AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Erik35


[POUR PUBLIC AVERTI]

POUR UN ÉLOGE DES AMOURS AGRICOLES.

Profitant d'une belle soirée de fin de mois d'août, un promeneur s'égare dans des chemins sentant bon la garrigue. Perdu dans ses pensées, notre marcheur ne s'aperçoit qu'il a longuement divagué qu'en buttant devant une grande grille en fer forgé défendant l'entrée d'un grand parc. Et tandis qu'il prenait appui sur cette grille pour admirer ce qui se trouve au-delà, notre rêveur va inopportunément la faire pivoter, l'invitant par là même à pénétrer dans cette étrange atmosphère. Alors qu'il arrivait à la lisière d'une large étendue d'herbe, il va assister à une des scènes les plus troublantes et obscènes à laquelle il lui a jamais été donné d'assister, une femme nue s'avançant dans le crépuscule à pas lent, suivie d'un homme armé d'un martinet et de son chien, un grand et bel épagneul à la robe feu. Il va être témoin d'une orgie sans nom qui va le laisser pantelant jusqu'à son retour à l'auberge où il a loué une chambre. Confiant son incroyable aventure à un étrange voyageur, ce dernier va l'inviter à se rendre au plus tôt chez lui et, bien installé au devant d'un bon feu de cheminée, notre narrateur va entendre conter cette étonnante, érotique - mais dramatique - Histoire de la bergère, où comment un vagabond volontaire, un commis de ferme trop attaché à sa liberté pour prendre femme et terre, va tomber amoureux d'une jeune femme de plus de dix ans sa cadette, en pleine découverte des plaisirs et aussi des turpitudes des sens et du corps.

Premier volet d'une trilogie intitulée «De la vie d'une chienne», précédemment publiée par les éditions Climats, l'Histoire de la bergère nous emmène aux frontières du conte - pour adultes -, du roman rural et rustique, mais aux violentes couleurs d'un érotisme assumé, parfois déviant (certaines scènes décrites sont clairement zoophiles), parfois proche d'une certaine folie , celle des sens autant que celle des êtres qui s'aiment ou se déchirent et si l'ouvrage est signé Léo Barthe, c'est bien la plume somptueuse, d'un faux classicisme invraisemblablement élégant - jusque dans les descriptions les plus crues - de Jacques Abeille que l'on peut attribuer ce texte étonnant, beau et cruel à la fois, où la Liberté, la véritable Liberté, celle qui impose une vie de mendigot mais qui vous délie de toute attache, quelle qu'elle puisse être, est décidément un bien qui se paie au prix fort.
On retrouvera, par ailleurs, ce style baroque et singulier de l'un de nos plus grands auteurs contemporain des littératures de l'Imaginaire, créateur, est-il nécessaire de le rappeler ? de l'univers magique et foisonnant du roman éponyme : Les Jardins statuaires.

Bien entendu, les textes signés Leo Barthe sont, quoi que parfaitement assumés et reconnus par leur auteur, des moments à part. Pas seulement parce qu'ils sont tous érotisant (voire à la frontière avec une certaine pornographie), mais parce qu'ils sont finalement bien plus ancrés dans un certain réalisme que ne le sont les romans magnifiques du "Cycle des contrés" (parmi lesquels se trouve d'ailleurs un titre signé Léo Barthe : Les Chroniques scandaleuses de Terrèbre) qui ont par ailleurs fait sa - trop - modeste notoriété.

Hommage à peine voilé à Histoire d'O, dont il singe en parti, mais avec talent, le procédé initial, ce texte peut tout aussi bien se voir affilié à la grande tradition littéraire licencieuse française, celle du XVIIIème principalement, avec pour fondateurs les Crébillon fils, Boyer Argens et autres oeuvres libertines de Diderot à Restif de la Bretonne, mais, plus proche de nous, Pierre Louÿs n'est pas toujours très éloigné dans certaines des scènes explicites de ce petit livre à nul autre pareil. en revanche, les amateurs ou amatrices de certaines nuances franchement grisâtres en seront bien certainement pour leurs frais ici...

Quant à nous, nous attendons la suite avec une certaine impatience... strictement scientifiquement littéraire , il va sans dire.
Commenter  J’apprécie          242



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}