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Critique de Itenarasa


Les dormeurs doivent se réveiller.

Deux siècles après nous le monde a changé, il a subit une mutation forcée. Les Hommes ont fui, pour certains sur une autre planète, pour d'autres loin de tout. Ceux qui sont restés sur Terre ont fondé des communautés. Salicande est une de celles-ci. Aujourd'hui, Eben, en est le chef, bien que tous les salicandais oeuvrent sur un même pied d'égalité à l'harmonie du village. Une harmonie qui fut toutefois rompue par la disparition de Sierra, fille de Jors le Fondateur, et épouse d'Eben. Un drame qui a laissé l'homme abattu, seul avec deux enfants de 3 ans : Claris et Jad.
Les jumeaux comme tous les enfants salicandais ont vu leur apprentissage confié à Blaise le mandarin. Maintenant âgés de 12 ans, Claris et Jad s'ouvrent de plus en plus, et sans toujours le savoir, à divers dons et/ou capacités. Aussi, Blaise sent qu'il est plus que temps de répondre à cet éveil et de revoir leur apprentissage. D'autant plus que le peuple de la forêt est en alerte...
Fantasy, vous avez dit fantasy? Oui mais pas classique, pas de celle que l'on trouve dans le Seigneur des anneaux ou le Hobbit (pour ne citer qu'eux). Ici point d'orques ou de nains, point de grands elfes, même si les élémentaux (de petites choses volantes) y ressemblent par leur aspect. Vu qu'ils virevoltent et apparaissent quand bon leur semble, je les ai plus apparentés à une sorte de "fée clochette" (qui ceci dit a bien des oreilles pointues elfiques).
Je sais que le terme "fantasy" pour les non-adeptes peut rebuter, mais vraiment Les Éveilleurs appartient à ces titres du genre qui s'ouvrent à un large public. Et s'il y est question de "magie", de "phénomènes surnaturelles" ou de "dons parapsychiques", dans ce premier tome, tout cela se fait sans excès. Nous ne sommes pas dans la démonstration à outrance du Fantastique. Au contraire, il arrive par petites touches lorsque nous découvrons les différents protagonistes de l'histoire. Certes on reconnaît en certains des capacités surnaturelles, en d'autres on les sent latentes et prêtes à exploser, mais cela se fait sans lourdeur. Il s'agit d'un éveil des sens, une réceptivité à quelque chose qui est connu des adultes, qui a eu des conséquences dans le passé, qui, chez les jumeaux notamment, suscite à la fois peur et curiosité mais qu'il faut laisser venir et apprendre à maîtriser par divers jeux, enseignements et échanges. Pas d'abus car il est aussi question de dons ou aptitudes qui n'ont rien d'étranges : écriture, musique, tir à l'arc, danse spirituelle/énergétique, forme de yoga...

Titré jeunesse, Les Éveilleurs emporte pourtant le lecteur adulte sans aucun souci. Je l'ai trouvé (pour m'appuyer sur un titre qui peut-être vous parlera) par le style et l'écriture, bien plus relevé que le Tobie Lolness de Timothée de Fombelle. La catégorie estampillée jeunesse, ne doit donc pas non plus faire fuir le lecteur adulte parce qu'on est loin d'une écriture simpliste qui ne se voudrait qu'à la portée d'adolescents.

Un mot introductif sur le monde et la communauté de Salicande. Elle ne vit pas en vase clos. Les Salicandais sont ouverts au monde extérieur, ainsi on découvre notamment par la présence de certains individus au Marché de Salicande, l'existence d'autres communautés. On nous laisse entendre que chaque communauté est construite sur des us et coutumes, des règles de vie différentes qui les rendent plus ou moins perméables aux visiteurs.
Un monde bien réel mais où le merveilleux a aussi sa place avec, notamment, ce peuple mystérieux de la forêt dont on hésitera un temps à se dire s'il s'agit d'êtres humains, d'êtres issus du registre merveilleux ou même d'animaux. Un flou voulu mais qui trouvera sa réponse.

Les Éveilleurs et ses personnages transportent littéralement le lecteur dans une dimension futuriste où, paradoxalement, les êtres humains restés sur Terre ont abandonné toutes technologies modernes pour un retour à des basiques d'antan. Retour à la terre, retour aux trocs, retour au papier, retour aux modes de déplacements animaliers, etc... L'enseignement, pour tous les enfants, est distribué par quelques anciens : un précepteur et un maître d'arme notamment. Des méthodes ancestrales, un mode de fonctionnement communautaire qui apportent une touche moyenâgeuse à l'ambiance du roman sans que pour autant, on ne vive dans cette époque. Parce qu'à côté de ça, les références aux évènements survenus au XXIème siècle et post-XXIème jalonnent le récit et nous permettent de comprendre que cette histoire se situe bien après ; dans un futur "post-apocalyptique" en quelque sorte. Par ces éléments "historiques", Pauline Alphen, nous livre les clés de ce qui est advenu de notre monde présent. Dérive des technologies, dérive des hommes, dérive de la Terre. Une forme de chaos menant à un avant et un après et donc un retour aux sources, générant ainsi de profonds changements de comportement pour la survie de l'Homme et de la Nature. Rien de moralisateur dans son propos, rien d'hyper alarmiste. L'auteure se contente de nous raconter ce qui est arrivé ; à nous lecteurs d'y réfléchir. Éveil de la conscience.

