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Critique de Malaura


Dans son village à l'intérieur des terres andines, Mariano est différent, peu bavard, sensible, « à l'allure d'un enfant muet et endormi ». Son frère aîné ne conçoit que mépris et honte pour ce simple d'esprit et l'expédie dans un gros bourg lointain au-delà de la cordillère.
Là, accompagné de son faucon domestiqué, Mariano le Simple est remarqué par Don Aparicio, un important propriétaire terrien qui le prend à son service comme gardien de maison mais surtout pour ses talents de musicien. Car Mariano est un harpiste formidable qui fait jaillir de son instrument des notes merveilleuses capables d'émouvoir les coeurs les plus endurcis.
Le riche Don Aparicio règne en seigneur tout puissant sur la ville divisée en quartiers indiens, métis et notables. Sensuel, fiévreux, tourmenté, il use et abuse de son statut de maître, séduisant et abusant les indiennes qu'il enlève à leur famille et éloigne de leur village natal pour en faire ses maîtresses.
L'arrivée en ville d'Adélaïde, une jeune fille blonde venant de Lima avec sa mère, va jeter le trouble dans le coeur du jeune homme arrogant qui multiplie dès lors les offrandes et les cadeaux afin de la séduire.
Mais cette nouvelle volonté de conquête va mettre la population locale en émoi. En attisant jalousie et peine, Don Aparicio va bouleverser l'équilibre de la petite ville et l'entraîner dans une tragédie dont Mariano se fera l'innocente victime.

Avec « Diamants et silex », l'écrivain et ethnologue péruvien José Maria Arguedas (1911-1969), grande voix de la littérature sud-américaine, s'éloigne des mouvements politiques et révolutionnaires représentés dans « El Sexto » - puissant témoignage dans lequel il pointait les outrages faits au Pérou sous la dictature de Benavides à travers la dénonciation des conditions d'incarcération dans le grand pénitencier de Lima - mais il n'en demeure pas moins un écrivain engagé et un fervent militant de la cause des Indiens dominés par un système hiérarchique et clanique très féodal : les métis et les grands propriétaires terriens issus de la conquête espagnole d'un côté et les ethnies indiennes de l'autre.

Avec ce bref roman, nous quittons la côte et sa capitale pour une incursion à l'intérieur des terres andines, dans la sierra où vivent les indiens Quechua de la Cordillère des Andes, un voyage magique au sein d'un univers enchanté mais où, là-aussi, le coeur de l'homme s'ombrage dans la violence et la brutalité, à l'image d'une nature aussi puissante qu'exaltante, aussi généreuse que cruelle.
Et c'est bien là que réside la force de ce court texte, non pas tant dans l'histoire que dans l'attrait qu'elle suscite par ses grandioses descriptions d'un monde encore tout imprégné de légendes, de magie, de sortilèges et d'animisme, que José Maria Arguedas, en ardent promoteur de la culture andine, brosse en un tableau flamboyant, restituant ainsi la parole des peuples de la Cordillère à travers leurs coutumes, leurs mythes, leurs rites et leurs folklores.
Ponctué de termes (musicaux, floraux…) et d'expressions quechua, le récit est avant tout une immersion dans le Pérou des traditions nous permettant de découvrir les us et coutumes des communautés indiennes, des costumes traditionnels, aux rituels d'enterrement en passant par les chants et musiques folkloriques….Des populations révélées aussi par le biais de croyances profondément animistes et un grand pouvoir octroyé à la nature sur le comportement de l'homme.

On parle souvent de réalisme magique en parlant de la littérature latino-américaine. On pourrait aisément l'invoquer dans le cas de « Diamants et Silex » tant la réalité la plus brutale vient s'inscrire dans une fiction offrant la saveur et la puissance d'envoûtement des contes, une dualité qui fait d'ailleurs écho aux propres déchirements du pays, longtemps divisé entre le monde traditionnel des communautés andines et le monde hispanophone occidentalisé et moderniste des régions côtières.

José Maria Arguedas n'a jamais cessé d'être tiraillé entre l'indigénisme qu'il évoque dans ses récits et une pensée davantage occidentalisée et adaptée au monde contemporain.
Portée par une écriture puissante, à la fois lyrique et poétique dans les descriptions des décors naturels et au plus près du réel dans la représentation du système archaïque et asservissant du pays, l'oeuvre littéraire de José Maria Arguedas s'inscrit dans le désir d'une identité culturelle péruvienne qui serait issue du métissage entre les deux mondes.
Mais tourmenté par les constants clivages nationaux, les nerfs fragiles, dépressif, l'auteur finira par mettre fin à ses jours en 1969.
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