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Critique de muet-comme-un-carpe-diem


L'oeuvre d'Olivier Adam est jalonnée de ces Bras cassés sur lesquels la vie s'acharne encore et encore et qui pourtant continuent à avancer vaille que vaille, foutu pour foutu,quitte à instiller dans leur vie cette poésie dont le quotiden semble manquer si cruellement.

L'héroïne de A l'abri de rien vient de perdre son emploi de caissière car elle a envoyé paître un client qui comme tant d'autres passait ses nerfs sur elle et qui avait tout du petit chef vicieux qui pourrit la vie de tout le monde. du coup, la voilà confinée entre les quatre murs de cette maison de lotissement où elle vient d'emmenager avec son mari Stéphane et leurs deux enfants Lucas et Lise.

Marie et Stéphane s'aiment mais c'était planqué sous la graisse du quotidien et des emmerdes, une couche comme on en a tous. Marie lui est redevable de l'avoir ramassée à la petite cuiller lorsque sa soeur Clara est morte dans un accident de voiture avec un groupe d'amis mais elle n'en peut plus de cette vie où tout n'est qu'uniformité, où les yeux sont vides, les gestes absents, où ceux qu'elle croise ont l'air tout comme elle d'ailleurs de robots, de créatures déshumanisées à force d'encaisser, de faire face aux fins de mois difficiles et aux soucis en tout genre sans espoir que cela puisse changer ne serait-ce qu'un peu.

Elle s'essaie de s'accrocher à la façon de cette mère dans La petite chartreuse de Pierre Péju qui chaque jour parcourt un peu plus de kilomètres en voiture en attendant l'heure d'aller chercher sa fille à l'école. Comme elle un jour elle finit par ne pas y aller.

Pourquoi ? Parce qu'en découvrant le centre d'aide qui distribue des repas chauds aux Sans Papiers qui attendent de trouver le moyen de passer en Angleterre, elle a fini par donner un coup de main. Elle y a retrouvé Jallal qui l'avait aidé à changer sa roue sous une pluie battante et qu'elle n'avait pas su remercier parce que comme tout le monde elle avait peur de ces hommes qui luttent contre le froid et errent autour de la ville entre deux rafles et passages à tabac, entre deux bagarres.

Peu à peu, elle délaisse son foyer, ses enfants et son ami pour passer de plus en plus de temps avec Jallal, Drago, Béchir et les autres. Entre deux souvenirs de sa jeunesse insouciante avant la mort de Clara où elle passait son temps à danser, à boire et à se frotter aux jeunes Anglais venus faire la fête sur le littoral français, Marie s'investit de plus en plus aux côtés de Josy et d'Isabelle.

Des distributions devant la mairie, elle en vient à suivre les démarches de demande d'asile, à aider Isabelle qui accueille illégalement mais on ne peut plus humainement quelques Kosovars chez elle tous les soirs pour qu'ils puissent prendre une douche, faire une partie de cartes, danser, rire, boire un peu d'alcool en dépit des interdits religieux, dormir au chaud et oublier un peu leurs infortunes.

Alors forcément cet engagement finit par avoir de plus en plus de répercussions sur son couple, ses enfants, sa vie sociale. le quartier la montre du doigt, les camarades de son fils aîné qui trouvaient déjà que Lucas était trop couvé par sa mère et ne se privaient pas de lui faire sentir, se déchaînent littéralement lorsqu'elle vient en aide aux réfugiés. Son mari risque de perdre lui aussi son emploi car il commence à péter un plomb devant l'attitude de sa femme.

Marie est-elle comme tous ces gens qui viennent faire un don au centre d'aide plus pour qu'on leur dise qu'ils sont formidables que par réelle solidarité ? Qu'est-ce qui la lie aussi fortement à ce militantisme dont elle ignorait tout hier ? Jusqu'où ira t-elle ? Finira-t-elle par rentrer dans le rang ?

Olivier Adam est passé maître pour mettre à ciel ouvert les failles des individus et de notre société. Ses phrases qui oublient les virgules comme on oublie de respirer sont comme la pluie, elles griffent mais c'est salutaire.


Lien : http://muet-comme-un-carpe-d..
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