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Citation de jecogite


Je ne connais pas les langues, aucune langue, de mes pères, mères, ancêtres, je ne reconnais ni terre ni arbre, aucun sol ne fut le mien comme on dit je viens de là, il n’y a pas de sol où j’éprouverais la nostalgie brutale de l’enfance, pas de sol où écrire qui je suis, je ne sais pas de quelle sève je me suis nourrie, le mot natal n’existe pas, ni le mot exil, un mot pourtant que je crois connaître mais c’est faux, je ne connais pas de musique des commencements, de chansons, de berceuses, quand mes enfants étaient petits, je les berçais dans une langue inventée. D’où était mon père, mon père lui-même ne pouvait dire d’où il venait, de Tachkent, de Samarkand, que jamais il n’avait vus, de Moscou où il était né, d’Allemagne où il avait appris sa première langue oubliée plus tard, de nulle part dont il ait pu parler, dont il ait conservé traces sauf dans son corps, ses yeux et dans la brutalité de certaines manières. J’ai vu la ville de ma mère, j’ai entendu la langue de ma mère, il y a un pays qui s’appelle la Hongrie et qui était le sien, dont elle ne m’a rien dit et qui ne m’est rien. Je ne peux pas dresser la table comme ma mère, ma mère n’a jamais dressée de table, je ne sais pas faire ce que les mères font et qu’elles ont appris de leurs mères dans leur tradition, je n’ai pas de tradition, je n’ai pas de religion, je ne sais pas allumer les bougies, je en sais faire aucune fête, je ne sais raconter l’histoire de notre peuple, je ne savais même pas que j’avais un peuple. J’aime le nom des régions de France, j’aime les noms Creuse, Vendée, Haute-Marne, Franche-Comté et d’autres noms aussi, des royaumes de terres, des noms plus lointains que des pays et qui m’excluent, je n’ai pas de maison, de temps en temps je rêve d’une maison, pas d’une maison de vacances, mais d’une maison pour m’ensevelir. Je ne veux pas le bien-être mais l’austérité. Je rêve d’un refuge. Et je veux des collines et des bois pour marcher. La France, voila ce que c’est, ce que ce fut toujours, des noms d’endroits, de communes, ces havres inatteignables, ces cimetières de générations.
Je n’ai pas de racines, aucun sol n’est fiché en moi. Je n’ai pas d’origines. Quand je vois dans les journaux, iranienne, russe, juive, hongroise, ce sont des mots que j’ai dits. Il n’y a pas d’images, pas de lumières, d’odeurs, rien. Il n’y a même pas de photos.
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