Rencontre en ligne Un endroit où aller du 10/05/2020
Virginie Caillé Bastide présente son roman, Le Sans Maître paru aux Editions Héloïse D'Ormesson.
Elle est interrogée par Julie Vasa, journaliste pour l'édition suisse du magazine ELLE où elle tient la rubrique "Culture".
Tous étaient devenus hommes du présent. Dès lors, l'action seule importait car leur choix de vie n'oscillait plus qu'entre liberté et potence.
"-Vous n'êtes qu'un misérable écumeur des mers et ne m'effrayez point. Alors, battez-vous! "
Surgi de nulle part, naviguant au plus près du vent, un bateau de faible tonnage vint se placer à bâbord arrière du galion et lâcha une fière bordée...
"Vous m'avez fait mander, capitaine ? "
" Non point. J'ai ordonné votre présence monsieur..."
... les hommes que je dirige ne sont pas des enfants de chœur. Gueux, renégats, assassins, voleurs et autres gibiers de potence. Tous ont quitté leur village, fui leur famille, renié le pouvoir du Roy et le joug de sa loi. Mais pas la mienne. Saviez vous qu'un capitaine pirate est élu à la majorité des voix et qu'à tout moment, cette autorité, s'il en abuse, triche ou vole, peut lui être retirée par simple vote ? Nous n'avons pas inventé la démocratie et ce n'est certes pas à vous que je vais rappeler qu'elle est l'apanage des Grecs. Depuis des siècles, nous sommes sans doute la première société civile à l'appliquer, si modeste soit-elle. C'est pour cela, aussi, que nous faisons si peur aux pouvoirs en place, de quelque royaume qu'ils s'exercent. En pillant, tuant et rançonnant, nous ne faisons rien d'autre que ce qu'accomplissent les corsaires qui agissent pour le compte d'un Roy qui n'en tire profit que pour mieux remplir ses caisses, fomenter de nouvelles gueres et affamer davantage son peuple. La seule différence, c'est que nous ne rendons de comptes à personne et qu'aucun souverain ne touche son infâme dîme de cinquante pour cent sur la vente d'un navire ou la rançon de son équipage. Nous sommes les seuls armateurs de la vie que nous avons choisi de mener et, si vous me permettez cette formule, les premiers apôtres d'une nouvelle forme de liberté.
- Pourquoi diantre avez-vous tous des sobriquets ?
- Corne de bouc, jeune Tristan ! Serais-tu donc simplet ? Si nous sommes à ce bord, c’est que nous avons tous fait des choses… Disons, pas toujours très honorables. Cornecul de la mer molle, nous avons laissé nos familles à terre et on n’aimerait pas trop que les sergents du Roy viennent leur chercher noises, car elles n’ont point à pâtir de nos choix. Le comprends-tu, rat de cale ?
Puis il s'assit au pied d'un chêne centenaire et se mit à déguster les champignons crus, retrouvant l'impression sauvage et sensuelle d'embrasser la forêt à pleine bouche.
Il s'assit au pied d'un chêne centenaire et se mit à déguster les champignons crus, retrouvant l'impression sauvage et sensuelle d'embrasser la forêt à pleine bouche
Voyant l'incendie commencer à dévorer les ponts du gallion et comprenant qu'il fallait au plus vite éloigner le Sans dieu avant que les flammes ne gagnent sa charpente et ses voiles, Morvan avait rapidement achevé de transformer tout ce qui méritait de l'être, y compris un jeune et tremblant charpentier de marine, trop heureux de voir épargner une mort aussi atroce qu'annoncée.
En pillant, tuant et rançonnant, nous ne faisons rien d'autre que ce qu'accomplissent les corsaires qui agissent pour le compte d'un Roy qui n'en tire profit que pour mieux remplir ses caisses, fomenter de nouvelles guerres et affamer davantage son peuple. La seule différence, c'est que nous ne rendons de comptes à personne et qu'aucun souverain ne touche son infâme dîme de cinquante pour cent sur la vente d'un navire ou la rançon de son équipage. Nous sommes les seuls armateurs de la vie que nous avons choisie de mener et, si vous me permettez cette formule, les premiers apôtres d'une nouvelle forme de liberté.