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L'Insurgé

L’insurgé /Jules Vallès

On retrouve dans ce roman Jacques Vingtras, le narrateur, dont on avait fait la connaissance dans « L’Enfant », puis « Le Bachelier ». Il est à présent pion dans un lycée de province depuis plusieurs semaines attendant la rentrée à la faculté de lettres. Il a trouvé dans ce lycée la tranquillité de l’asile et le pain du refuge.

Jusqu’au jour où lui est proposé de remplacer le professeur de rhétorique absent pour quelques temps. Au début du premier cours, il n’hésite pas un seul instant à expliquer à ses élèves qu’il ne faut rien apprendre de ce que l’université leur recommande. Évidemment, le soir même il recevait son congé.

Jacques le rebelle se retrouve sur le pavé de Paris, sans le sou, brouillé avec toutes les universités de France et de Navarre ! Finalement, grâce à quelques connaissances, il trouve un emploi d’auxiliaire dans une mairie d’arrondissement. Il est au bureau des naissances. Il n’était pas franchement préparé à vérifier le sexe des nouveau-nés avant de les inscrire de sa plus belle écriture faite de pleins et de déliés qu’il a dû réapprendre.!

Quand il rentre le soir, Jacques écrit, ou plutôt essaye d’écrire tant il fait froid dans sa mansarde. Il noircit des pages pour les journaux. Journaliste à ses heures, mais aussi homme politique en devenir, il harangue une assemblée de bourgeois venus l’écouter lors d’une conférence et veut être un jour le député de la misère.

« Ces imbéciles me laissent insulter leurs religions et leurs doctrines parce que je le fais dans un langage qui respecte leur rhétorique, et que prônent les maîtres du barreau et les professeurs d’humanités. »

Cela lui vaut d’être contraint de démissionner de son emploi à la mairie. Et les directeurs de journaux ne veulent pas de sa prose rebelle. Sa réputation naissante d’insurgé ne facilite pas les contacts.

Il vient de terminer son premier livre et cherche un éditeur. Après avoir été plusieurs fois prié de déguerpir, il trouve preneur. Il va pouvoir enfin manger à sa faim. Il en a des frissons !

Mais l’éclaircie ne dure qu’un temps et il se voit refusé par les journaux aussi bien bonapartistes que républicains. Il est carrément désigné à la calomnie. Il est hostile à la république de Thiers autant qu’à l’Empire. Il prône une révolution, un soulèvement populaire et l’avènement d’une démocratie sociale.

Puis un jour on vient le trouver pour qu’il se présente à la députation au nom de l’idée révolutionnaire. Il accepte et se prépare en lisant les œuvres de Proudhon, puis fait campagne.

Il déclare que « la vieille politique doit crever au pied du lit où la France en gésine agonise, elle ne peut nous donner ni soulagement, ni le salut. Il s’agit de ne pas se vautrer dans ce fumier humain, et, pour ne pas y laisser pourrir le berceau de la troisième République, de revenir au berceau de la première Révolution. »

Il a à présent son journal : « Le Cri du Peuple », que l’on s’arrache dans tout son entourage et dans le peuple.

Vingtras raconte ensuite sa participation à la commune de Paris de 1871. L’armée des versaillais organisée par Adolphe Thiers pénètre dans Paris aux mains des Communards depuis mars 1871. C’est la guerre des barricades. Vingtras est arrêté et accusé d’excitation à la guerre civile. Puis libéré. Il fait alors partie d’un gouvernement populaire. C’est plus tard la Semaine Sanglante avec incendies et massacres d’otages auxquels Vingtras parvient à échapper.

Un récit qui se présente comme un reportage de guerre et dont l’intérêt historique est relatif tant la place est laissée à l’émotion plutôt qu’à la rigueur et dont la construction semble un peu brouillonne et peu structurée. Même s’il ne s’agit pas d’une stricte autobiographie, il apparait clairement que Jules Vallès est reconnaissable sous les traits de Jacques Vingtras.

Historiquement, à la lecture de ce livre, on voit que l’absence de stratégie réelle des fédérés, la multitude de courants, l’absence de ligne directrice politique précise et le manque de compétences militaires, ne pouvaient que mener fatalement à l’échec. L’écrasement par les versaillais à la botte du pouvoir en place était inévitable..

Jules Vallès a dédié son livre à tous ceux qui, victimes de l’injustice sociale, prirent les armes contre « un monde mal fait, et formèrent sous le drapeau de la Commune, la grande fédération des douleurs. »

Du point de vue littéraire, on observe une écriture nerveuse et passionnée, des portraits au vitriol, un style journalistique engagé non dénué d’humour.

Bref rappel historique :

Le 2 septembre 1870, Napoléon III capitule à Sedan et les Prussiens envahissent la France. Pendant l’hiver, Paris, assiégé, connaît les bombardements et la famine mais refuse de s’avouer vaincu.

Paris rejette également la nouvelle Assemblée nationale issue des élections du 8 février 1871, majoritairement composée de monarchistes et de hobereaux campagnards, favorables à la paix, tandis que les élus de Paris sont des républicains.

Le Gouvernement de la République, dirigé par Thiers, se réunit d’abord à Bordeaux, puis à Versailles afin de ne pas prendre le risque d’être retenu en otage par les Parisiens. Thiers veut conclure un traité de paix alors que les élus parisiens refusent l’entrée des Prussiens dans Paris et de se laisser désarmer. Ils veulent également ouvrir une nouvelle ère politique et sociale.

Une guerre sans merci s'engage entre la Commune proclamée le 30 mars 1871, et le gouvernement de Thiers qui reçoit l'appui du chancelier Bismarck.

La Commune de Paris dure un peu plus de deux mois, du 19 mars au 28 mai 1871.

Elle est finalement vaincue durant la "semaine sanglante" qui débute avec l'entrée des troupes versaillaises dans Paris le 21 mai et s'achève par les derniers combats autour du cimetière du Père Lachaise le 28 mai.

La répression est impitoyable. Le nombre des fusillés sans procès varie entre 20 000 et 30 000 personnes. Le nombre de prisonniers est évalué à 38.000 individus environ "dont 5000 militaires, 850 femmes et 650 enfants de 16 ans et au-dessous. Sur les 10.137 jugements contradictoires, il y a eu 95 condamnations à la peine de mort (finalement seules 23 personnes furent fusillées); 251 aux travaux forcés ; 1.169 à la déportation dans une enceinte fortifiée ; 3.417 à la déportation en Algérie ou en Nouvelle-Calédonie ; 4.692 à la réclusion ou à l'emprisonnement ; 332 bannissements ; 117 à la surveillance de la haute police ; 9 à l'amende et 55 enfants de moins de 16 ans furent envoyés dans une maison de correction.







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