Citations sur La Maîtresse au piquet (11)
Je suis seulement chrétienne dans mon coeur. Je n'en ai pas informé mes parents pour ne pas leur faire de la peine. Je fais semblant de pratiquer les rites musulmans. La toilette, le carême, les prosternations n'engagent point mes pensées. Mais je ne crois plus à l'islam. (…)
Je me suis aperçue que le Coran, aussi bien que l'Ancien Testament, est un livre du passé. L'Evangile, au contraire, est un livre de l'avenir. Lui seul peut mettre fin au mal que les hommes font à d'autres hommes. Lorsque tous les peuples de la terre se seront convertis sincèrement aux principes évangéliques, la plupart de nos problèmes économiques et sociaux auront disparu. (…)
Yamina lut ces lignes dictées par Allah à Mahomet :
_ Si des étrangers s'opposent d'une manière ou d'une autre au culte d'Allah, déclenchez contre eux la guerre sainte. Tuez-les là où vous les rencontrerez. Expulsés-les d'où ils vous auront expulsés... Ceux qui guerroient contre Moi et Mes envoyés, semant la violence sur la terre, auront pour salaire d'être percés et crucifiés. Leur main et leur pied opposés seront tranchés.
O merveilleuse télé ! Qui dispense aux oreilles les plus incultes les chefs-d'œuvre de la musique ! Qui leur offre une entrée gratuite à la Scala de Milan, au Bolchoï de Moscou, à l'Opéra de Paris ! Qui fait voyager les invalides à travers le monde ! Qui ouvre à tous les regards les mystères sous-marins, souterrains, sublunaires ! Qui ressuscite le passé, explique le présent, annonce l'avenir ! O merveilleuse télé bien choisie, bien employée ! hélas, les couillons préfèrent toujours les couillonnades. Comme la langue d'Essonne, la télé est la meilleur ou la pire des choses.
exeat: qu'elle sorte. Qu'elle aille se mettre d'elle-même en pénitence dans cette province arriérée où les habitants, c'est bien connu, passent leurs nuits à compter les sous qu'ils ont gagnés ou économisés le jour, à la lueur d'une chandelle de suif, en sentant mauvais des pieds.
La télé ! Cette invention diabolique qui remplit les cervelles de vent. Qui empêche de lire, de peindre, de jouer du pipeau, d'écrire à sa parenté, de recevoir ses amis, de faire les devoirs et d'apprendre les leçons; Qui flatte la sottise. Qui forme des gloires imméritées; Qui banalise l'assassinat, le viol, le goût de la destruction; Qui fourre son oeil dans les alcôves. Qui répand l'immondice et la bestialité. Ah ! La putain de télé !
L'avantage du sida déclaré sur le cancer, c'est que le malade sait de façon péremptoire qu'il est foutu : que tout combat est perdu d'avance. Cela lui procure une certaine sérénité. Il peut consacrer le court sursis qui lui reste à se raconter en poésie, en prose, en peinture, en musique ou en film. Son sens de l'inéluctable lui confère parfois un talent exceptionnel, comme à ces arbres qui n'ont jamais si bien fleuri qu'à la veille de leur dessèchement. Mais voici que les docteurs se sont mis en tête de vouloir guérir le cancer ; de retarder du moins l'issue fatale ; de réduire les effets du mal. Perpétuellement, le cancéreux balance du zig au zag, du mic au mac, de l'espoir au désespoir ; l'entourage joue la comédie de la joyeuse certitude. C'est difficile à vivre.
Qu’elle aille se mettre d’elle-même en pénitence dans cette province arriérée où les habitants, c’est bien connu, passent leurs nuits à compter les sous qu’ils ont gagnée ou économisés le jour, à la lueur d’une chandelle de suif, en sentant mauvais des pieds.
Quand l'Algérie accéda à l'indépendance, elle comptait au moins 300 000 de ses citoyens qui s'étaient compromis jusqu'aux oreilles avec le régime colonial français (fonctionnaires, élus locaux, groupes d'autodéfense, Groupes mobiles de sécurité), dont 75 000 soldats réguliers ou supplétifs. En théorie, les accords d'Evian garantissaient la vie, la liberté, les biens de ceux qui restaient sur le sol libéré. En fait, les vengeances, les exécutions sommaires, les opérations de déminage imposées à des compagnies de «traîtres » firent au moins 60 000 morts après le rapatriement de nos troupes. Innombrables furent les emprisonnés et les torturés.
Au début, les Blancs étaient encore majoritaires. Puis avec la fin des guerres d'Indochine, déferla une vague asiatique : boat people qui fuyaient le communisme et ses délices. Une vague maghrébine lui succéda. Suivie d'une vague montée de l'Afrique noire. Les derniers Gaulois disparurent. Il m'arriva de n'avoir sous ma férule aucun Français de souche. Nous atteignîmes enfin le grade de ZEP : zone d'éducation prioritaire.
J'osai m'approcher, faible femme, consciente de mon impuissance, désireuse au moins de comprendre les raisons de l'holocauste. Une figure humaine s'agitait encore dans les flammes fumeuses, sans pousser un cri. Enfin, elle s'affaissa, informe. Près d'elle, une pancarte métallique expliquait : Pour que le gouvernement français n'oublie pas les harkis, ces soldats algériens qui avaient combattu à côté des nôtres de 1956 à 1962 et dont personne à présent ne se souciait. Tenus pour traîtres par leurs frères de race, pour de méprisables mercenaires par les décolonisateurs. Les pompiers vinrent enfin ramasser ce qui restait du protestataire consumé.
Un autre mois, donc, à ne rien faire […] C’était maintenant, dans mon repos forcé, que je me sentais mise au piquet ! L’oisiveté, nous l’enseignons tous, est mère de tous les vices. Elle devenait pour moi un second cancer qui me rongeait l’esprit. (p.360)