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Critique de KiriHara


« Pour venger pépère », c'est le titre plus que le nom de l'auteur qui m'a donné envie de livre cet ouvrage.

D'ailleurs, je ne connaissais pas l'auteur qui se nomme, en réalité, Alain Dreux Gallou, né Alain Fournier.

Alain Fournier, un nom difficile à porter pour qui n'a pas écrit « le Grand Meaulnes ».

Et A.D.G. n'a pas écrit « le Grand Meaulnes », mais « le Grand Môme », un pied de nez à un nom qu'il a eu du mal à porter au point de lui préférer des initiales.

A.D.G. est un auteur que je ne m'attendais pas à lire et encore moins à aimer (pour les mêmes raisons qui me retiennent de lire les « S.A.S. » de Gérard de Villiers). Car, si j'ai l'habitude de lire des romans « de gare » d'auteurs ancrés plutôt à gauche (Frédéric Dard, J.B. Pouy, J.P. Manchette, Didier Daeninckx...) j'ai toujours une réticence, stupide, je vous l'accorde, à m'intéresser aux mêmes genres d'ouvrages écrits par des auteurs très ancrés à droite (notamment parce que ce genre de roman est l'occasion de faire passer beaucoup d'idées politiques et d'opinions sur la société).

Mais, parce que MON « pépère » était un personnage particulier dans ma vie, au point d'en devenir un également dans mes histoires, parce que, mon grand-père, c'était, pour moi, pépère, le titre m'a forcé à me plonger dans les mots d'A.D.G.

Et alors ? Qu'en dire ? Que je remercie MON « pépère » de m'avoir fait m'intéresser à celui d'A.D.G. tant j'ai adoré le style, la plume, l'histoire et les personnages.
Tout d'abord, si le scénario du roman ne brille pas par son originalité, un homme cherchant à venger la mort d'un proche, ici son grand-père, il n'en est pas moins très touchant à travers tous les passages ou le personnage principal égrène ce qu'aurait dû faire son « pépère » aux moments où lui cherche ses meurtriers.

Mais, ce qui fait avant tout le charme du roman, c'est indéniablement la plume de l'auteur, un savant mélange de néologisme (par création, détournement ou francisation de mots anglais), d'argot, de jeux de mots et d'assonance.

Qui travaille ses mots et joue avec ne peut que m'intéresser. Mais de m'intéresser à me plaire, il y a un fossé qui s'appelle le Talent et de talent, A.D.G. n'en manquait pas. N'en manquait, car il est depuis mort en 2004 à 56 ans d'un cancer.

Mais le travail des mots ne fait pas tout à une histoire, il faut aussi des personnages forts et attachants. Et c'est le cas avec le personnage principal de ce roman, Pascal Delcroix, avocat, et son personnage subalterne, le journaliste Serguie Djerbitskine, alias Machin, car son nom est trop difficile à prononcer. Ces deux personnages reviendront dans d'autres romans, échangeant le premier et second rôle.
Alors que Delcroix se prépare à aller à la pêche avec son grand-père, ce dernier est abattu par des braqueurs de banque en fuite. Delcroix ne peut laisser ce crime impuni et se promet de « venger pépère ». S'en suit alors une quête du trio d'assassin ou, plutôt, de l'assassin et de ses deux hommes de main, quête qui le mènera à bousculer des gens de la Haute et à faire tomber des hommes protégés.

C'est donc à la chasse à Jouax, le tueur, un gauchiste (les auteurs précités en auraient fait un nazillon), que le lecteur assiste. Mais loin d'une chasse sans répit, celle-ci s'opère entre verres de vin, charcuterie et petites pépées, car, les personnages d'A.D.G. sont avant tout des hédonistes et, même la haine et le désir de vengeance n'empêche pas de se torcher la gueule, de se remplir la panse et se vider les douilles puisque l'usage d'armes à feu est fortement préconisé.

Si l'on excepte le méchant « Gaucho » et l'homosexuel qui est forcément pédophile, les opinions de l'auteur ne parasitent heureusement pas le roman (pas plus, me direz-vous que les méchants nazillons et les truands en col blanc des ouvrages des auteurs que je lis habituellement).

Le penchant pour le travail des mots et l'humour sont un point commun entre, par exemple, F. Dard, J.B. Pouy et A.D.G. mais, là où l'érudition de Pouy et ses références culturelles peuvent être un frein pour certains lecteurs, A.D.G. tout comme F. Dard, n'oeuvrent que pour les mots et par les mots. Bien évidemment, le frein, dans les deux cas, est, pour le lecteur obtu, de se braquer contre des mots inconnus ou méconnus, construits pour l'occasion ou ressortis des placards sans les avoir époussetés.

Mais, c'est justement ce qui me plait au plus haut point, tant dans mes lectures que dans mon écriture, d'utiliser des mots que l'on a oubliés dans un coin de notre langue, de notre cerveau, de notre poubelle. Pour moi, tous les mots méritent de prendre l'air de temps en temps, et c'est apparemment l'opinion, également, d'A.D.G. même si l'on sent très vite (et encore plus après la lecture de trois romans), que l'auteur a un mot fétiche « Prébende » (je n'ai jamais lu autant de fois ce mot que dans les livres d'A.D.G., d'ailleurs je ne me souviens pas l'avoir lu avant la lecture de ce roman).

Au final, avec une histoire touchante grâce à cet amour de l'avocat pour son grand-père et sa quête de vengeance, une véritable plume avec un sens réel de la tournure de phrase et du calembour, et un format assez court, « Pour venger pépère » s'avère être la quintessence du roman de gare dans le sens le plus mélioratif du terme (car non, le roman de gare n'est pas superficiel, surtout par quand il est issu de la plume d'un tel auteur.)

Si vous ne connaissez pas encore l'auteur ou le roman, sautez dessus !
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