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EAN : 9782915018783
230 pages
Quidam (15/03/2014)
4/5   4 notes
Résumé :
Un jeune homme se lance dans diverses entreprises - littéraires, amoureuses, théâtrales - et se regarde agir. De l'hiver à l'été, le récit se fragmente, le lâche dans un lit pour le retrouver sur un quai de gare, à agir ou à ne rien faire ; la différence n'est pas flagrante. Si sa pensée toujours nous est présente, comme en inflation, c'est peut-être parce qu'elle est seule finalement à avoir une réalité ; à être capable de transformer le protagoniste d'une série de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La vie sans mode d'emploi.

Jeune étudiant avec peu d'expérience, sexuelle notamment, Herbert Kahn ne manque pas d'ambition. Il caresse l'espoir de devenir écrivain, travaille sur le manuscrit de son premier roman, dont le titre, révélateur, est «Le Conflit», tente de mettre en scène sa pièce de théâtre, et rêve d'aborder et de séduire les filles. Malgré ce volontarisme, Herbert effleure son existence, sans cesse tourmenté par la conscience de lui-même, occupé à s'observer plutôt qu'à vivre.

«Comment ces gens peuvent-ils savoir qu'il existe, alors que lui-même en est à peine certain ?»

À distance de la vie, c'est difficile d'en jouir ; alors le cours de l'existence d'Herbert, héros impuissant, prend l'allure d'une impasse plutôt que celle d'un fleuve.

«Il imagine la possibilité de faire l'amour en dormant, le sommeil étant le seul moyen de s'abstraire suffisamment de soi-même pour éprouver un plaisir purement physique.»

Oscillant en permanence entre des rêves de gloire et une perception pitoyable de lui-même, Herbert agace au plus haut point tant il est complaisant et velléitaire. Mais il attendrit également. Il est si familier.

«Sa pensée de pur plaisir le propulse ensuite, comme d'habitude, dans un futur glorieux où, au-delà d'un succès d'abord modeste, se dessine bien vite une réussite telle – aussi bien en tant que comédien, que metteur en scène, que dramaturge ; sans oublier son oeuvre romanesque, poétique, critique, et pourquoi pas philosophique – que son invraisemblance finit par le gêner quelque peu.»

Premier roman de Philippe Annocque, revu et republié par Quidam éditeur en 2014, «Rien (qu'une affaire de regard)» est un livre ironique, souvent très drôle, et cet homme qui sans cesse se questionne sur sa propre influence sur le cours de sa vie donne envie de replonger dans le magnifique «Liquide», du même auteur (Quidam éditeur, 2009).

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J'ai enfin lu « Rien » et ce faisant, tous les livres de Philippe Annocque parus chez Quidam. Je suis contente, j'ai aimé ce livre, j'ai éteint ma liseuse et suis restée assise un moment, cherchant en vain comment qualifier la sensation étrange qui m'habitait et qui s'était peu à peu infiltrée pendant la lecture : malaise, perplexité et fascination mêlées, incompréhension intellectuelle jointe à une sorte de compréhension corporelle et intuitive… En somme, les mots me manquaient et me manquent toujours pour nommer mon impression de perturbation interne.

Alors j'ai cherché, j'ai analysé, j'ai retourné mes souvenirs de lecture dans tous les sens, j'ai comparé ce roman aux autres de Philippe Annocque, je pense même avoir trouvé des éléments d'explication : Herbert, encore un personnage vide ou en creux (comme le dit Philippe Annocque) avec sa façon de s'observer rationnellement qui semble le déconnecter de la vie et des autres, cette écriture si précise et détaillée du quotidien-banal qui nous le rend étrange (comparé à notre manque d'attention habituel),…

Et puis, j'ai relu les extraits surlignés, je suis tombée sur celui-ci :

« Il comprend que c'est grâce au cliché, qu'un cliché même exact affadit toujours la vérité, que c'est d'ailleurs pour cela qu'on ne s'exprime en général que par clichés, que sans eux la vie serait insupportable. Il se rend compte aussi qu'encore une fois il se place sur un plan général, il sent bien que c'est pour éviter de se sentir directement concerné, que c'est comme le cliché, que tout ce qu'il se dit à lui-même est conçu pour l'anesthésier. Et il est amené à faire un sort au langage lui-même ; il ne doute pas au fond de lui, il s'en rend bien compte, que la plupart des gens ne doivent pas, ne peuvent pas avoir une pensée de nature aussi verbale, et que ce verbe qu'il nourrit en lui et qu'il exerce à exprimer au plus près de la réalité, en cela qu'il est verbe, le coupe de cette réalité et lui en évite les heurts. »

Et là, je me suis dit voilà, que dire de plus : Herbert, écrivain en herbe, se regarde, s'observe, se met en mots, se dit, s'écrit et par là, se neutralise. J'ai cette tendance à me regarder, à m'analyser… Herbert m'a fait peur parce que j'ai été Herbert et le suis encore parfois… et pourtant, je ne comprends pas vraiment Herbert et, je ne veux pas chercher à le comprendre davantage, ni le livre. Je préfère en rester à mes impressions de lecture confuses, vagues, corporelles et pré-verbales, ne pas les expliquer, les vivre, les garder brutes afin de ne pas les perdre dans les mots et la réflexivité.

