Yves Rozier présente "Seth et le Garçon-Sirène"
Un corps décapité a été découvert le long du chemin des contrebandiers de la côte entre le port et la basse corniche dans la nuit de jeudi à vendredi. Le substitut du procureur s'est rendu sur les lieux. Ce dernier a requis la présence d'un médecin-légiste. Les gendarmes ont bouclé la zone. L'identité du corps demeure toujours inconnue.
Le corps sans tête a été découvert échoué, accroché à des rochers en contrebas du chemin. Il est environ 23 heures lorsque l'alerte est donnée aux pompiers. C'est un promeneur tenant à son anonymat qui se promenait sur le sentier dit des contrebandiers qui a fait cette horrible découverte : celle d'un cadavre dont la tête aurait été coupée. Appelés par le témoin qui a retrouvé le corps mutilé, les pompiers présents ont alors rapidement sécurisé les lieux ne pouvant rien faire pour la victime, et pour ne pas polluer ce qui pourrait s'apparenter à une scène de crime jusqu'à l'arrivée des gendarmes.
L'affaire a été prise très au sérieux pour que dans la nuit même le magistrat du parquet de permanence de la ville se déplace sur le site pour superviser l'enquête.
— En tenant compte des éléments que nous connaissons tout ce que je peux dire, c'est que cette découverte macabre est inattendue et inhabituelle.
Il a tenu à préciser également qu'il faisait appel au concours d'un médecin-légiste pour comprendre ce qui s'est passé.
Selon nos informations, le corps serait celui d'un homme. Dans la nuit, les enquêteurs de la brigade de recherches ont débuté leurs investigations en gelant les lieux sur ce qui pourrait être le théâtre de cette horreur …
Joint par nos soins, ce vendredi, le procureur est encore peu prolixe sur cette affaire hors normes. Pour l'heure, l'identité du corps reste toujours inconnue. La thèse d'un acte terroriste ne serait pas privilégiée. Le parquet national antiterroriste de la capitale nous confirme qu'il n'a pas été saisi.
Comment m'envoler? Dans quelle direction aller? Comment m'échapper? D'abord, il y a les parents, la société, les autres. On suit. On est paumé. Alors, on est aveugle à ce qui peut briller en nous et autour de nous. La vie s'écoule sans pouvoir être vraiment soi. Et un jour, ça casse.
« La cité des Doges est le seul endroit où il se dit qu'on l'a vu vraiment. Le lieu unique où je peux réellement retrouver ses traces. Là-bas au cœur de la lagune dans l'île aux fantômes, dans le centre culturel maintenant ouvert à Poveglia, je vais rencontrer ceux qui ont peut-être croisé son regard. Autour de l'asile, je me rappelle des yeux écarquillés des derniers qui l'ont vu. De la panique dans leur voix à l'évoquer. Je les entends me dire que je ne pourrai jamais le retrouver. Que c'est Satan. Que personne n'a pu apprivoiser un garçon comme lui. Qu'il est trop sauvage. Que je dois être plus que « matto » de vouloir le poursuivre. Que je dois le laisser libre. »
.. Depuis que l'on s'est retrouvé dans ce train de nuit, rappelle-toi, nous étions tous les deux militaires, et nous rentrions dans notre ville au bord de la mer. Dans ce train, nous nous sommes reconnus et sans le dire, sans qu'il y est un quelconque contrat, nous ne nous sommes jamais plus éloignés l'un de l'autre. C'est, il me semble dans les années quatre vingt que cela a commencé, en même temps qu'apparaissait le Sida, cette maladie d'amour et de sang, qui nous a figés quand il n'a pas fauché certains de nos amis. Les années qui ont suivies cette nuit-là ont été de belles années. J'ai découvert avec toi la facilité et la simplicité dans les relations ...
« Le puissant sabre lumineux coupe dans la nuit le rideau de pluie. Il balaie sans cesse en rase-motte le port effacé et la mer brouillée. L'orage purge sa colère. Il disperse des éclairs cinglants. Il émet des roulements de tambour assourdissants et des explosions effrayantes. Un temps trop mauvais pour pouvoir surprendre entre deux flots un garçon-sirène. C'est sûr, l'absent doit se reposer au calme de son alcôve au fond des abysses. Le bienheureux ! »
Debout dans l'embrasure de la porte de la masure, je regarde le grand-père et son béret lustré. Dans la famille, c'est le seul à dire qu'il aime mes cheveux. Souvent, il pose sa main sur ma tête et quelque fois même il me recoiffe.
La vie s'est déroulée sans que je me sois éveillé. J'ai vécu toutes ces années sans être vraiment complet. J'ai aimé. J'ai travaillé. J'ai voyagé. J'ai bu et j'ai mangé. Je demande pardon à tous ceux que j'ai côtoyés. C'est vrai que j'ai voulu vous leurrer. Mais moi aussi, je me trompais. J'étais bien le seul à y croire.
D'abord, il y a les parents, la société, les autres. On suit. On est paumé. Alors, on est aveugle à ce qui peut briller en nous et autour de nous.
La vie s'écoule sans pouvoir être vraiment soi.
Et un jour, ça casse. Le vent soulève les cendres de celui que l'on a aimé. It's over for ever23.