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Citations de Éric Hazan (106)


De [Walter] Benjamin, on cite souvent le « moderne » comme temps de l’enfer, que l’on transforme en « la modernité c’est l’enfer » alors que la suite du paragraphe révèle une intention toute différente : « Le visage du monde ne se modifie jamais dans ce qu’il y a de plus nouveau, cette extrême nouveauté demeure en tous points identique à elle-même. C’est cela qui fait l’éternité de l’enfer » -ce qui est une critique non pas de la modernité mais de la notion de rupture historique. On la retrouve un peu plus loin : « Avoir conscience de façon désespérément lucide de se trouver dans une crise décisive est un phénomène chronique dans l’histoire de l’humanité. Chaque époque se sent inéluctablement vouée à être un âge nouveau. Mais le « moderne » est aussi varié que les différents aspects d’un même kaléidoscope ».
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incipit :
Celui qui traverse le boulevard Beaumarchais et descend vers la rue Amelot sait qu'il quitte le Marais pour le quartier de la Bastille. Celui qui dépasse la statue de Danton et longe le grand mur arrière de l'Ecole de médecine sait qu'il quitte Saint-Germain-des-prés pour entrer au quartier Latin. Souvent les frontières entre les quartiers de Paris sont tracées avec cette précision chirurgicale. Les repères sont tantôt des monuments - la rotonde de la Villette, le lion de Denfert-Rochereau, la porte Saint-Denis -, tantôt des accidents de terrain - la cassure de la colline de Chaillot sur la plaine d'Auteuil, la trouée des routes d'Allemagne et de Flandre entre la Goutte-d'Or et les Buttes-Chaumont -, tantôt encore de grandes artères dont les boulevards de Rochechouart et de Clichy sont un exemple extrême, formant entre Montmartre et la Nouvelle-Athènes une démarcation si tranchée que de part et d'autre ce ne sont pas deux quartiers qui s'observent, mais deux mondes.
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Éric Hazan
Altermondialisme ? L’autre monde, il y a deux mille ans qu’on essaie de nous le vendre. Nous, c’est celui-ci que nous voulons.
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Dans le langage psychanalytique, la dénégation est l'expression, sur le mode du refus, d'un désir refoulé. J'ignore si les psychanalystes ont un mot pour désigner ce qui en serait comme une sorte de variante inversée. La LQR fait grand usage de ce tour : prétendre avoir ce qu'on n'a pas, se féliciter le plus pour ce qu'on sait posséder le moins.
Ainsi, lorsque la précarité est venue s'ajouter au contrôle disciplinaire pour effacer ce qui restait d'humain dans les entreprises, lorsque la consommation des drogues et psychotropes par les salariés a commencé à exploser, les anciens directeurs du personnel se sont vus transformés en directeurs des ressources humaines, les DRH. (La parenté est curieuse entre les théories néolibérales du « capital humain » et la brochure de Staline longtemps diffusée par les Editions Sociales, L'Homme, capital le plus précieux.)
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Le monde est agité de secousses multiples – politiques, sociales, écologiques, économiques et intellectuelles. En gestation souterraine depuis longtemps déjà, émergent aujourd’hui au grand jour partout dans le monde des éclats de nouveautés et de refus : de l’Amérique du Sud à la Chine, en passant par l’Afrique du Nord et l’Europe, des contestations et des révoltes majeures sont en train de brouiller les repères politiques et intellectuels, de bousculer les paresses, de troubler les habitudes.

Le tournant néolibéral du capitalisme a profondément affecté les modes de production et de reproduction des sociétés et, avec eux, l’espace et les clivages traditionnels de la politique, nos modes de vie et notre rapport à nous-mêmes et aux autres.

Parallèlement, la révolution numérique a commencé à modifier les conditions de la politique, elle en recompose le temps et l’espace, en défait les hiérarchies ; elle crée des instruments de communication et de travail qui tantôt libèrent, tantôt aliènent et disciplinent.

Trop souvent vécues entre passivité et tristesse, ces transformations s’accompagnent aussi d’une montée des radicalismes de toutes sortes, des plus réactionnaires aux plus « progressistes », la frontière entre les deux s’estompant parfois. Les débats sur la mondialisation, sur les conditions de la démocratie, sur la construction européenne ou sur la religion en témoignent.

Un sentiment de « ras le bol », face à l’injustice, à l’aliénation et à l’irrationalité de la vie quotidienne, sentiment qui se propage dans toutes les sociétés, sentiment largement partagé et pourtant encore à peine articulé, nous laisse comme suspendus entre révolte et dépression, désir d’émancipation et attitudes identitaires.

