Autrefois j'avais peur quand j'entendais les hurlements des supporters de foot dans les gares et les passages souterrains.Aujourd'hui je sais qu'il s'agit des cris de prisonniers qui veulent entendre l'écho de leur captivité.
Mais vous avez fait une thèse, s'exclama-t-il, et, pendant un moment, il refusa de m'embaucher parce qu'il me trouvait irrémédiablement surqualifié. Bien sûr que je suis surqualifié, dis-je, mais je ne suis pas incapable pour autant.....Je fis bientôt quelques propositions de rationalisation efficaces, si bien que le propriétaire de la laverie dut constater avec surprise qu'un homme ayant rédigé une thèse sur Heidegger pouvait être utile à son entreprise.
Un jour, je m'assis à ma table et écrivis : Ce qui nous arrive ne contient aucun jugement. La phrase m'impressionnait mais, au bout d'un moment, je m'aperçus qu'une fois de plus, je ne savais pas si la phrase était belle, vraie ou seulement interessante.
De nous deux, c'était lui qui dominait, et je ne lui avais pas disputé ce rôle. Je supposais que les êtres dominants avaient toujours besoin d'un entourage moins vif afin de bien se lancer dans leur rôle de donneur d'impulsions.
Car ce qu'il y a d'étrange, avec la beauté, c'est qu'on ne peut jamais que la regarder. On ne peut rien en emporter chez soi, et pas même en conserver une petite partie dans un endroit spécial. On ne peut que la fixer des yeux, il n'y a rien de plus à en tirer. Une fois qu'on la regardée longuement, il faut repartir. Lorsqu'il a vu beaucoup de beauté d'un coup (Venise, par exemple, ou la douceur des premières collines du Taunus) et qu'il lui faut s'en aller les mains vides, l'être humain devient un peu mélancolique.
Ce que je trouve particulièrement désagréable, c'est de me réveiller le matin avec une érection. Comme ces érections se passent certes sur moi et avec moi, mais de façon involontaire, sans même que je le sache ni que j'y participe, je les appelle mes"érections-sans-moi."
Peu après, la singularité de la vie m'impose un mutisme intérieur. Je n'entends plus alors que les lamentations de mon âme désemparée. Elle aimerait vivre quelque chose qui convienne à sa délicatesse, sans abonnement obligatoire à la réalité
Aucun animal n'a un regard plus désamparé qu'un pigeon.