Vaste panel de personnages dans ce roman. Qu'il s'agisse de personnes présentes ou d'autres qui ont fait l'histoire passé ou présente de Salicande, tous participent au récit. Petit-fils de..., fils ou fille de..., compagne ou compagnon de... le lien avec le passé et untel est toujours présent. Un fait nouveau fait se souvenir de ce qui fut, de ce qui pourrait être à nouveau. Presque tous les personnages ont en tête une figure présente ou passé, qui les inspire ou les questionne. Qu'il soit question de transmission d'un savoir, de dons acquis ou enviés, d'engagement et donc d'importance au sein de la communauté, on se réfère toujours à quelqu'un.
Chaque protagoniste de l'histoire est travaillé afin de lui donner une dimension toute spéciale. Aucun n'est véritablement identique. Même les jumeaux se distinguent par leurs qualités (et défauts), par leur mode de fonctionnement et les aptitudes qui semblent naître chez eux. Rien d'étonnant à ce que, Pauline Alphen s'appuie sur ce qui fait écho à tout ce qu'on peut déjà entendre sur les relations très particulières entre jumeaux ; en leur prêtant notamment un mode de communication extra-sensorielle telle que la télépathie. Pas dérangeant puisque cela se tient bien face aux autres particularités para-psychiques qu'eux-mêmes ou d'autres possèdent.
On identifie tout de suite dans ce 1er tome, les figures emblématiques de la série, celles qui deviendront incontournables. On est saisi de curiosité par rapport aux apprentissages initiés, par rapport à ces dons qui apparaissent et qui sont parfois d'ailleurs à certain titre, inquiétants. On aimerait déjà connaître les répercussions que cela va avoir pour eux ou pour la communauté... Subiront-ils le même sort que d'autres par le passé?
Le lecteur trouvera aisément un ou des personnages à qui s'attacher, un ou des personnages qui éveilleront en lui cette empathie qui fait qu'on entre dans leur peau et qu'on vit chaque évènement avec intensité.
La place des jumeaux est forcément importante. Jad et Claris ont cette relation fraternelle toute particulière, liée à la disparition de leur mère, faite de tendresse, sur-protection, connivence et qui laisse pourtant la place à la distinction et l'affirmation personnelle de soi. Complémentaires et si différents. Réfléchis ou impulsifs. Fragiles mais solides. On pressent déjà dans leurs caractères, leurs sensibilités, dans ce qui s'ouvre ou se ferme à eux, des chemins différents...
Loin de moi l'idée de minorer le rôle des autres personnages qui gravitent autour d'eux. Tous sont d'une immense richesse intérieure. Témoins du passé et/ou acteurs du présent. Porteurs de leur propre histoire et péripéties. Blaise, Chandra, les Borges et leurs filles, Ugh, Eben... C'est un plaisir de les suivre et de sentir l'intérêt pour chacun grandir.

"Et allez parler de sentiments à des gens qui veulent entendre parler d'action!"

Je sais qu'il a été reproché à ce 1er tome de manquer d'actions, que certains lecteurs lui ont trouvé des longueurs. Je suis rapidement passée au-dessus de cet écueil. Parce que j'ai trouvé, qu'au final, le récit fourmille d'informations et de suffisamment d'évènements liés non seulement aux apprentissages de nos jeunes personnages mais aussi aux connaissances et au vécu des adultes. J'ai su m'en abreuver et m'en satisfaire. Surtout que les dernières pages se terminent sur un parfait cliffhanger présageant d'un second tome plus mouvementé.
Tout est dit. Cette manière de poser les bases de l'histoire, de créer des interrogations, voire de petites inquiétudes amène le lecteur à faire un superbe travail de projection et d'imagination quant au devenir des personnages et l'orientation du récit.

J'ai extrêmement apprécié ce tome introductif à la série, il pose intelligemment et patiemment les bases de l'ensemble du récit à venir. L'écriture de Pauline Alphen, les messages distillés dans le récit portant sur nos comportements vis-à-vis de notre patrimoine terrestre, les aberrations auxquelles pourraient nous conduire l'abus aux technologies et tant d'autres pensées sont autant de pistes de réflexion intéressantes pour les lecteurs et à exploiter pour de riches échanges.

Je me demande : si tout ça devait advenir (si tant est que ce ne soit déjà là), les générations futures diraient-elles de Pauline Alphen qu'elle fut, au même titre que certains auteurs SF tels qu'Huxley, Wells et tant d'autres, une visionnaire?
J'ai hâte de retourner à Salicande.
Lien : http://quel-bookan.hautetfor..
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