Cette période de turbulences est aussi un moment d’ouverture du champ des possibles. On entrevoit l’apocalypse sous la forme d’un effondrement du système économique, de la guerre civile mondiale ou des catastrophes écologiques. Simultanément, ce qui paraissait inimaginable il y a peu devient nécessité de pensée. Nous sentons, nous savons qu’il n’y a pas d’autre choix que d’inventer des alternatives. Il est temps d’expérimenter de nouvelles formes de vie, de déclarer de nouveaux droits, d’écrire de nouvelles constitutions. Qu’il s’agisse de sortir du nucléaire, de socialiser les banques ou de mettre en place un revenu universel, des propositions jusqu’ici inaudibles apparaissent soudain, sinon comme évidentes, du moins comme recevables et réalistes. Certaines d’entre elles traversent et déplacent les frontières idéologiques et politiques que l’on pouvait croire bien établies.

Alors qu’hier on proclamait encore, pour la déplorer ou s’en réjouir, la fin de l’histoire, prétendument dissoute dans la « gouvernance » consensuelle et l’apathie collective, alors que philosophes et politiques annonçaient que l’horizon indépassable de la politique était désormais la constitution d’une « société civile » pacifiée, personne ne peut plus ignorer aujourd’hui que nous vivons une nouvelle période de conflits, de luttes et d’affrontements, d’où germe une inouïe diversité de projets politiques.

Tout comme celles de la domination et du contrôle, les formes de la résistance et de l’insubordination sont multiples. Elles s’emparent de concepts abstraits comme de gestes de la vie quotidienne, elles affectent les modes de vie individuels et collectifs, elles s’approprient de nouveaux mots, elles se nourrissent de nouvelles pensées du passé et de l’avenir. De ces luttes, générales ou ponctuelles, parfois socialement et géographiquement éloignées, aucun prisme unificateur et totalisant ne se dégage encore – d’où le sentiment qu’il nous faut emprunter des chemins de traverse.

Il est temps de réarmer la critique. À l’ère de « l’économie des savoirs », de la gestion néolibérale et autoritaire des organismes d’enseignement et de recherche et de la concentration dans le monde de l’édition et de la presse, la production et la circulation de la pensée est profondément affectée. Les pensées critiques se disent aujourd’hui dans toutes les langues. Elles ne sont pas toujours à même de se faire entendre, ni non plus de s’entendre entre elles, et pourtant elles indiquent que le temps de la résignation intellectuelle, à laquelle n’échappaient que quelques travaux isolés, est terminé. De nouveaux questionnements, de nouveaux champs de recherche et de nouvelles subjectivités intellectuelles émergent. La facilité accrue de la diffusion des savoirs et de l’information, un accès plus large à la culture et l’émergence d’une nouvelle intelligentsia sans attaches, font que l’intellectualité déborde aujourd’hui largement les institutions dans lesquelles elle a longtemps été cantonnée.

C’est dans ces circonstances singulières que l’équipe qui animait La Revue internationale des livres et des idées lance, avec un collectif éditorial élargi, RdL, la Revue des Livres. Venus d’horizons politiques, sociaux et intellectuels variés, nous voulons ainsi créer, au carrefour des gauches critiques, une revue exigeante, en rupture avec le prêt-à-penser, la pensée rapide, et les anciennes certitudes ; une revue visant à diffuser et à discuter les pratiques politiques et les productions des différents champs de savoir les plus stimulantes, qui remettent en question les routines intellectuelles et les imaginaires sociaux et politiques établis ; une revue, surtout, qui ne s’adresse pas qu’à des spécialistes et des initiés, mais, autant que possible, une revue pour tous et une revue ouverte.

Essentiellement consacrée à des comptes-rendus de livres, qui seront en même temps des essais et des interventions politiques, dans lesquels les auteurs prendront parti et s’engageront, La RdL sera également structurée par un grand entretien et des rubriques régulières, permettant d’explorer autrement le monde des idées, selon une diversité de tons et d’approches.

La RdL ne peut rien être sans ses lecteurs et ses lectrices – sans ceux et celles qui l’achètent, qui s’y abonnent, qui la font connaître, qui la discutent et qui s’en nourrissent. C’est pourquoi son activité se prolongera naturellement par l’organisation de rencontres et de débats ; c’est pourquoi aussi nous avons besoin de vos réactions, de vos critiques et de vos propositions. Dans ce moment crucial, à la croisée des possibles, nous voulons jouer notre rôle, et nous attendons votre contribution.
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Finalement, même pour les essais, même pour des textes théoriques, la façon dont se présente l'objet matériel compte beaucoup ...

