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Citations de Yves-Daniel Crouzet (30)


Aujourd’hui, dans un monde ultra-médiatisé, il ne suffisait plus en effet d’être un bon écrivain, il fallait aussi ressembler à un écrivain. Enfin, ressembler à l’image que le grand public se fait généralement d’un écrivain : un mélange de journaliste et de baroudeur, un homme qui « vit dans le monde physique » comme l’a dit W. Stevens. Une bonne gueule, un ventre plat, un whisky dans une main et une jolie blonde dans l’autre.
Guillaume Cochard, alias Richard P. Leroy, était comme ça. Gilbert Klein, lui, en était tout le contraire. Il était petit et chauve. Ses grosses lunettes lui donnaient l’air d’une taupe. Son ventre proéminent l’apparentait plus à un farfadet pantouflard qu’à un aventurier.
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Pendant la fraction de seconde qui la relia à l’abomination céleste, elle vit des choses qu’aucun œil humain n’avait jamais contemplées. Elle vit le néant primordial et insondable et la création de milliards de soleils éblouissants. Elle vit des galaxies entières se télescoper et s’accoupler pour donner naissance à d’invraisemblables constellations. Elle vit l’émergence de la Vie, de toutes sortes de vies. Elle vit des créatures innommables sortir de la fange de planètes de cauchemar et se dresser sur d’immondes appendices et d’autres dont le chant, à la beauté marmoréenne, éteignait la lumière des étoiles comme le souffle de l’homme éteint une bougie. Elle vit certaines d’entre elles, appelées les Anciens, se dresser contre d’autres, les Premiers Dieux. Elle vit d’invraisemblables guerres livrées sur des champs de bataille aux dimensions du cosmos, opposant des créatures aussi extraordinaires qu’ineffables. Mais la révolte des Anciens s’acheva par leur défaite et leur bannissement en divers endroits de l’univers. Elle les vit chevaucher les vents stellaires en proie à un appétit insatiable. Elle vit tout cela et une multitude d’autres choses encore qui, toutes, dépassaient l’entendement et l’imagination.
Et puis elle entendit un nom. Cthulhu. Celui de l’entité cosmique. Cthulhu. Celui-qui-attend-en-rêvant.
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Incapable de fermer les yeux, l’adolescente regardait avec terreur s’approcher l’abomination. À la lueur gibbeuse de la lune, le Shoggoth semblait n’avoir aucune forme définie. C’était une énorme masse de gélatine qui palpitait doucement en émettant une hideuse lueur. Ses chairs visqueuses étaient non seulement luminescentes, mais aussi vaguement translucides. On pouvait distinguer à l’intérieur tout un réseau de veines et de capillaires rosâtres. La surface du monstre était recouverte d’innombrables pseudopodes rétractiles se terminant chacun par une minuscule bouche émettant un affreux babil. Au centre de cette horreur, un œil vitreux et plein d’une sanie infecte brillait, large et ovale comme un hublot.
Le monstre protoplasmique, de la taille d’un veau, poussa ses immondes appendices en direction de la jeune fille, à la grande satisfaction de la sorcière et de ses fidèles. Ses longs tentacules se déployaient comme les yeux pédonculés des escargots, devenant de plus en plus fins au fur et à mesure qu’il les étirait. Les petites bouches avides s’ouvraient et se refermaient sporadiquement.
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Quand les médecins lui avaient annoncé qu’il était atteint d’un cancer incurable, Charles Edberg avait réagi de façon habituelle : par une explosion de colère. La colère avait toujours été le carburant principal de Charles Edberg. Elle stimulait son imagination puis, en s’apaisant, devenait réflexion, stratégie et action. Son empire industriel – sa vie elle-même – avait été bâti sur cette humeur. Une fois celle-ci estompée, il avait abordé la perspective de sa mort comme un nouveau problème à résoudre. « Il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions ! » était l’une de ses devises favorites. L’appliquer à la mort elle-même lui était apparu logique et élémentaire.

Extrait de « La transmigration de Charles Edberg »
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Le ciel s’était obscurci. De gros nuages noirs l’encombraient. Il n’y avait plus d’animaux à présent. Plus de forêt. Ou plutôt si : une affreuse forêt faite de troncs desséchés qui tendaient leurs branches griffues vers elle. L’herbe elle-même avait disparu. Une terre sèche et grise, poussiéreuse, volatile, lui avait succédé, plantée ici et là de bosquets d’épineux.
L’étang s’était subitement asséché. À l’intérieur ce n’étaient plus de gentilles truites qui nageaient, mais d’énormes sangsues qui grouillaient les unes sur les autres, ouvrant leur bouche de lamproie avide de sucer le sang.
Seule la chouette demeurait là. Sauf, que ce n’était plus vraiment une chouette, mais le squelette d’une chouette.
— Le royaume des songes réserve bien des surprises, croassa le sinistre volatile. La vérité et le mensonge sont les deux faces d’une même médaille. La réalité et le rêve aussi.
— Je ne comprends pas ! gémit la petite fille. Je veux les oiseaux et le grand cerf. Et le renard et les petits lapins !
— Les lapins sont des Griffus qui sommeillent ! répondit sentencieusement la chouette.