D'autant que parallèlement, je lis Cioran :

« Si je repense à n'importe quel moment de ma vie, au plus fébrile comme au plus neutre, qu'en est-il resté, et quelle différence y-a-t-il maintenant entre eux ? Tout étant devenu semblable, sans relief et sans réalité, c'est quand je ne sentais rien que j'étais le plus près de la vérité, j'entends de mon état actuel où je récapitule mes expériences. A quoi bon avoir éprouvé quoi que ce soit ? Plus aucune « extase » que la mémoire ou l'imagination puisse ressusciter ! » (Emil Cioran, « de l'inconvénient d'être né », Gallimard)

Peut-être pas, me disais-je, à condition de laisser parler et d'écouter le corps, d'en rester aux sensations et au non-verbal, de faire taire la tête. Voilà, je choisis donc de demeurer avec ce ressenti étrange et innommable que me laisse la lecture de « Rien » et de le conserver en moi sans le diluer dans des méta-analyses intellectuelles…

PSSSS : au fait, c'est le premier roman de Philippe Annocque, publié au Seuil en 2001, ici revu et corrigé !
Lien : https://emplumeor.wordpress...
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
C’est à peine si elle le regarde quand Marie enfin nue se précipite à nouveau sur lui, lui-même a à peine eu le temps de la voir, il ressent surtout le contact dur des articulations et se demande pourquoi donc les filles s’obstinent à faire du régime, ce sont surtout des mots qu’il se dit dans sa tête, par peur de la trouver vide. Alors que dans un souci de justice il commence à admettre que c’est aussi, pour moitié, sa propre maigreur qui rend inconfortable leur étreinte, un goût soudain et incongru fait irruption dans sa bouche, qu’il croît sans enthousiasme identifier comme celui du cassoulet, et lui fait se rendre compte qu’ils sont en train de s’embrasser ; il peut quand même constater que, à force d’expérience, l’activité est nettement moins laborieuse et douloureuse que ce qu’il a déjà connu.
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Ce doit être l'heure, sans doute, qui tourne, elle ne s'arrête pas celle-là, qui la lui gâche, sa pensée; alors que son travail n'est pas plus avancé que tout à l'heure, il voit sur les tables voisines des feuilles qui se tournent, des pages qui se noircissent, il a encore la force cependant, et il s'en félicite, de voir toute cette écriture comme une sorte de liquide, et les pages comme des récipients, et comme ça au moins il peut presque rire, parce qu'il pense aux visites médicales où l'on demande à la personne d'uriner dans un récipient, et puis c'est vrai, si on n'a pas envie, on n'y peut rien, le récipient aussi reste sec.
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Videos de Philippe Annocque (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Annocque
SOIRÉE DE LANCEMENT DE LA REVUE CATASTROPHES #3
Avec Philippe Annocque, Guillaume Condello, Frédéric Forte, Julia Lepère, Cécile Riou & Pierre Vinclair
Catastrophes est une revue d'écritures sérielles, animée par Laurent Albarracin, Guillaume Condello et Pierre Vinclair. Bimestrielle en ligne (30 numéros sont parus), elle paraît tous les 18 mois en format papier, sous la forme d'une anthologie comprenant certaines des propositions poétiques les plus stimulantes de l'époque. Les quatre ensembles qui composent Catastrophes 3, « Dit impossible », « Rites rêvés », « Traduit en langue fauve » et « Mondes suspendus », présentent tous une dimension des rapports du poème, dans son essentielle étrangeté, à un monde qui ne fut pas toujours là et qui disparaîtra peut-être : assumer l'impossible, rêver d'une parole rituelle, articuler dans la langue commune une parole fauve, penser dans le vertige de la disparition, sont autant de promesses, fragiles, de faire de l'écriture le lieu d'une création radicale, à même d'exorciser la fatalité du néant.
À lire – Revue Catastrophes 3, coll. « S!NG », éd. le corridor bleu, 2021.
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