Citations sur Van Gogh, le suicidé de la société (111)
Qu'est ce que dessiner ? Comment y arrive-t-on ? C'est l'action de se frayer un passage à travers un mur de fer invisible, qui semble se trouver entre ce que l'on sent et ce que l'on peut. Comment doit-on traverser ce mur, car il ne sert a rien d'y frapper fort, on doit miner ce mur et le traverser à la lime, lentement et avec patience à mon sens.
VAN GOGH Lettre à Théo
Il y a dans tout dément un génie incompris dont l'idée qui luisait dans sa tête fit peur, et qui n'a pu trouver que dans le délire une issue aux étranglements que lui avait préparés la vie.
Sur le plan social, les institutions se désagrègent et la médecine fait figure de cadavre inutilisable et éventé, qui déclare Van Gogh fou. En face de la lucidité de Van Gogh qui travaille, la psychiatrie n'est plus qu'un réduit de gorilles eux-mêmes obsédés et persécutés et qui n'ont, pour pallier les plus épouvantables états de l'angoisse et de la suffocation humaines, qu'une ridicule terminologie, digne produit de leurs cerveaux tarés. Pas un psychiatre, en effet, qui ne soit un érotomane notoire.
Je crois que Gauguin pensait que l'artiste doit rechercher le symbole, le mythe, agrandir les choses de la vie jusqu'au mythe,
alors que Van Gogh pensait qu'il faut savoir déduire le mythe des choses les plus terre-à-terre de la vie.
En quoi je pense, moi, qu’il avait foutrement raison.
Car la réalité est terriblement supérieure à toute histoire, à toute fable, à toute divinité, à toute surréalité.
Il suffit d’avoir le génie de savoir l’interpréter.
Il y a dans tout dément un génie incompris dont l’idée qui luisait dans sa tête fît peur, et qui n’a pu trouver que dans le délire une issue aux étranglement que lui avait préparés la vie.
Et il avait raison Van Gogh, on peut vivre pour l'infini, ne se satisfaire que d'infini, il y a assez d'infini sur la terre et dans les sphères pour rassasier mille grands génies, et si Van Gogh n'a pas pu combler son désir d'en irradier sa vie entière, c'est que la société lui a interdit.
Il n’y a pas dans la dernière exposition Van Gogh, au palais de l’Orangerie, toutes les très grandes toiles du malheureux peintre. Mais il y a parmi celles qui sont là, assez de défilés giratoires constellés de touffes de plantes de carmin, de chemins creux surmontés d’un if, de soleils violacés tournant sur des meules de blé d’or pur, de Père tranquille et de portraits de Van Gogh par Van Gogh,
pour rappeler de quelle sordide simplicité d’objets, de personnes, de matériaux, d’éléments,
Van Gogh a tiré ces espèces de chants d’orgue, ces feux d’artifice, ces épiphanies atmosphériques, ce « Grand Œuvre » enfin d’une sempiternelle et intempestive transmutation.
Mais nul autre peintre que Van Gogh n’aura su comme lui trouver, pour peindre ses corbeaux, ce noir de truffes, ce noir « de gueuleton de riche » et en même temps comme excrémentiel des ailes de corbeaux surpris par la lueur descendante du soir.
[…] Van Gogh a lâché ses corbeaux comme les microbes noirs de sa rate de suicidé à quelques centimètres du haut et comme du bas de la toile,
suivant la balafre noire de la ligne où le battement de leur plumage riche fait peser sur le rebroussement de la tempête terrestre les menaces d’une suffocation d’en-haut.
Je suis aussi comme le pauvre Van Gogh, je ne pense plus, mais je dirige chaque jour de plus près de formidables ébullitions internes et il ferait beau voir qu’une médecine quelconque vienne me reprocher de me fatiguer.
Car un aliéné est aussi un homme que la société n’a pas voulu entendre et qu’elle a voulu empêcher d’émettre d’insupportables vérités.