AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de nilebeh


Sortir un livre sur la vieillesse en plein COVID19, il fallait oser ! Laure Adler a osé. Les seniors, les anciens, les gens âgés, du troisième ou quatrième âge (à quand le cinquième?), on peut bien se donner bonne conscience en trouvant tous les synonymes qu'on voudra, il s'agit bel et bien des VIEUX ! Et les vieux commencent à peser vraiment, dans cette société où il faut être jeune, beau, intelligent, dynamique et efficace.

A juste raison, Laure Adler s'interroge, nous interroge : c'est quoi, au juste, être vieux en 2021 ?
Curieusement j'ai posé - il y a quelques mois - quasiment la même question aux membres d'un groupe de femmes (pas jeunes...) dont je fais partie : A partir de quel moment se définit-on comme vieux ?

Laure Adler convoque artistes, écrivain(e)s, philosophes, femmes engagées, pour cerner du mieux possible cette question. Elle parcourt le monde de son regard curieux et récolte les comportements de ceux, ethnies lointaines, qui mettent les vieux (et surtout les vieilles) à l'écart passé un certain âge, les enjoignant de mourir ailleurs que dans la cité (au fait, ne faisons-nous pas la même chose avec nos EHPAD hors les murs?) ; de ceux qui vénèrent leurs anciens, de ceux qui les gardent avec tendresse à la maison (un ami touareg s'est étonné en venant chez moi : des maisons de retraite ? c'est quoi ? chez nous, les vieillards, ils restent en famille!).

Les questions que pose Laure Adler, nous nous les sommes forcément posées, surtout si nous « prenons de l'âge » (comme on dit « prendre du poids », dit Laure Adler!). A partir de quand vais-je moi-même me considérer comme vieille ? Mais ma famille, ne m'aura-t-elle pas classée dans cette catégorie bien des années auparavant ?
Que faire de ma vieillesse ? Me laisser aller doucement jusqu'à la fin ? Lutter ? Et la mort, c'est quand, c'est quoi exactement ? etc.

L'auteure ne donne pas forcément ses réponses, elle interroge plutôt Simone de Beauvoir, Mona Ozouf, Benoîte Groult, Jankélévitch, Hugo, Monet, Hokusai, Soulages, et tant d'autres.

J'aime les livres dans lesquels les mots invitent à réfléchir mais aussi à regarder et à entendre. C'est le cas ici, des pages nous invitent à en ouvrir d'autres, livres d'art, essais sur la peinture et la musique. Un livre comme un dictionnaire, où chaque article pousse à aller en chercher d'autres, comme une quête infinie de culture, de pensée, de savoir, de savoir-être.

Ce livre est un florilège d'expériences de gens connus ou non, qui nous pousse à tout moment à nous interroger sur nous-mêmes.
Sans proposer de solutions toutes faites à ce lent processus évolutif qu'est la vieillesse, Laure Adler nous permet d'envisager non pas un mais de multiples moyens de vivre cette période bénie/honnie de la vie qu'est le grand âge. A chacun, et surtout à chacune, d'entre nous d'en faire son miel, d'y puiser plusieurs fois par jour l'énergie de sourire et de faire, encore et encore. Et de continuer, aussi loin que possible, d'être acteur de sa propre vie.

Je me souviens avoir pensé que la vie, c'est comme la diffusion à l'infini d'ondes provoquées par une pierre jetée dans l'eau d'un lac. D'abord, les ondes s'élargissent, toujours plus grandes, puis se resserrent, concentriques et amenuisées jusqu'au centre, là où j'ai jeté la pierre. Toujours plus de, puis toujours moins de : rencontres, amours, découvertes, voyages, savoirs. Jusqu'au resserrement final sur moi, ma toute petite personne, si petite.
Eh bien, il me semble que Laure Adler propose une autre philosophie, un autre savoir-être : et si je lançais de petites pierres, même en fin de voyage, dans un lac encore très grand ?

Commenter  J’apprécie          2714



Ont apprécié cette critique (25)voir plus




{* *}