Dans "Partir", un essai écrit à quatre mains, Colette Barroux-Chabanol et Yvette Rodalec nous offrent à lire une réflexion éclairée, nourrie de la lecture des plus grands penseurs et écrivains, sur l'acte de partir.
Partir... Il semble toujours opportun de questionner les mots qui clignotent au carrefour de nos quotidiens.
Partir pour le meilleur ou pour échapper au pire. Partir pour découvrir l'ailleurs et apprendre à se connaître. Partir pour toujours, sans retour possible. S'échapper par les mots, la pensée qui s'anime. Il y a mille et une manières de partir. Pour autant, le faut-il ? Certainement... Notre vie n'est-elle pas une succession de départs ? Partir, c'est bouger, aller de l'avant, se confronter à l'altérité. Partir, c'est aussi fuir, se protéger, s'offrir l'espoir de vivre... Et si on est bloqué ? Que signifie ne pas vouloir partir ? Comment vivre une impossibilité à, ne serait-ce, que sortir de chez soi ?
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La pluie est un crachat de la mer, une rose dans un œil clair. Son velours aime tordre, dévêtir puis étrangler le chemin qui titube dans ses ornières. Quand elle s’absente, elle sait se faire attendre. On la sent partout dans la lumière : sur les arbres, l’herbe, le creux des briques. Elle pose un tissu léger sur l’instant, une fraîcheur. L’air nous arrive à travers ses jupes. Les rosiers frissonnent à sa venue, ils s’impatientent. Les moineaux se roulent dans la poussière. Ils voudraient que les flaques se remplissent. La terre soupire.
Dominique Sampiero (L’Odalisque).
Qu’il pleuve à marée montante, ce n’est pas à proprement parler une pluie. C’est une poudre d’eau, une petite musique méditative, un hommage à l’ennui. Il y a de la bonté dans cette grâce avec laquelle elle effleure le visage, déplie les rides du front, le repose des pensées soucieuses. Elle tombe discrète, on ne l’entend pas, on ne la voit pas, les vitres ne relèvent pas son empreinte, la terre l’absorbe sans dommage.
Jean Rouaud ( Les Champs d’honneur).
p.88. Un tableau de Jim Sévellec (1897 – 1971). Automne
C’est un paysage d’averse, une rue dans la lumière rouge d’un feuillage automnal qui se retient de tomber et déjà contemple ce qui restera de sa chute : un tapis épais de feuilles où s’invente un silence mouillé de pluie.
C’est un trottoir en éclats d’argent et en moire d’après pluie. Un miroir où se détrempe le jour.
C’est une rue comme abandonnée, en attente de pas.
C’est un coin de rue qui s’aime en silence dans l’absence des hommes et des dieux.
Marines
(Georges Perros)
Mais pleut-il vraiment en Bretagne?
La légende le dit, mais quoi
Le crachin c'est une rosée
Qui vient de là-haut, qui s'enroule
Autour de nos fronts fatigués
Cela nous fait du bien à l'âme
C'est à peine si la route s'en trouve humectée
Le crachin ne va pas jusqu'à terre
Il est volatil, émulsion, neige d'été
Son bruit est doux, c'est de la ouate
Dieu se fait Breton à ce bruit
Mobile et frais.
Extrait de Poèmes bleus
La pluie refait le monde, l'incline, le trouble jusqu'à le vouvoyer pour noyer les paroles…
Elle écume le regard de tous ses couteaux.
Tout est sombre.
Les gris ricochent, s'enchevêtrent.
C'est ici l'âme, un mouvement de pénombre, un presque rien de lumière entre le jour et la nuit.
Une présence béate.
Toute chose est engrossée d'ennui.
La sueur perle du vieux sang.
L'herbe et la Terre se dévorent….
Le lieu ferme les yeux.
Ce n'est plus un paysage mais un mouvement du ciel.
Quelque chose qu'il faut serrer contre soi.
Dominique Sampiero ~ l'Odalisque
Le bruit entêtant de la pluie, l'odeur vaginale des végétaux pourrissants, de la terre mouillée, comme les ténèbres chaudes, humides, du ventre originel.
Marie-Noël Rio, Paysages sous la pluie
Le bruit de Calcutta cesse.
Attente.
Attente encore. Il fait presque noir.
Tout à coup d'attente cède:
"Le bruit de la pluie"
Bruit assouvissant, frais.
Il pleut sur le Bengale.
On ne voit pas la pluie. Elle est seulement entendue.
Comme s'il pleuvait partout ailleurs mais pas dans ce parc rayé de la vie.
"Tous regardent le bruit de la pluie".
Marguerite Duras, India Song
La pluie tombe comme nous tombons amoureux: en déjouant les prévisions.
Martin Page (De la pluie).
Pluie de printemps -
La fuite du toit goutte
sur un nid de guêpes
Haïku de Basho
Glacés, les visages scintillent: on dirait des fruits mordus par l'abeille. Cheveux, sourcils, lèvres et gorges laissent sourdre un peu plus de beauté. L'âme semble en fuite, rieuse, tel un chat refusant l'averse.
Dominique Sampiero, L'Odalisque