Plus un texte est difficile et plus le livre doit être agréable à regarder et à manipuler.
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Le grand mouvement euphémistique qui a fait disparaître au cours des trente dernières années les surveillants généraux des lycées, les grèves, les infirmes, les chômeurs –remplacés par des conseillers principaux d’éducation, des mouvements sociaux, des handicapés, des demandeurs d’emploi- a enfin permis la réalisation du vieux rêve de Louis-Napoléon Bonaparte, l’extinction du paupérisme. Désormais, il n’y a plus de pauvres mais des gens de condition modeste, plus d’exploités mais des exclus, plus de classes mais des couches sociales. C’est ainsi que la LQR substitue aux mots de l’émancipation et de la subversion ceux de la conformité et de la soumission.
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Le remplacement des exploités par les exclus est une excellente opération pour les tenants de la pacification consensuelle, car il n’existe pas d‘exclueurs identifiables qui seraient les équivalents modernes des exploiteurs du prolétariat.
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Titrer « Bavure » (Libération, 7 octobre 2004) un article évoquant le meurtre d’une écolière palestinienne par des soldats israéliens qui « avaient pris son cartable pour une charge explosive », c’est transformer un crime de guerre en une grosse bêtise méritant une bonne réprimande.
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Il entre souvent une part de comique involontaire dans ces efforts de promotion à tout prix. À une époque où l’on compte un nombre inhabituel d’escrocs et de menteurs au plus haut niveau des grandes sociétés, des partis et de l’État, où l’on ne sait plus si le mot affaires a trait aux activités économiques ou aux scandales financiers, les oligarques et leur personnel de haut rang sont présentés dans les médias comme nos élites. 
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Le monde appartient à ceux qui se soulèvent tôt. 
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Les faits de langage sont plus têtus que les autres, et surtout […] ils sont performatifs : par leur apparition, ils révèlent des tendances qu’ils contribuent ensuite à renforcer, contaminant par ondes successives d’autres milieux, d’autres castes, d’autres médias.
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"Tous ses personnages sont doués de l'ardeur vitale dont il était animé lui-même. Toutes ses fictions sont aussi profondément colorées que ses rêves. Depuis le sommet de l'aristocratie jusqu'aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de sa Comédie sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre."
Baudelaire, Théophile Gautier
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Le nazisme s’insinua dans la chair et le sang du plus grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s’imposaient à des millions d’exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente.
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Le plus souvent, dans les romans qui se passent à Paris la rue est un décor, une atmosphère, un fond où les personnages circulent, se rencontrent et vivent leurs aventures. Pour la rue balzacienne, il en va autrement : les lieux où habitent et évoluent les personnages font partie de leur personnalité, ils les définissent au même titre que leur physique, leur costume ou leur intérieur.
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Le G8 s’achève à Evian : le « mouvement anti-mondialisation » est en voie de décomposition. Tant qu’il était inorganisé et violent, il avait au moins l’intérêt d’obliger les « grandes démocraties » à sortir leurs chiens de garde, à exhiber de temps en temps leur nature policière. Une fois pris en main par des bureaucrates responsables – LCR, ATTAC, Greenpeace et les autres –, l’ « altermondialisme » devient une entreprise pour la dissémination équitable de la peste libérale-productive dans le monde entier. 
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Israël se définit comme un État juif, ce qui produit une sorte de fusion entre le mot « juif » et la pratique gouvernementale israélienne. 
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La politique a poussé son dernier râle l'été dernier là où elle était née il y a plus de deux mille ans, en Grèce ; Alexis Tsipras fut son fossoyeur. Sur sa tombe sont gravés ces mots prononcés en guise d'oraison funèbre par le ministre allemand de l'Économie, Wolfgang Schäuble : « On ne peut pas laisser des élections changer quoique ce soit. » Voilà. Tout est dit. Et sobrement.
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On devrait se souvenir que, dans les années 1930, le mouvement fasciste fondé par le parfumeur François Coty s’appelait la Solidarité française.
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La LQR rétablit un divorce qui sert les intérêts dominants. Elle désigne par « société civile » tout ce qui n’appartient pas au monde politique, à l’univers étatique, et même s’oppose (positivement) à eux.
[…] Derrière ces intentions se dessinent par transparence les arguments en faveur du « moins d’Etat » libéral et se reconnaît « le paradoxe qui fait valoir sous le nom de démocratie la pratique consensuelle d’effacement des formes de l’agir démocratique ».
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Considéré comme précurseur de la peinture moderne cet avant-gardiste admirateur de Velàzquez et Goya fit scandale avec deux tableaux mémorables, l'un exposé au Salon des refusés (1863) l'autre présenté au Salon officiel (1865). Très proche des impressionnistes qu'il soutient dans leur positionnement esthétique ainsi que matériellement mais soucieux de ne pas rompre avec le Salon officiel, il conserve une grande indépendance à leur égard et ne participe à aucune des expositions du groupe quand bien même il devient apparenté à l'une de ses membres en 1874, date de la première exposition impressionniste. Vous avez reconnu :

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