Envoyé spécial. Elisabeth Revol, sauvetage au sommet - 8 février 2018 (France 2)
Je pense aux premiers ascensionnistes, aux pionniers Tenzing et Hillary. Total respect.
« Rappelle-toi bien ceci, mon enfant : si jamais tu as du chagrin, va dans la forêt et marche en ouvrant grand les yeux pour regarder autour de toi. Car dans chaque arbre, dans chaque buisson, dans chaque animal, dans chaque fleur, tu trouveras la présence et la puissance divines. Ainsi tu seras consolée et tu oublieras tes tourments. »
En revanche, je n’ai aucune connexion Internet en expédition : c’est volontaire, j’aime me couper de tout. Le monde d’aujourd’hui est ultra connecté, et je m’y sens saturée d’informations malgré moi. J’aime me déconnecter de l’actualité, de la marche du monde et me brancher sur la montagne.
Ce que j'apprends là-haut avec lui m'interroge profondément. Un jour, au camp de base, Tom m'a raconté : "Quand tu bois un verre d'eau, songe bien que ces molécules ont coulé un milliard de fois dans des ruisseaux, rivières, fleuves, sont parvenus mille fois dans des océans, se sont évaporées mille fois, ont constitué de la pluie, de la neige, que ces molécules ont été respirées un million de fois, transpirées, crachées ou pissées, ont constitué des organismes végétaux, animaux, que ces molécules ont toujours été, et seront toujours, sous une forme ou sous une autre, avant de revenir à leur source, et qu'elles sont maintenant dans ton verre pour te permettre de vivre. Si tu vois cela, tu agis en conscience en buvant ou en mangeant, tu échappes à la matérialité."
"Une ascension sensorielle entre deux mondes. Une quête existentielle. Un pas de plus vers moi. Sur ces sommets, avec les vents et les drapeaux à prières tibétains, se sont évanouis l'oppression, le désespoir, l'amertume qui me minaient. La vie c'est aujourd'hui, devant." (P202)
Sur cette montagne, chaque jour est une récompense, un pas vers l'inconnu, un pas vers la découverte de soi-même et de ses possibilités. Nous avons saisi là-haut ces instants où le cœur se suffit à lui-même, rempli de joie de vivre.
Mais comment trouver l'équilibre entre passion et raison ? Une passion trop forte emprisonne, une raison trop rigide prive d'élan, de liberté.
Je suis entre deux mondes ; la terre et le ciel. Les genoux bien collés au sol par l'attraction terrestre, mais les mains touchant du doigt les étoiles.
"Les ombres s'étirent et s'allongent. Le soleil ne va pas tarder à se coucher. Dans un instant, le froid sera intense et vif, mais le coucher de soleil est éblouissant. De toute ma vie d'himalayiste, je n'ai jamais vu si beau spectacle. Magique. La mer de nuages cotonneuse enveloppe toutes les montagnes, à l'exception du Nanga, majestueux, qui déchire le ciel pourpre" (P32)
J'aime aussi avancer seule (...) c'est un temps que je m'accorde pour rêver, pour me projeter, m'émerveiller dans ce cirque de glace, dans cette délicieuse fraîcheur des immensités neigeuses.