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Critique de afleurdemots


Inscrivant son intrigue sous le signe de la romance, c'est au coeur de la Belle Epoque que Camille Adler a choisi de situer l'action de son premier roman. Avec « Rose soie », la jeune auteure s'essaie ainsi à un des genres les plus difficiles de la littérature : le récit historique. Un exercice particulièrement périlleux puisque nécessitant, par définition, une parfaite maîtrise du sujet et une connaissance approfondie de l'époque où est censée se dérouler l'intrigue.

Face à cette double difficulté, la jeune romancière laisse pourtant rapidement entrevoir un réel potentiel. Grâce à un style agréablement fouillé, Camille Adler immerge en effet, très vite et sans difficulté, le lecteur dans l'ambiance du Paris de la fin du XIXème siècle. Combinant élégance et raffinement (et s'inspirant probablement de la plume de certains auteurs de l'époque), son écriture semble ainsi témoigner d'un souci évident d'authenticité et d'une quête d'excellence très appréciable !

Pourtant, en dépit du soin tout particulier que Camille Adler semble avoir porté à l'écriture, la romance concoctée par l'auteure ne parvient malheureusement pas à éviter les écueils du genre. En effet, plombée par une construction trop académique et convenue, qui laisse dès lors peu de place aux effets de surprise, l'intrigue de « Rose soie », cousue de fil blanc de bout en bout, peine à faire mouche ! Ainsi, malgré un effort évident sur la forme, le fond du récit manque donc d'aboutissement et d'un soupçon de génie pour véritablement éblouir le lecteur qui ne tarde pas à deviner la tournure des évènements et l'issue parfaitement prévisible du récit. Les rouages de l'intrigue nous deviennent en effet rapidement évidents, et l'on repère bientôt les (nombreuses) coïncidences trop flagrantes pour être réellement plausibles, tout en anticipant sans grande difficulté le rôle clé que vont être amenés à jouer certains protagonistes.

Par ailleurs, ne prenant pas suffisamment le temps d'installer les situations porteuses de sens et propices à l'instauration d'une véritable tension dramatique, l'auteure peine à faire émerger des enjeux assez forts pour tenir le lecteur en haleine et, face à une succession de difficultés trop facilement surmontées par l'héroïne, la légèreté de l'intrigue prend bientôt le pas sur des thématiques et des axes de réflexion plus consistants. Ainsi, si à travers le combat de son héroïne, Camille Adler nourrit l'intention louable d'explorer le thème (bien qu'archi-rebattu) de l'émancipation de la femme, le traitement du sujet se révèle un peu trop attendu et superficiel pour marquer les esprits. Dans un souci davantage esthétique que de réflexion, la romancière semble en effet concentrer ses efforts sur les aspects plus anecdotiques du récit (en particulier la description des tenues vestimentaires) au détriment d'un travail plus appuyé sur la psychologie de ses personnages ou d'une meilleure exploitation du contexte historique. Un parti-pris qui aboutit à diluer peu à peu les thématiques fortes de l'histoire dans des sujets de moindre consistance, contribuant à amputer l'intrigue d'une grande part de son potentiel tout en lui faisant perdre en puissance et en profondeur.

De même, si certaines phrases semblent parfois revêtir des accents de Zola, la beauté du style demeure globalement inconstante, laissant en fin de compte peu de doutes au lecteur quant à l'époque à laquelle a été écrit le roman. Les constructions recherchées et poétiques laissent ainsi parfois la place à des dialogues sonnant faux, car dépouillés et artificiels, qui contrastent lourdement avec le raffinement et la subtilité d'autres passages. Un sentiment d'autant plus marqué que l'écriture sombre parfois dans la lourdeur et la pédagogie dès lors que l'auteure tente de glisser (mais de façon assez maladroite) certaines informations relatives aux moeurs de l'époque.

A noter, pour finir, les multiples allusions à diverses oeuvres littéraires et cinématographique dont l'auteure imprègne son intrigue. Car en dehors du contexte historique qui évoque immanquablement Zola, Camille Adler mâtine en outre son récit d'autres références à des oeuvres célèbres. Ainsi, le britannique et mystérieux Alexander Wright n'est pas sans rappeler le personnage de Darcy imaginé par Jane Austen, tandis que certaines répliques semblent tout droit tirées du film Titanic (sans parler du prénom parfaitement évocateur de l'héroïne ;) !). Ce soupçon de Zola dans le style, cette pointe de Jane Austen dans les personnages et ce zeste de Titanic dans les dialogues, apparaissent comme autant d'ingrédients de choix dans l'élaboration d'une intrigue de qualité, mais paradoxalement, leur mélange ne parvient jamais à complètement prendre au cours du récit. Car si les clins d'oeil sont plutôt bien pensés et les intentions louables, il manque définitivement à l'ensemble une touche de personnalité et un brin d'originalité pour que l'alchimie puisse opérer. de fait, bien que sympathiques, cette surenchère de références s'empilant les unes sur les autres finit à terme par desservir l'intrigue, allant même jusqu'à lui faire perdre de son identité propre. Un constat d'autant plus dommageable que l'idée initiale était pourtant alléchante et le désir d'hommage tout à fait louable…

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Avec « Rose soie », Camille Adler nous livre une romance historique sans prétention, qui séduira à coup sûr les amateurs du genre en quête d'une lecture légère, tout en laissant probablement sur leur faim ceux désireux d'un récit historiquement plus abouti. Si l'auteure semble donc embrasser pleinement le parti-pris du divertissement, la construction trop sage du récit combinée à la prévisibilité désarmante de l'intrigue laissent malheureusement peu de place à de grands moments d'émotion pour le lecteur qui ne tarde pas à mettre à jour tous les tenants et aboutissants de l'histoire. En dépit d'un style luxuriant et raffiné, évoquant par moments les auteurs du XIXème siècle, l'intrigue cousue de fil blanc et le contexte historique relativement peu exploité ne permettent cependant pas d'offrir de véritable bijou de réflexion quant au thème de l'émancipation de la femme à cette époque.
Si « Rose soie » manque donc encore d'originalité et de caractère pour pleinement convaincre, Camille Adler laisse déjà entrevoir, avec ce premier roman, des qualités d'écriture indéniables et un potentiel certain ! Une jeune auteure prometteuse et à suivre de près !

Je remercie chaleureusement Babelio et les éditions Milady pour leur confiance !
Lien : https://lectriceafleurdemots..
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