"La mort nous sollicite au-delà de ce que l'on peut et de ce que l'on pense."
Si toute incarnation du vivant affronte l'usure et les agressions de l'environnement dans un combat perdu d'avance, il se pourrait que la pérennité de la vie ait procédé, paradoxalement, depuis l'origine, d'une capacité de chaque corps, de chaque cellule, à utiliser une partie des ressources qu'ils possèdent pour construire, au prix de leur disparition prématurée, des incarnations nouvelles, un temps plus jeunes et plus fécondes. Bichat disait autrefois : "La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort", aujourd'hui on aurait plutôt tendance à dire que la vie est l'ensemble des fonctions capables d'utiliser la mort, comme l'a proposé Henri Atlan.
De manière remarquable, l'augmentation de la longévité causée par les modifications de certains gènes ou de l'environnement ne se traduit pas par une augmentation de la durée de la vieillesse mais par une prolongation de la durée de la jeunesse et de la fécondité. (p. 51)
"Le poème, la culture, sont faits pour sauver le corps."
S'il est une contribution que les sciences du vivant doivent apporter à l'élaboration de nos sociétés, c'est de stimuler la réflexion éthique, non de s'y substituer (...). (p. 57)
Avec la mort cérébrale, les choses sont beaucoup plus confuses. Faut-il penser qu'à partir du moment où la conscience a disparu, l'être humain peut être considéré comme légalement comme mort ? Dans ce cas, c'est la fin de l'activité pensante qui signe l'arrêt de mort, même si le support biologique de l'individu et de sa conscience est encore en état de fonctionner, de façon autonome ou par l'intermédiaire d'une assistance médicale. N'est-ce pas là une nouvelle version du dualisme de l'âme contre le corps, celui-là même que les philosophes combattent ? (P. 73, 73)
En acquérant la capacité d'engendrer la vie et la survie en situation limite, nous engageons radicalement, devant l'humanité, la responsabilité et la dignité des êtres que nous sommes. (p. 17)
"Au plus près du mystère, l'instant de ma mort [...] ne sera jamais l'instant de ta mort, parce que chaque vie est unique."
"Nous sommes, à tout moment, pour partie en train de mourir et pour partie en train de renaître."
Ce que nous commençons à distinguer dans la longue histoire de l'évolution du vivant, et au cœur de chacune de nos cellules, c'est l'intrication et l'interchangeabilité des mécanismes moléculaires qui contrôlent la vie et la mort. (p. 49)