Du journalisme de bon niveau, un "micro-trottoir" à l'échelle de la Biélorussie et de l'ex-Union Soviétique, l'anti-analyse politique: ici les paroles viennent du coeur. A travers ces humbles histoires, on rejoint l'épopée de l'après-guerre froide, l'effondrement du communisme, la dislocation de l'empire soviétique, les conflits qui s'ensuivent bientôt (de la Tchétchénie à l'Ukraine aujourd'hui).
Svetlana Alexievitch nous montre, sous les mascarets de la violence, la continuité du fleuve colossal et fantasque, la fameuse "âme russe". Depuis la débâcle libérale, il tente de rouler les "eaux glacées du calcul égoïste" sans trouver l'embouchure sous les espars de l'ancienne puissance; se disperse dans les marécages de l'ennui et de la corruption. Aussi cherche-t-il sa source, mémoire et identité, par les remous nostalgiques de son orgueil blessé, de sa générosité déçue.
Dans ce vrai pays littéraire (que je ne connais, il est vrai, que par ses grands romanciers), les intérêts de l'argent n'ont pas encore réussi à prendre la place de ceux de l'esprit.
A lire absolument pour comprendre pourquoi l'annexion de la Crimée, généralement désapprouvée par les Occidentaux, a renforcé la popularité de Poutine dans son pays!