Elizabeth Baril-Lessard Résidence d'écriture pour la relève (2019)
- C'que j'veux dire, c'est que je pense que c'est bien l'école, mais j'pense pas que tout le monde est fait pour ça.
J'ai l'impression que tous les morceaux de ma vie qui se plaçaient de manière naturelle avant sont maintenant éparpillés dans un monde sans gravité.
Comment on sait si on est courageux ou pas ?
Je ne veux pas être la fille qui regarde sa vie passer en coulisses.
Je ne veux pas mêler mes parents à ça. Ils vont avoir peur, ils voudront qu’on me fasse un milliard de tests. Je vais devenir un rat de laboratoire. Et si le médecin décidait de m’enfermer à l’étage de la santé mentale ? Je ne veux pas rester ici, je ne suis pas folle, je suis capable de gérer mon anxiété toute seule, je n’ai besoin de personne.
C’est tout ce qu’on a pour l’instant. Je trouve que c’est assez pour commencer. C’est plus facile à dire qu’à faire, se respecter… Ce qui est certain, c’est que je veux prendre mes propres décisions cette année, sans ressentir la pression de devoir frencher un gars ou de faire ma place dans une troupe de danse.
La musique s’agrippe à nous. J’oublie où je suis, j’oublie les propos douloureux, j’oublie surtout pourquoi j’ai arrêté de danser. En un clignement des yeux, la chorégraphie est terminée et je sens les bras de mon ami m’entourer pour me féliciter.
Arrivée à la hauteur de mon amie, je la prends dans mes bras. Je n’ai aucune idée de ce qui se passe, mais je sens que c’est ce que je dois faire. Il n’y a aucune parole assez grande pour emmitoufler son petit cœur mouillé.
Une mini-partie de moi sait qu’elle a raison. Mais je sens dans mon cœur et dans mon ventre que je suis un artiste ; que si je n’essaie jamais de vivre de ça, je le regretterai pour le restant de ma vie.
La danse c’est la seule activité, le seul moment où j’ai confiance en moi.