Citations sur Le pont sur la Drina (125)
Les Autrichiens qui faisaient leur entrée avaient peur des embuscades. Les musulmans avaient peur des Autrichiens, les Serbes des Autrichiens et des musulmans. Les Juifs craignaient tout le monde car, surtout en temps de guerre, tout le monde est plus fort qu'eux.
P. 148 (édition belfond juillet 1996)
Il y a trois choses que l’on ne peut pas dissimuler, disaient les Ottomans, ce sont : l’amour, la toux et la misère
Tel un sang neuf, l'argent se mit à circuler dans le pays en quantités jusque-là inconnues, et, plus important encore, publiquement, sans honte et avec audace. A cette circulation excitante de l'or, de l'argent et des valeurs, chacun pouvait se chauffer les mains ou du moins se rincer l'oeil, car elle créait l'illusion, même chez les plus pauvres, que leur misère n'était que provisoire, et par là même plus supportable.
… une femme amoureuse, même profondément déçue, aime son amour comme un enfant qui ne grandira pas.
Le signal était donné, les barrières levées. Comme cela arrive souvent dans l'histoire, la violence et le vol, et même le meurtre, étaient tacitement autorisés, à condition qu'ils fussent pratiqués au nom d'intérêts supérieurs, sous le couvert de mots d'ordre, à l'encontre d'un nombre précis de personnes aux noms et aux convictions bien définis.
Dès qu'un gouvernement ressent le besoin de promettre par voie d'affiches la paix et la prospérité à ses administrés, il convient de se méfier et d'en attendre tout le contraire.
Tout le reste était refoulé dans les régions obscures, à l'arrière-plan de la conscience, où vivent et fermentent les sentiments élémentaires et les croyances indestructibles des diverses races, religions et castes, et où, bien qu'apparemment morts et enfouis, ils préparent pour un avenir lointain des bouleversements et des catastrophes insoupçonnés, sans lesquels, apparemment, les peuples ne peuvent vivre, en particulier dans ces contrées.
La plus navrante et la plus tragique de toutes les faiblesses de l'homme est sans doute son incapacité totale à prévoir, une incapacité qui est en contradiction avec ses nombreux talents, aptitudes et connaissances.
Les gens qui eux-mêmes ne travaillent pas et n'entreprennent rien dans la vie perdent facilement patience et font aisément des erreurs lorsqu'ils jugent ce que font les autres.
P. 69 (édition belfond juillet 1996)
L’estomac en feu, le foie calciné, les nerfs détraqués, négligés et pas rasés, indifférents à tout et insupportables à eux-mêmes, les buveurs de rakia passaient ainsi le temps à boire et attendaient en buvant qu’embrase enfin leur conscience cette lumière magique dont la boisson illumine ceux qui s’abandonnent à elle, pour laquelle il est doux de se damner, de se ruiner et de mourir et qui, malheureusement, avec les années, se manifeste de plus en plus rarement et éclaire de plus en plus faiblement.