Extrait de « Les Griffus »
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Le mal. Le bien. Depuis trente ans, Lopez affrontait quotidiennement le premier. Quant au second, il l’avait si rarement rencontré qu’il doutait de son existence. Ce n’était qu’un mythe. Mieux : une invention roublarde qui n’avait d’autre fonction que d’éviter que le chaos se répande dans les rues.
Le mal était partout, voilà la vérité. Dans ce salon, mais aussi dans toute cette foutue ville et sur toute cette putain de planète.
Le lieutenant Verbeck tenait toujours le livre. Ses lèvres sans grâce s’agitaient comme si elle essayait de lire ce qui était écrit. Aussi improbable que cela puisse paraître, bientôt elle se mit à émettre de curieux sons bas et sourds, à mi-chemin de la plainte et du grognement.
— Arrêtez ça ! s’exclama le commissaire.

Extrait de « Scène de crime »
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Son visage rond et bouffi tourné vers l’astre lunaire, ses yeux brillant d’une étrange et inhabituelle exaltation, Blanche marcha lentement vers le milieu de la cour en proie à une extase silencieuse. Au centre de cette aire, délimitée par le corps d’habitation, les écuries et la grange, elle s’immobilisa. Pendant quelques secondes, Jules crut qu’elle allait soudain s’élever dans le ciel, pareille à un ballon de fête foraine. Son ventre distendu était dressé devant elle comme la proue d’un vaisseau fantôme repoussant un océan de ténèbres. Ses bras se tendirent vers le firmament, avirons blafards marqués de squames brunâtres. Sa bouche s’ouvrit sur un cri inaudible. Ses reins se cambrèrent selon un arc formidable qui poussait davantage encore en avant l’abdomen dilaté.
Il y eut alors un bruit infime, comme le déchirement d’un voile de gaze, suivi d’un imperceptible sifflement, et sous les yeux effarés du paysan une nuée de fines particules jaillit du ventre de la jeune femme. Par volées successives des milliards de spores, étincelants sous la clarté lunaire, furent projetés dans les airs en formant de spectaculaires arabesques.

Extrait de « Blanche »
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J’ai vu un Chat, une fois. De loin. Eh bien, ça ne ressemble pas à un chat. Mais alors pas du tout. Il était tapi dans l’ombre d’un immeuble. Ses yeux étaient rouges et brillants comme le bout d’une cigarette. Il était grand et sombre. Il se tenait sur deux pattes très longues et très maigres. Des pattes bizarres, avec les genoux à l’arrière, si vous voyez ce que je veux dire. Comme s’ils étaient montés à l’envers. Du mauvais côté. Et puis, il avait de grandes oreilles pointues.
On aurait plus dit un loup qu’un chat, c’est sûr ! Mais un loup qui se serait tenu debout, en équilibre sur ses pattes de derrière. Je ne l’ai pas très bien vu, car papa m’a brusquement tiré par le bras et on est vite rentrés à la maison où on s’est barricadés. Vite, vite !
C’est le seul que j’ai jamais vu. Heureusement.
Si on ne les voit pas, on les entend par contre souvent. Ils rôdent la nuit en poussant de drôles de cris qui commencent comme des jappements de chiens et se terminent comme des cris de bébés.
Leurs cris me font peur et ils m’empêchent de dormir. Ils me font faire des cauchemars aussi. Presque toutes les nuits. C’est de leur faute si je fais parfois pipi au lit.

Extrait de « Cat people »
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Un appel sinistre avait retenti du lointain passé, l'avait tiré de son douillet appartement parisien, pour le ramener ici. L'appel d'une époque oubliée.
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Je suivis la pute jusqu’à un immeuble de la rue Saint-Denis qui, comme ses voisins, aurait eu besoin d’un sérieux ravalement. Le rez-de-chaussée et les deux premiers étages avaient été convertis en ateliers de confection, tandis que les autres étages et les mansardes étaient dévolus à une autre forme d’exploitation. En bas, des armées de Chinoises s’esquintaient les yeux, les doigts et le dos à confectionner des vêtements dans une course effrénée à la rentabilité, tandis que plus haut, leurs compatriotes, écartaient les cuisses avec une ardeur similaire. Les effets du capitalisme triomphant à tous les étages !
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