Citations sur Seule la nuit tombe dans ses bras (15)
Il y avait d'abord sa vie, celle qu'on appelle la vie privée, privée de quoi on ne sait pas mais ça lui va bien à cette vie : c'est vrai qu'elle était, qu'elle est toujours privée de quelque chose.
En écrivant « j'ai vraiment des choses à te dire », il avait le sentiment d'avoir plein de choses à lui dire. En relisant « j'ai vraiment des choses à te dire », il se demandait s'il aurait vraiment tant de choses à lui dire. Tant de choses à dire. Il se demandait s'il avait des choses à dire. Quelque part dans sa vie, quelque part dans le monde, des choses à dire.
Les sentiments, on peut les dire à la rigueur, mais on ne peut pas en parler.
Il avait tellement d’imagination qu’il n’avait pas besoin de l’avoir pour avoir peur de la perdre.
Il relit sa phrase. C’est une belle phrase. Elle dit bien ce qu’il ressent, là. Il va la poster sur Facebook et comme ça elle va la voir, elle va comprendre. Ce sera comme un cri murmuré, ce phénomène acoustique qui permet à deux personnes éloignées de s’entendre à l’insu de la foule qui les entoure, d’un pilastre à l’autre du Pavaglione, dans La Tenda rouge de Bologne de John Berger. Et peut-être dans la réalité. Il va la poster sur Facebook et les autres, ses contacts, ses « amis », croiront juste qu’il écrit un nouveau roman. Après tout, peut-être qu’ils ne se tromperont pas ; peut-être qu’il écrit un nouveau roman. Oui : peut-être bien après tout qu’il est en train d’écrire un nouveau roman.
l avait tellement d’imagination qu’il n’avait pas besoin de l’avoir pour avoir peur de la perdre.
Il relit sa phrase. C’est une belle phrase. Elle dit bien ce qu’il ressent, là. Il va la poster sur Facebook et comme ça elle va la voir, elle va comprendre. Ce sera comme un cri murmuré, ce phénomène acoustique qui permet à deux personnes éloignées de s’entendre à l’insu de la foule qui les entoure, d’un pilastre à l’autre du Pavaglione, dans La Tenda rouge de Bologne de John Berger. Et peut-être dans la réalité. Il va la poster sur Facebook et les autres, ses contacts, ses « amis », croiront juste qu’il écrit un nouveau roman. Après tout, peut-être qu’ils ne se tromperont pas ; peut-être qu’il écrit un nouveau roman. Oui : peut-être bien après tout qu’il est en train d’écrire un nouveau roman.
Il se souvient d’un mot, quand même. Attirant. Ca le concernait. Il était attirant. Comment avait-elle formulé sa phrase ? Elle ne lui avait tout de même pas sorti « Vous êtes attirant » tout de go, comme ça. Quand même. Oui, il croit bien se rappeler avoir pensé qu’elle n’avait pas froid aux yeux, de lui dire, comme ça, qu’il était attirant. Mais comment le lui a-t-elle dit ? Le mot s’est imposé, il a effacé tout le reste de la phrase. Il a juste retenu qu’il était attirant. Il a même dû se le dire : je suis attirant.
Il serait intéressant de se demander dans quelle mesure toute déclaration verbale faite à l'autre n'est pas de l'ordre de la fiction.
La conversation n'était pas terminée, pas tout à fait. Souvent il avait l'impression que la conversation était terminée et elle ne l'était pas. La glu s'étirait en fils interminables.
Il l'écrit : dans les bras l'un de l'autre. Ça lui fait plaisir d'écrire ça, alors qu'ils ne se sont jamais touchés, qu'ils ne se sont même jamais vus. N'empêche : en esprit, ils étaient dans les bras l'un de l'autre. Car l'esprit aussi a des bras.
C'est sans doute pour ça qu'il est tellement tenté de se ressouvenir. Parce que si lui ne s'en souvient pas, alors qu'en effet ils ne se sont jamais vus, jamais touchés, jamais embrassés, ce sera comme s'il ne s'était jamais rien passé. Alors qu'il s'en est tellement passé.
Les gif animés sont les oracles de notre temps.