"Ma mère est morte en couche à ma naissance. Et comme mon père était très amoureux d'elle, il a voulu me tuer." Voilà comment ma mère, sans plus d'explications ni de trémolos, racontait sa venue au monde. Il lui arrivait d'ajouter : "Ma sœur Florentina m'a arrachée des bras de mon père, sans elle je serais morte." N'importe qui d'autre en aurait fait tout un plat, s'en serait servi pour justifier et même mythifier un destin providentiel. Ma mère, habituée au récit familial de cet événement, dont elle était la protagoniste tout en n'en conservant aucun souvenir, ne lui accordait pas plus d'importance que cela. Pas davantage que mon grand-père qui, en dépit de son amour pour le théâtre, éludait (ou préférait oublier) cet épisode dont Eschyle, Shakespeare, Calderón ou même des dramaturges plus médiocres auraient tiré une tragédie.
- Ça ne peut pas continuer, maman... Il faut vous séparer...
- Impossible... Le mariage est sacré... Les hommes n'ont pas le droit de séparer ce que Dieu a uni...
- Et donc...? On attend que vous vous entre-tuiez...? Quand c'est fini, c'est fini...
Le charbon, encore lui... Je quitte la France pour fuir la misère et le charbon... Vingt ans plus tard, je fais vivre mon fils dans une cave à charbon... Un destin bien noir...
Le mariage, c'est jusqu'à ce que la mort vous sépare... Alors je suis morte...
Prie et ne perds pas espoir, ma fille... parce que Dieu étreint mais n'étouffe pas...
Toi, le ménage, c'est ton truc... Et avec un fils unique, t'as du temps...
Les gens n'ont pas à savoir si on mange du veau ou des abats... Si on est riches ou pauvres... La jalousie et les commérages, ça y va...! Alors mieux vaut montrer les roses et cacher les épines...
On ne peut affermir la patrie avec une population divisée...
Je ne suis personne, mais j'ai vu trop de choses...
- Qu'est-ce que tu as...? Paco, encore...? Il n'y est pas allé de main morte... Pourquoi tu acceptes ça...?
- Que veux-tu que j'y fasse...?
- Tu en as parlé à quelqu'un d'autre...?
- A mon confesseur...
- Et il dit quoi...?
- D'être patiente... Il dit que comme Paco a des contrariétés au travail il faut bien qu'il se défoule... Que c'est mon mari... Que je lui dois obéissance et respect...