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Citation de enkidu_


Pendant la guerre, Honda consacra entièrement ses loisirs à son étude du samsara et de la transmigration, se plaisant à dénicher de vieux livres qui y étaient consacrés. À mesure que la qualité des publications nouvelles se dégradait, le luxe poussiéreux s’accroissait des librairies d’ancien du temps de guerre. Là seulement était librement dispensé le savoir et permise la poursuite d’un passe-temps qui transcendait l’époque. Comparé à l'enchérissement de toute autre chose, le prix des livres, tant japonais qu’européens, demeurait faible.

Honda recueillit des informations en nombre considérable dans ces volumes où se trouvaient exposées les théories occidentales relatives aux cycles vitaux et à la réincarnation.

Une de ces théories était attribuée à Pythagore, le philosophe ionien du cinquième siècle avant J.-C. Mais ses idées sur les cycles vitaux avaient été influencées par les mystères orphiques antérieurs qui avaient envahi toute la Grèce aux sixième et septième siècles. À son tour, la religion d’Orphée était issue du culte de Dionysos qui avait allumé des incendies de démence tout au long des deux siècles précédents de guerre et d’instabilité. Le fait que le dieu Dionysos était venu d’Asie pour se confondre avec le culte de notre mère la terre et les rites agraires par toute la Grèce suggérait que tous deux provenaient en réalité d’une source unique. Le personnage palpitant de la terre maternelle subsistait au Kalighat que Honda avait vu à Calcutta. Dionysos incarnait le cycle vital de la nature qui était en évidence dans la province nord de la Thrace. Celui-ci apparaissait au début de l’hiver, mourait au cœur de cette saison pour ressusciter avec le printemps. Peu importe le personnage lascif, plein d’entrain qu’il pouvait affecter, Dionysos personnifiait les jeunes esprits du grain, parmi lesquels Adonis, jeunes gens pleins de beauté qui mouraient à fleur d’âge. Tout comme Adonis s’était sans aucun doute uni à Aphrodite, de même Dionysos s’unissait toujours à la terre maternelle en des rites mystiques observés en maints pays. À Delphes, Dionysos avait son sanctuaire avec celui de la terre maternelle, et, dans le culte mystique de Lerne, la divinité principale était leur ancêtre sacré à tous les deux.

Dionysos était venu d’Asie. Son culte qui devait engendrer le délire, la débauche, le cannibalisme et le meurtre avait ses racines en Asie et posait le problème capital de l’âme. À son paroxysme, cette religion ne laissait transparaître ni raison, ni apparence de fermeté ou de beauté pour Homme ou dieu. C’était un culte qui attaquait les champs fertiles de la Grèce dans leur beauté apollonienne tel un vol de sauterelles obscurcissant ciel et soleil, ravageant tout, dévorant les récoltes. Honda ne pouvait s’empêcher de la comparer à ce qu’il avait vu en Inde.

Toutes choses épouvantables, la débauche, la mort, la folie, la pestilence, la destruction… Comment se pouvait-il que pareilles choses pussent ainsi séduire le cœur et attirer l’âme au-dehors ? Pourquoi les âmes devaient-elles « exister », délaissant des demeures commodes, obscures, paisibles ? Comment se faisait-il que le cœur humain rejetât la sereine inertie ? (pp. 814-815)
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