- Et tu iras te laver la figure, gronde mon père. Pas question que tu ailles au lycée maquillée comme une voiture volée. Et quand mon pauvre père parle de voiture volée, il est largement en dessous de la réalité parce qu'il n'a jamais vu sa fille prête à partir pour aller en cours, outrageusement fardée. Les paupières luisantes d'une ombre - encore un mot bien mal trouvé - bleu vif, des lèvres de poupée peintes en rose criard, et les cils englués dans une masse noirâtre qu'on appelait alors rimmel. Rien à voir avec le mascara des générations futures; le rimmel se présente en plaquette dans une petite boîte noire dans laquelle il faut cracher, avant de racler avec la brosse en soies de sanglier, le précieux fard qui vous fait la prunelle charbonneuse, alors en vogue.