Sam parle comme il peint,il y a de l'inextricable dans sa conversation.Ses histoires vous emportent comme un train qui passe et dans lequel vous sautez en marche. (p.20)
Jean Genet, dans son beau livre sur l'atelier de Giacometti, écrit que dans une pomme,dans une figure à la table d'un bistrot,dans un visage, dans un nu,chez une prostituée, c'est l'irréductible solitude des choses,de ces êtres, qui touche Giacometti, l'infinie blessure de leur solitude absolue qui rejoint la sienne propre et qu'il arrive à rendre.(p.136)
Nous étions déjà bien cuits en matière de vin, et le côté vrai de Sam,entier,généreux, non policé, drôle et insolent (tout ce qu'il manque à notre temps,en clair) m'avait séduit et ébranlé. Il a insisté sur le côté dur et terrible du chemin,de la vie de peintre.( "Conversations avec Sam Szafran; récit et souvenirs d'une amitié ",éditions El Viso,septembre 2021,p.27)
J'ai certainement commencé à peindre-mais il y a toujours plusieurs raisons aux choses-parce que j'aimais l'échange de personne à personne, et que chez mes parents on parlait de peinture et qu'il y avait des livres sur l'art et les toiles de ma mère ou de copains artistes accrochées aux murs de chez nous,dont nous parlions ensemble, ma mère, mon beau-père et moi.J'étais un peu rejeté par l'école, sans doute moi aussi je la refusais aussi,et sa façon de penser dans les clous,et du coup j'aimais la transmission entre quatre yeux et quatre oreilles.-Sam m'a souvent dit la même chose pour lui,dans son cheminement, et il précise que c'est la transmission classique, c'est-à-dire grecque...et il dit aussi : "Ce sont les rencontres qui m'ont fait."(p.206)
Sam le (Alberto Giacometti) guettait comme un fan (..)
là où Henri Cartier-Bresson a pris cette photo d'Alberto qui s'abrite de la pluie sous son imperméable.
Par un jeu puéril et pour faire rire Florence je l'ai imité m'abritant de mon manteau le temps d'être pris en photo, au même endroit, tandis qu'il faisait beau soixante ans plus tard,et aussi pour convoquer le passé dans le présent comme pour dire que le temps ne nous défait pas totalement, et que la souvenance est notre dignité, comme un homme debout comme les figures du Greco sont des flammes qui dansent en plein ciel.Pour citer Kazantzakis: "Seuls nous sommes mortels tous ensemble nous sommes immortels "(p.126)
Sa moralité dit que c'est l'interprétation qui fait le réel. Comme le regardeur fait le tableau .Voilà pourquoi je comprends Sam qui se méfie de qui il fait rentrer dans l'atelier,de quel regard.(p.77)
Dans son refus d'être professeur aux Beaux-arts, il y avait aussi le fait qu'on peut beaucoup esquinter quelqu'un en critiquant son travail,ce qu'il ne veut pas faire."Alors que personne ne sait,au fond...,ajoute-t-il,par où l'art va arriver ! On ne sait pas."(p.38)
De même, une phrase de ma mère aussi,dernièrement, me tracassait,me gênait presque: "Quelque part, tu reviens de loin." Sans doute un mot dit parce que j'avais mis du temps à m'adapter ,à l'école, aux codes sociaux, aux convenances.Je ne savais pas quoi penser de cette phrase,mais elle me restait dans les poches comme la monnaie d'un pays étranger dont on ne trouve pas le change.(p.168)
Il me dira très souvent que,pour lui,les peintres de l
ma génération, il voit à leur peinture qu'ils ne lisent pas assez de poésie ! Souvent,pour mes paysages,il me prescrira la poésie japonaise, et aussi la peinture japonaise et asiatique, pour sortir du rapport classique à la composition. (p.55)
Sam dit qu'une des chances qu'il a eues avec Lilette,c'est que Lilette lui faisait confiance. Et au départ ce n'est pas une chose qui va de soi,parce que vivre avec un artiste,c'est difficile,et qu'on ne se met pas en couple avec un peintre comme avec un autre homme,"on est quand même des drôles d'oiseaux",reconnaît Sam (p.138)