Or c'est un fait : les Juifs américains refusaient tout soutien à la Triple Entente à cause de la Russie et de son antisémitisme pathologique. Leurs sympathies allaient naturellement vers les puissances centrales dont beaucoup de dirigeants du judaïsme américain étaient originaires. S'alignant dans l'ensemble sur la neutralité de leur gouvernement, ils étaient en outre très reconnaissants à l'Allemagne et à l'Autriche pour leurs multiples interventions en faveur des Juifs de Palestine.
Le précédent du massacre des Arméniens, en mai 1915, par les Turcs hantant les esprits. Djemâl Pacha, qui en avait été l'un des responsables directs et depuis lors commandant militaire de Syrie et de Palestine, procéda en 1917, à l'évacuation de tous les habitants juifs de Jaffa et de Tel-Aviv. Il envisagea d'expulser l'ensemble des habitants des moshavot après la découverte du réseau d'espionnage NILI formé par des activistes juifs et travaillant pour les Anglais, mais les diplomates allemands et autrichiens en poste à Istanbul et à Jérusalem l'en empêchèrent.
Raillé dans son propre milieu viennois et incompris par les Juifs de l'Ouest, c'est parmi les masses juives des ghettos de Galicie, de Pologne, de Russie et de Roumanie que les idées de Théodore Herzl se répandirent comme une traînée de poudre. Personne dans ces communautés repues de culture et de folklore juifs n'avait le moindre doute concernant l'emplacement souhaitable du futur État des Juifs : Eretz Israël, la Palestine historique juive, dont la seule évocation agissait sur les esprits bien plus profondément que tous les discours enflammés de Herzl et de ses amis.
Au lendemain du premier congrès juif mondial de Bâle, Herzl nota dans son journal intime, à la date du 3 septembre 1897 : "A Bâle j'ai fondé l’État juif. Si je disais cela à haute voix aujourd'hui, je serai accueilli par un fou rire général. Dans cinq ans peut-être, dans cinquante sûrement, tout le monde s'en rendra compte."
Une prophétie qui se réalisa, cinquante ans plus tard, à trois mois près, le 29 novembre 1947 lorsque l'Assemblée générale des Nations unies préconisa le partage de la Palestine en deux États : l'un juif, l'autre arabe. Quelques mois après, le 15 mai 1948, David Ben Gourion proclama à Tel-Aviv la naissance de l’État d'Israël.