Théo est dans la rue. Tandis que ses copains sont à la mer, ou à la montagne, Théo, la tête basse, regarde passer les jambes. Tout à l'heure, une paire de jambes s'est arrêtée, et une main a jeté un euro dans le chapeau posé à même le sol. Une nouvelle paire de jambes s'arrête. Cette fois, le voilà nez à nez avec un visage grassouillet, surmonté d'un chignon beau comme un plat de macaronis.
- Mon pauvre petit… Quel malheur ! Dit la passante en lui caressant les cheveux.
Théo déteste qu'on lui touche la tête. Il se force pourtant à sourire et prend son air le plus pitoyable possible : celui qui, d'habitude, sert de sésame aux porte-monnaie les plus réticents. Contre toute attente, la femme se tourne vers sa mère et se met à crier.
- Vous n'avez pas honte de mendier avec un enfant ? Vous feriez mieux de chercher du travail !
Cette fois, Théo n'en peut plus. Il secoue la tête pour écarter la main envahissante et lance un regard noir à la passante.
- Vous ne voyez pas que ma maman, elle est malade ? C'est pour ça qu'elle ne trouve pas de travail !
Il sait bien, lui, que si sa mère était en bonne santé, elle ne se serait pas assise sur un trottoir, avec un petit carton qui porte l'inscription : "Pour moi et pour mon fils – Merci"
La passante se redresse, l'air pincé, fouille dans son sac, et dépose vingt centimes d'euros dans le chapeau.
- Tout de même, il y a d'autres solutions ! Proteste-t-elle une dernière fois avant de s'éloigner à toute vitesse.
Al harga wala hogra. Mieux vaut brûler qu’être humilié. C’est pour
fuir l’humiliation que ces jeunes partent, mais chemin faisant, ils
vont devoir affronter des humiliations plus grandes encore. C’est à
la fois une tragédie collective - qui touche le Maghreb, en tant que
pays d’origine, de transit, et même d’accueil, mais aussi l’Europe - et une somme d’histoires individuelles relevant de cette même tragédie. Rien d’étonnant à ce que les médias en fassent leurs choux gras et les milieux artistiques des héros de la désespérance ! L’accumulation de témoignages ou de travaux inspirés par ce thème finira peut-être par porter ses fruits en sensibilisant l’opinion publique sur ces jeunes, ni anges, ni démons, mais dont la révolte est largement incomprise.
Ce n'est pas possible... Qu'est-ce que je suis venu foutre ici ?