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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
1762. La guerre de Sept Ans vient de se terminer. En vertu du traité de Paris, la France se retrouve amputée d'un vaste empire en Amérique du Nord désormais aux mains des Anglais. Afin d'accueillir les immigrants chassés d'Arcadie et du Canada, le duc de Choiseul, alors ministre de la Marine, envisage de faire de la Guyane une grande colonie. Louis XV donne rapidement son accord au projet, tout en exigeant cependant que seuls des Blancs immigrent. Compte tenu de leur supériorité numérique, le souverain estime en effet que les Noirs auraient tôt fait de prendre le pouvoir s'ils venaient à se rebeller. Voulant ainsi se prémunir d'une telle éventualité, le roi impose donc ses conditions dans la conduite de cette entreprise.

Deux ans plus tard, les volontaires ne tardent pas à se bousculer pour rejoindre cette nouvelle colonie, alléchés par « le climat, la promesse d'une terre qu'un petit pécule suffirait à obtenir, la gratuité du voyage, de l'installation. » p.25 Parmi les candidats au voyage, un dénommé Arnaud Privas. le jeune homme, que plus rien ne retient dans sa Charente natale, échange une partie de ses écus contre un agrément et un titre de propriété. Au fil des jours, Arnaud se fait ainsi une place en Guyane. Sa force de caractère et les conseils avisés de deux jésuites lui permettent de ne pas faire partie des nombreuses victimes de cette colonisation à outrance, décimés par les maladies et la faim. Il travaille dur, s'adapte, apprivoise peu à peu cette terre au climat hostile et ses habitants.

Dans le même temps, en Guyane, Rose-Gabrielle, fille de bonne famille, est arrachée des bras de sa nourrice pour être envoyée parfaire son éducation dans un couvent à Toulouse. Bien plus qu'une simple nounou, Solitude s'est révélée être une véritable mère de substitution pour la fillette qui n'a gardé aucun souvenir de sa mère biologique, morte en couches. Afin de récompenser les longues années de fidélité et de services rendus par la jeune esclave, le père de Rose-Gabrielle décide de l'affranchir. Se sentant soudainement abandonnée, ne sachant que faire de ce cadeau empoisonné que représente cette liberté tout juste acquise, le destin de Solitude va alors croiser celui d'Arnaud. Entre la jeune esclave affranchie et le métropolitain fraichement débarqué, c'est le coup de foudre. Privée de Rose-Gabrielle, Solitude se raccroche à cet homme comme à une bouée de sauvetage. A peine leurs regards se sont-ils croisés que les deux ne se quitteront plus.

Dix ans plus tard, sur le bateau qui la ramène chez elle, Rose-Gabrielle se rapproche d'Alexandre de Sévigny, un jeune scientifique détaché en Guyane pour y étudier les moeurs locales. Entre les deux jeunes gens, c'est le début d'une relation tumultueuse, faite de sacrifices, de séparations et de retrouvailles successives qui durera toute leurs vies durant.

* * *
Si au vu des thèmes explorés par ce roman, la référence à l'oeuvre de Margaret Mitchell figurant en quatrième de couverture n'apparaît pas comme totalement illégitime, force est de constater que la raisonnable et réfléchie Rose-Gabrielle n'a in fine pas grand chose en commun avec l'impétueuse et flamboyante Scarlett O' Hara. Se décrivant elle-même comme « une femme dont le destin fut décidé par des hommes », Rose-Gabrielle apparaît comme une héroïne relativement effacée, manquant souvent de fougue et qui subira son sort durant une grande partie de sa vie. En ce sens, le parcours de cette Belle Créole, jalonné de drames et de turbulences, trouve un écho certain dans celui de sa terre natale, la Guyane.

