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Citations sur La maison aux esprits (159)


C’était une longue semaine de pénitence et de jeûne, on ne jouait pas aux cartes, on ne faisait pas de musique, qui eût incité à la luxure et à l’oubli, et l’on observait dans les limites du possible les plus grandes tristesses et chasteté, quoiqu’en ces jours précis l’aiguillon du démon tentât avec plus d’insistance que jamais la faible chair catholique. Le jeûne consistait en de mœlleux feuilletés, de savoureuses ratatouilles de légumes, des omelettes bien baveuses et de larges fromages rapportés de la campagne, avec lesquels les familles commémoraient la Passion du Seigneur, se gardant de toucher le moindre morceau de viande ou de poisson gras, sous peine d’excommunication, ainsi que le proclamait instamment le père Restrepo. Nul ne se serait hasardé à lui désobéir. Le prêtre était pourvu d’un long doigt dénonciateur pour désigner publiquement les pécheurs et d’une langue bien entraînée à susciter les remords.
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En signe de deuil, les saints étaient recouverts de chiffes violettes que les bigotes dépoussiéraient annuellement de l'armoire de la sacristie et sous ces housses funèbres l'assemblée céleste avait l'air d'un capharnaüm de meubles en instance de déménagement, sans que cierges, encens et gémissements de l'orgue pussent contrecarrer ce déplorable effet.
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Tránsito ouvrit les jambes, séparant les douces colonnes de ses cuisses d'un mouvement fortuit, comme pour changer de position. Mes lèvres se mirent à la parcourir, aspirant, titillant, pourléchant, tant et si bien que je finis par oublier le deuil et le poids des années, que le désir me revint avec sa fougue d'autrefois, et, sans relâcher caresses ni baisers, je me débarrassai en hâte de mes vêtements, tirant dessus comme un désespéré, constatant avec bonheur la vigueur de ma virilité dans l'instant même où je m'enfouissais au creux du tiède et miséricordieux animal qui s'offrait à moi, bercé par la voix d'oiseau enroué, enlacé par des bras de déesse, tangué et roulé par l'impulsion de ces hanches, jusqu'à perdre toute notion des choses et exploser de plaisir.
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En mourant, tout comme à l'instant de venir au monde, nous avons peur de l'inconnu. Mais la peur est quelque chose d'intérieur à nous-mêmes, qui n'a rien à voir avec la réalité. Ainsi mourir est comme naître : un simple changement.
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"… c’est pourquoi je vous prie de faire quelque chose pour ma petite fille avant qu’il ne soit trop tard, car cela fait des semaines que je ne dors plus, j’ai couru tous les bureaux, tous les ministères, toutes mes anciennes relations sans que personne ait rien pu pour moi, à présent ils ne veulent plus me recevoir, ils m’obligent à faire le pied de grue pendant des heures, moi qui ai rendu tant de services à tous ces gens, par pitié, Transito, demandez-moi ce que vous voulez, je suis encore riche, même si les choses ont été plus difficiles pour moi du temps du communisme (…) je ne veux pas vous faire perdre votre temps, l’important est que ma situation est bonne, mes affaires ont le vent en poupe, aussi suis-je en mesure de vous donner ce que vous demanderez, n’importe quoi, pourvu que vous retrouviez ma petite-fille Alba avant qu’un fou furieux ne se remette à m’envoyer d’autres doigts coupés ou n’ait l’idée de m’expédier des oreilles et ne finisse par me rendre cinglé ou par me tuer d’un infarctus, excusez-moi de me mettre dans un état pareil, mes mains tremblent, je suis à bout de nerfs…"
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S'il a pu être ministre de l'Education sans son certificat d'études, il peut bien être ministre de l'Agriculture sans avoir jamais vu de sa vie une vache sur pied.
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Un jour le vieux Pedro Garcia raconta à Blanca et Pedro III l'histoire des poules qui s'étaient mises d'accord pour faire face au vilain renard qui s'introduisait chaque nuit dans le poulailler en vue de chaparder les œufs et de dévorer les petts poussins.
Les poules décrétèrent qu'elles en avaient assez de supporter la loi du renard, elles s'organisèrent pour l'attendre, et, quand il pénétra dans le poulailler, elle lui barrèrent la route, l'encerclèrent et lui tombèrent dessus à becs raccourcis, jusqu'à le laisser plus mort que vif.
" Et on vit alors le renard s'enfuir la queue basse, poursuivi par toutes les poules", conclut le vieillard.
Blanca s'esclaffa à ce récit et déclara que c'était impossible, car les poules naissent stupides et sans défense, et les renards rusés et forts, mais Pedro III ne rit point. Il resta songeur tout l'après-midi, à ruminer la fable des poules et du renard, et peut-être fut-ce à cet instant que l'enfant se mit à devenir un homme.
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Il était peu à peu devenu aveugle, une pellicule céleste lui avait recouvert les pupilles : " Ce sont les nuages qui me rentrent par les yeux ", disait-il.
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- Vois-tu, ma petite-fille, dans la plupart des familles il y a toujours un fou ou un idiot, (...). Parfois on ne les remarque pas, parce que les gens les cachent comme quelque chose de honteux. Ou les enferment dans les pièces les plus reculées afin que les visiteurs ne les voient pas. En vérité, il n'y a pas de quoi avoir honte, car eux aussi sont l'oeuvre de Dieu.
- Mais, grand-mère, il n'y en a aucun chez nous, répliqua Alba.
- Non. Ici le grain de folie est réparti entre tous et il n'y en a plus de reste pour que nous ayons notre idiot de la famille.
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Au début, elle pensait mourir chaque fois qu'il s’éloignait ainsi, mais elle eut tôt fait de se rendre compte que ses absences ne duraient que le temps d'un soupir et qu'invariablement, il s'en revenait plus amoureux, plus attentionné que jamais. Ces furtives retrouvailles avec son amant dans des hôtels de rendez-vous, Blanca les préférait à la routine d'une vie commune, à la lassitude du mariage et à l’amertume de vieillir ensemble en partageant les pénuries de fin de mois, l'haleine lourde du réveil, l'ennui des dimanches et les infirmités de l'âge. C’était une incurable romantique.
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