasmin tremblait dans sa main.
- J’ai un don particulier pour chasser les rats, reprit le Chasseur. De temps en temps, je joue sur ma flûte des chansons très tristes, des chansons de toutes les contrées que j’ai traversées. Et j’en ai traversé beaucoup ; certaines ensoleillées, d’autres maussades, des plaines et des montagnes. Ma flûte siffle très bas. Les rats l’entendent et la suivent. À part moi, il n’y a pas chasseur de rats qui vaille. Je vais vous dire quelque chose, Étrangère, vous qui avez un rire si cristallin. Jamais je n’ai soufflé de tout mon souffle mais toujours en le retenant un peu. Si je soufflais à fond, les rats ne seraient pas seuls à me suivre. "
Le Chasseur de rats se tut. Ses yeux s’éteignirent, et il laissa machinalement retomber ses mains qui tenaient toujours la flûte.