Un nouveau jour se pointe, une nouvelle nuit s’approche, il en oublie aussi le passage du temps, il oublie qu’il appartient à ce monde.
"Balthazar avait écrit à sa mère: Je serai accompagné. Je parie qu'à l'instant où vous le rencontrerez vous serez sous le charme de Sébastien Faure, mon ami. De toute façon, je vous ordonne de l'aimer.
Curieuse, sceptique, épouvantée, elle toise et scrute l'étranger.
C'est cela la merveille dont il m'avait parlé? se dit-elle.
Elle se dit encore: Ils ne sont pas amants, j'en mettrais ma main au feu. Mais ils s'aiment.
Anne de Créon entre en défaite.
Soyez le bienvenu à Créon, lance t-elle à Sébastien."
Même sans nous toucher, nous sommes encore des amants.
"Dieu! que c'est banal d'avoir des ennemis, et banals la naïveté, et la haine, et la petitesse d'esprit, et la lâcheté, et la jalousie, et la sournoiserie, et la trahison, et la mort, elle aussi, bien sûr, la mort qui va et qui vient, une grande marcheuse, et la folie, et la peur, et l'engouement. L'amour, lui, est beaucoup moins banal, moins que la mort en tout cas, mais la mort va et vient, elle est là, mais surgira, un événement clair, net et précis, sans fioriture, la mort n'est pas un roman."
Sébastien a eu plusieurs aventures.
Contre moi tout son corps, se dit Balthazar, il se love contre moi, il ne peut s'endormir que contre moi, il est celui qui revient toujours, mais l'odeur de l'autre est là, entre nous, et il s'en moque, je le sais, puisqu'il est avec moi, ce n'est pas une telle odeur qui saurait nous séparer, il me l'a affirmé, juré, il ne ment pas. Mais pour moi, une intolérable odeur. Nous sommes différents, lui et moi. Pourquoi le nier. A lui, l'infidélité, à moi, la jalousie, à nous, l'évidence de notre amour.
La plupart sont insignifiants, sauf eux , ces deux amants que sont Balthazar de Crėon et Sébastien Faure, eux ne le sont pas, et ne peuvent l'être, et les voilà : magnifiques.
Tu seras mon élève, tu seras mon maître, tu acquerras la gloire, tu me seras fidèle, tu m'abandonneras, tu me reviendras toujours.
Et à l'aube se dire : Nous sommes ensemble.
"On jase. On maudit. Et puis on tue. Logique sanglante.
Quelle est l'exacte définition d'un gouffre, de la tragédie, de l'enfer? écrit dans son journal Anne de Créon."
"Créon n'oubliera rien de ce voyage. Le seul qui comptera vraiment pour lui. Parmi les rouges et l'argent des coussins et leur soie à odeur de craie, et contre les damas voilant la portière, un garçon de quinze ans, maigre, frêle, très frêle, mais sa chair est chaude sous le rêche des hardes. Un jeune paysan, un gosse exceptionnellement doué pour éprouver l'amour. Créon se le dira souvent."