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Critique de Renod


"C'est parce que le moteur de sa vieille Ami 6 avait craqué dans le milieu de la côte qu'il est entré dans notre vie, avec cet air naturel du migrant qui ne s'embarrasse pas du superflu." L'incipit du "Grand môme" fait écho à celui du "Grand Meaulnes", deux romans qui ont pour auteur un Alain Fournier (c'est également le nom de baptême d'A.D.G., comme précisé par Kirihara). L'inconnu se prénomme Augustin, comme le légendaire Meaulnes. C'est un être mystérieux dont on ignore tout : on ne sait pas qui il est, d'où il vient ni ce qu'il cherche. Il n'a pour seul bagage qu'un nourrisson âgé de quelques mois. La panne l'a contraint à trouver refuge dans un bordel qui porte le doux nom de "l'écu". Il y rencontre un ami des tenanciers surnommé Machin, son patronyme Djerbitskine étant imprononçable pour les langues locales. Machin travaille au quotidien "La République du Val-de-Loire" comme journaliste sportif. Il héberge Augustin et sa fille dans sa résidence secondaire située en bord de Loire. Après le mystère, la barbarie : Machin est victime coup sur coup de deux agressions. Des hommes masqués font irruption à "l'écu" et dans un bar où il a ses habitudes et contraignent les clients à se déshabiller. Les récalcitrants sont frappés à coups de barres de fer. le lendemain, notre journaliste est renversé dans les rues de Blois par une jeune femme paniquée. Il découvre qu'elle est mêlée à la mort du fils d'un notable de la ville. Décidément, le chef-lieu du Loir-et-Cher semble pris dans un déchainement de violence et notre brave Machin devra se montrer vaillant pour faire face à cette série d'événements tragiques.

J'ai adoré ce roman d'A.D.G. pour les mêmes raisons que deux autres de ses oeuvres découvertes récemment : "Pour venger Pépère" et "L'otage est sans pitié". L'histoire se déroule avec légèreté portée par une langue truculente et soignée : jeux de mots, argot et les sigles et les anglicismes sont retranscrits dans la langue de Molière (achélème, disagne et ouesterne). de nombreux traits d'humour ont su m'arracher un sourire, ce qui a dû me faire paraître suspect aux yeux des usagers de ma rame de RER. L'auteur exprime une vraie tendresse pour ses personnages et un attachement pour sa région, le Val de Loire. le chien nommé Jiskar est là pour nous le rappeler, le roman a été publié il y a quarante ans, et bénéficie d'une patine vintage fort appréciable puisqu'on y parle d'Yves Mourousi, de Danièle Gilbert (si, si) et on roule en Ami 6 ou en R5. Et si A.D.G. était un journaliste aux positions sulfureuses, il se contente dans ses romans d'adresser des clins d'oeil politiques d'une grande discrétion. Cela passe par les poissons rouges qui sont baptisés du nom d'intellectuels d'extrême droite ou de l'évocation de la commémoration royaliste du 21 janvier, date de l'exécution de Louis XVI. Mais on retient surtout l'hommage discret à Albert Fournier et les renvois tout en finesse à son oeuvre. Et le lecteur se surprend à rêver de faire un tour du côté de chez Machin, de descendre une fillette de Montlouis accompagnée d'une tartine de rillettes et de chatouiller les pensionnaires de "l'écu". Un roman drôle, bien écrit et qualité plus rare encore, attachant, que je vous recommande chaudement.
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