La contrainte intellectuelle que ces enfants s'imposent est terrible, parce qu'elle ne cesse d'avoir des répercussions dans leur vie entière.
La pensée se nourrit de littérature : elle y trouve notamment l'échos de sentiments qui resteraient autrement trop confus pour être un jour explicités. S'abstenir de lire, particulièrement quand on est intelligent et sensible, c'est s'amputer de tout un pan de soi-même qu'on ne découvre qu'au travers du récit d'expériences tentées par d'autres (...)
Tout le monde sait que la meilleure manière d'intégrer de nouvelles notions consiste à les expliquer aux autres. Un savoir acquis de façon floue, avec seulement quelques points d'ancrage permettant de répéter ce que l'on a entendu d'une façon relativement satisfaisante, devient beaucoup plus clair, cohérent et organisé si l'on prend la peine d'en ordonner les éléments pour les rendre compréhensibles aux autres. Formuler sa pensée, c'est la structurer et donc lui donner des bases solides.
... Non seulement on ne sait pas "voir" un enfant doué, mais encore on ne sait pas l'entendre. S'il pose une question particulièrement pertinente, c'est le hasard qui l'a inspiré; s'il donne la clé d'un raisonnement subtil, c'est qu'il a copié sur un adulte; s'il s'ennuie et qu'il le fait comprendre, il a mauvais esprit, il est opposant, difficile, et ses parents vont avoir du mal à l'éduquer.