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Critique de berni_29


La Maison aux esprits serait presque un pléonasme pour certains. Parfois les maisons nous habitent, celle-ci m'a habité durant ces 540 pages... Et continue encore, lorsque j'y reviens, comme ce soir en vous écrivant cette chronique...
La Maison aux esprits fut cette première fois où je suis entré dans l'univers d'Isabel Allende. Son nom est déjà un étendard et aussi une douleur, celle d'un Chili ensanglanté par la dictature de Pinochet... La Maison des esprits est le premier roman de la nièce de l'ancien président du Chili, Salvador Allende, dont le gouvernement fut renversé par la junte militaire un certain 11 septembre 1973 ; il se suicida tandis que l'aviation des putschistes bombardait le palais de la Moneda dans lequel il était réfugié.
La Maison aux esprits, c'est bien une saga qui retrace la vie d'une famille des années 1920 aux années 1970. Entre ces deux périodes, c'est comme un immense pont reliant les traditions ancestrales rurales tenaces jusqu'aux bouleversements politiques et l'horreur des tyrannies modernes dont je viens de vous évoquer un épisode tragique.
Les années 1970 sont sans doute les pires années qu'est connu le Chili. L'auteure ne pouvait pas en faire l'impasse.
Si le nom du Chili n'est jamais explicitement évoqué dans les pages de ce roman, on le devine pour autant. Ce n'est pas un roman engagé, militant, du moins au premier abord...
Mais la tyrannie peut être aussi familiale. Cette famille, c'est la famille Trueba tenue d'une main de maître par son chef de clan Esteban Trueba, riche propriétaire parti de rien, tyran familial et sénateur musclé, tandis que sa femme Clara est hypersensible et dialogue volontiers avec les esprits. C'est un peu le mariage du lièvre et de la carpe...
Ici, nous voyageons entre féérie et cauchemar...
Nous faisons leur connaissance quand ils sont jeunes... Nous allons suivre leur itinéraire durant quatre générations.
C'est une fresque sentimentale, politique et sociale sur l'amour, la famille, la mort, les fantômes, les promenades, la révolution, la politique, l'idéal et le merveilleux...
Mais le personnage central est bien celui de Clara... Tout part d'elle, tout commence aux prémices de sa vie... Celle qui sait bouger les objets d'un seul regard, celle qui a le don pour lire l'avenir, m'a envoûté...
Autour d'eux et se promenant comme une farandole parmi les pages enchantées, c'est une foule de personnages, enfants légitimes ou non, employés, paysans.
Nous voyageons entre réalisme et imaginaire, tel est le parti pris de l'auteure, tel est le parti pris de certaines familles aussi. Ne vous imaginez pas qu'une famille d'Amérique du Sud, étalée sur quatre générations, est un long Amazone tranquille.
On reconnaît là l'esprit, - si j'ose m'exprimer ainsi, propre à une certaine littérature d'Amérique du Sud qui m'a souvent jeté de l'ivresse dans les yeux et le coeur : il y a quelque chose forcément qui rappelle ici l'univers onirique de Cent ans de solitude de ce cher Federico Garcia Marquez, où le fantastique est souvent à fleur de peau, pour ne pas dire qu'il s'invite parfois comme une trappe qui s'ouvre devant les pas des personnages...
Ici c'est un cri d'amour. C'est bien connu, les fantômes reviennent souvent sur les lieux de leur amour.
C'est un roman tissé d'amours impossibles, comme souvent dans la vie.
L'histoire de cette famille m'a transportée durant quatre générations, mais également ô combien bouleversée.
Ne vous effrayez pas, oui c'est un long roman, mais il y a une féérie qui vous tirera par la main et vous montrera des chemins improbables pour entrer dans le coeur de cette maison et la visiter presque dans ces moindres recoins.
Ici j'ai trouvé un souffle qui porte cette famille jusqu'aux dernières pages. Parfois, j'aimerais tant retrouver Clara...
Ce roman est un long et retentissant cri d'amour qui se perpétue comme un écho crié dans un grotte sans fond.
C'est une famille qui ressemble un peu à l'océan ; pour celles et ceux qui savent regarder la mer, cela vous parlera peut-être. Et encore je ne parle pas des vagues. Mais il y a des remous, des tangages, le ressac qui efface et recommence les gestes, efface les pas sur le sable. Regarder la mer, c'est aussi vivre un moment parfois magique...
La Maison aux esprits est une île tourmentée, prise d'assaut par les eaux.
Je suis ressorti de cette lecture, comme un lecteur enchanté, habité par des voix, transformé peut-être le temps d'une lecture.
À présent, je vous transmets les clefs de cette maison, c'est à votre tour de vous laisser habiter...
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