Rita respectait la colère parce que la colère avait été le moteur de sa vie. Quand elle volait, quand elle délestait un pauvre imbécile de son portefeuille ou quand elle bousculait les gens qui avaient le malheur de se trouver sur son chemin. Elle savait que la colère ne menait à rien, mais c’était un sentiment qui lui faisait du bien. Porté par la rage, on pouvait déplacer des montagnes.
Il soupira et entreprit d’écrire un message. Il était prêt à parier que les claviers de téléphone portable avaient été conçus par un pygmée, avec des doigts aussi fins que des macaronis. Face à ces trucs-là, un utilisateur lambda originaire d’Europe du Nord et de taille moyenne se sentait comme un hippopotame à qui on demanderait de jouer de la flûte à bec.
Carl s'écroula dans son lit et se souvint du remède dit "du chapeau". D'après ce qu'il savait, son père l'utilisait aujourd'hui encore pour se soigner.
"Tu t'allonges dans ton lit", lui avait-il conseillé un jour. "Tu accroches ton chapeau au pied du lit. Puis tu prends la bouteille d'alcool qui devrait toujours être posée sur ta table de nuit et tu bois jusqu'à ce que tu voies deux chapeaux. Je te promets que tu ne seras plus malade le lendemain en te réveillant. Ou alors tu n'en auras rien à foutre de l'être encore."
Au pays des aveugles les borgnes sont rois.
La vie est un subtil équilibre au bord du précipice des tentations où l'on risque constamment de tomber au moindre faux pas.
C'est parmi tes amis que se cachent tes pires ennemis
Quand Nete regardait la mer, elle ne voyait pas seulement des vagues susceptibles de l'emmener vers la liberté, elle voyait aussi des vagues capables de l'entraîner vers le fond, de la submerger et l'emporter à un endroit où plus personne ne pourrait lui faire du mal.
…rappelait une époque que l’on croyait révolue. Une époque où les gens levaient le bras à l’horizontale en criant « heil », claquaient des talons et tuaient en masse au nom de leur conviction insensée que certaines personnes valaient mieux que d’autres et qu’on avait le droit de trier les êtres humains en deux catégories : ceux qui méritaient de vivre et les autres
(Poche, p. 196)
Au fil des années quatre-vingt, Curt Wad avait vu avec satisfaction la droite progresser dans le pays et, en cette fin de mois d'août 1987, presque tous les médias prédisaient une victoire des conservateurs aux élections.
C'était une époque formidable pour Curt Wad et pour ceux qui pensaient comme lui. Le parti d'extrême droite Opsvingspartiet pestait contre l'immigration, et de plus en plus de groupements chrétiens et d'associations à l'échelle nationale se rassemblaient autour des orateurs populistes rompus à l'art de stigmatiser la moralité moribonde et la décadence de la société, sans peur de bafouer allègrement le respect des droits de l'homme.
"Bon appétit", dit Mona en posant le plateau du petit déjeuner à côté de Carl. Un délice de parfums et, au milieu de toutes ces délicatesses, une clé.
"Elle est à toi, annonça-t-elle en lui versant un café. Utilise la à bon escient."
Carl la peut et la soupesa. Deux grammes et demi à peine, alors que c'était la clé du paradis.
Puis il retourna l'étiquette plastifiée accrochée à l'anneau et lut : clé amant.
Mais il n'aimait pas du tout ce porte-clé.
Trop usé.