Pendant huit ans, je me suis accrochée. Huit ans durant lesquels, jour après jour, je me suis répété que j'allais sortir de ce village, qu'il n'y avait aucune raison pour que je reste prisonnière à jamais de ces sauvages. Huit ans.
Et je n'en étais qu'à mon troisième jour. Je n'avais pas encore seize ans, j'en avais vingt-quatre quand j'ai quitté le Yémen et ma prison. Mais j'ai survécu, avec deux idées fixes : l'espoir, et la haine, aussi puissantes l'une que l'autre. Elles m'ont aidée à ne pas mourir.
En 1980, Nadia et Zana Muhsen, deux petites Anglaises de quatorze et quinze ans s'envolent au Yémen - pays de leur père - pour des vacances de rêve... Là-bas, leur existence bascule dans le cauchemar. Prisonnières dans un village isolé, elles seront mariées de force. Leur père les a vendues ! 13 000 francs chacune. Coups, insultes, chantage... Très vite, Nadia capitule. Mais Zana résiste. Elle écrit des centaines de lettres qui n'arriveront jamais... Puis, un jour, un médecin yéménite accepte de poster un courrier adressé à sa mère. Elle lui demande d'alerter la presse, de crier leur histoire au monde entier ! L'Angleterre s'émeut. En 1988, le gouvernement yéménite autorise les deux jeunes filles à quitter le pays... sans leurs enfants. Nadia refuse. Zana décide de fuir l'enfer... D'Angleterre, Zana continue la lutte. Pour son fils, pour Nadia et ses enfants, pour les autres femmes. Pour qu'un jour certains hommes cessent d'être d'infâmes geôliers.
Je grelotte de fièvre, et je ne peux pas me nourrir seule. Il me vient l'idée que je vais mourir. C'est cela, je vais mourir. Je suis heureuse à l'idée de cette mort, je serai libérée, je m'envolerai du Yémen pour toujours. À quoi sert de vivre ici, ce n'est pas une vie, c'est une mort lente.
Elle n'a ni ma force physique, ni ma haine, cette haine qui me solidifie, jour après jour, et me fait tenir debout, devant cet homme borné. Un jour, il paiera. Je ne serai pas toujours une esclave.
Patience, au milieu de la montagne, patience en broyant le maïs, en décrottant les vaches maigres et les moutons, patience en trimant comme un âne. Je suis maigre, et sèche, et grillée de soleil. Parfois la malaria me fait greloter la nuit. Parfois, le visage enfouie dans la coussin, je sanglote à en mourir. Patience pour ne pas mourir ici.
Le pardon ne fait pas oublier le passé, mais élargit le futur
Ils m'ont fait prisonnière de cette horreur, je resterai libre dans ma tête, à jamais, malgré eux. Le temps n'a plus d'importance, les loups et les hyènes font un concert lugubre dans la nuit des montagnes. Ce sont eux qui hurlent à ma place.
Pendant huit ans, je me suis accrochée. Huit ans durant lesquels, jour après jour, je me suis répetée que j'allais sortir de ce village, qu'il n'y avait aucune raison pour que je reste prisonniére à jamais de ces sauvages. Huit ans.
Et je n'étais qu'à mon troisième jour. Je n'avais pas encore seize ans ; j'en ai 24 quand j'ai quitté le Yémen et ma prison. Mais, j'ai survécu, avec deux idées fixes, l'espoir et la haine, aussi puissantes, l'une que l'autre. Elles m'ont aidée à ne pas mourir.