Cela commence
Cela commence à la manière
de ces brefs poèmes japonais
Jour de plein soleil
l’ombre des arbres plaquée à terre…
mais la phrase se fige dans son jus
l’imagination ne bouge plus d’un pouce
si bien qu’au clair de lune
l’ombre n’est pas remontée dans les arbres
p.44
//Dominique Saint-Dizier
Nuit urbaine
Le soleil crucifié éclate en poussières d’âmes.
Petits fragments de verre étincelant sur le bitume.
Corps en errance dont le regard s’abîme à l’horizon
des phares,
Comètes illusoires,
Dont la queue explose en billets de banque déposés
sur le guéridon d’un hôtel.
Guirlandes semées en forme de papier journal
Colées à la hâte sur une lettre d’amour anonyme.
Les bras chauds se mêlent à l’aube colorée des parois
d’une bouteille,
Parfois quelques éclats de joie pleurent sur les ventres
à jamais sevrés.
Il arrive que les cheveux de quelques femmes neigent
sur le nuits
Où le sang bat,
bat doucement, contre le carreau, comme le battant
d’une fenêtre qui se referme sur le soir pour ne pas
voir tanguer une larme arrimée au port.
p.6
//Agnès Cognée (1973 -)
Omnibus
le hall de gare a ma vie dans les bras
un jour de grève, surtout
quand on ne compte pas les retards et que personne
non, personne
n’est jamais là pour les réclamations
voies silencieuses
les trains n’y entrent pas
seule l’horloge tourne
et mon impatience fait le bruit de cent pas
l’heure de pointe bientôt
à la fenêtre de tête où mon front reposera
paysage intérieur
Noël entre les vitres
où les écrans font comme une guirlande
clignotante dans les yeux de ceux qui les regardent
m’encerclant d’une lumière froide
partout la neige étouffe les sons
p.7
//Barbara Albeck (1980 -)
Les lys s’ouvrent
Les lys s’ouvrent
Disparaissent
les cendres
Des vieux jours.
J’habiterai
La beauté
Animale
Comme des petites larmes
Délicates et cruelles.
p.55
//Sophie Lagal France (28/07/1970 -)
La voûte noire
La voûte noire.
Le ciel d’une ampoule à genoux sur le chemin.
Tout autour la terre nappée d’une plaine.
Au bout, le début du point.
Là, la fin d’avant.
Apparaît une porte au premier pas.
La porte s’ouvre au carrefour des miracles, une pièce éclot.
Il reste à perdre le fil, confondre les murs, aménager le
doute et faire le lit.
L’horizon un repose-pieds possible.
Le sol s’envisage comme une batille à prendre.
Plus loin un arbre à peindre. Un peu plus loin un fleuve à
tendre. Un peu
peu plus plus loin
dans un coin
la pièce manquante d’un nous.
p.45
//Emanuel Campo (1983 -)