« La Belle Créole » m'a ainsi davantage séduite pour son aspect de documentaire historique que pour ses personnages, auxquels j'ai globalement eu du mal à m'attacher. Car dans cette fresque historico-romanesque, force est de constater que la grande histoire prend régulièrement le pas sur la petite. Dépassés par les bouleversements de leur époque sur lesquels ils n'ont aucune emprise, les personnages d'Isabelle Artiges peinent à s'affirmer. Leurs histoires se diluent peu à peu dans celle, ô combien tumultueuse (et absolument passionnante) de la Guyane, qui s'impose rapidement comme le personnage central de ce roman. Avec un talent de conteuse hors pair, la romancière nous propulse avec brio dans une région où l'Histoire est plus que jamais en marche. Evitant l'écueil du manichéisme, Isabelle Artiges livre un tableau saisissant de l'histoire mouvementée de la Guyane dont elle retrace ici les grandes étapes : de l'épisode tragique de la tentative de colonisation massive (se soldant par un échec retentissant et la mort de milliers de colons), en passant par l'émancipation précipitée des esclaves après la Révolution, jusqu'au rétablissement de l'esclavage, sous Bonaparte.

Avec ce roman mené tambour battant, Isabelle Artiges nous offre ainsi un regard inédit sur les bouleversements qui secouèrent à cette époque la métropole ainsi que sur leurs conséquences insoupçonnés de l'autre côté de l'Atlantique. Elle démontre comment les évènements houleux qui se jouent alors en France ont des répercussions directes sur la vie de la colonie. La Révolution et les évènements qui s'ensuivent ne tardant pas à modifier en profondeur le fonctionnement de la Guyane, tandis que l'abolition de l'esclavage, réalisée dans la précipitation et sans aucune préparation, fait voler l'ordre social en éclats et paralyse le pays.

Mais la force de ce récit mêlant grande et petite histoire, tient aussi à l'élégance de la plume de son auteure et à son art méticuleux et précis de la description. On est emporté par cette écriture tout en raffinement et en finesse, et par la fulgurance de certaines phrases, à la fois gonflées de poésie et porteuses de sens, qui permettent de donner à cette succession de drames un goût moins insupportable, en apaisant ainsi l'amertume.

* * *
Bien que n'étant pas porté par une héroïne ayant le potentiel romanesque d'une Scarlett O'Hara, « La Belle Créole » n'en demeure pas moins une oeuvre passionnante, nous propulsant avec brio dans une région où l'Histoire est plus que jamais en marche. Mettant ainsi brillamment en lumière un pan méconnu de l'Histoire, Isabelle Artiges signe ici un récit à la fois richement documenté et remarquablement instructif, appuyé par un style de toute beauté.
Lien : https://lectriceafleurdemots..
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Rose-Gabrielle est née à Cayenne, en Guyane. Elle a perdu sa maman à la naissance. A ses 8 ans, son père l'a envoyé dans un couvent à Toulouse afin qu'elle reçoive une éducation digne d'une jeune fille de bonne famille. C'est le coeur lourd qu'elle quitte son pays de naissance, les siens mais surtout Solitude, cette esclave, fidèle au poste qui s'est occupée d'elle depuis qu'elle est venue au monde.

Dix ans plus tard, elle revient au pays faisant ainsi connaissance avec sa nouvelle famille... En effet, durant son absence, son père s'est remarié et a eu deux nouveaux enfants. Si Rose-Gabrielle était heureuse de revenir parmi les siens, son bonheur sera de courte durée ! En effet, son cher père a décidé que la jeune femme devrait épouser Michel-Ange, le frère de sa belle-mère ! Autant vous dire, que cela n'est pas au goût de la jeune femme qui a déjà donné son coeur à un jeune scientifique qu'elle a rencontré lors de sa traversée en mer, Alexandre de Sérigny. Alors devoir épouser un homme bien plus âgé qu'elle même si il est gentil et laisser ce jeune homme partir n'est pas une idée qui l'emballe plus que ça mais elle finira par accepter d'épouser cet homme, pensant pouvoir retrouver un jour Alexandre qui lui promet de la visiter souvent.

Là voilà mariée, installée dans la propriété de la Petite Cayenne où son époux exploite le coton. Une soixantaine d'esclaves travaille dans cette exploitation. Rose-Gabrielle se sent malheureuse dans sa nouvelle vie et préfère s'investir dans la gestion du domaine sous le regard peu amène de Graval, le régisseur de la propriété. Avec son époux, ils auront trois filles : Alexandrine, Victoire et Rose-Marie. Avec Michel-Ange, c'est un mariage de raison et de tendresse. L'amour, Rose-Gabrielle le trouve dans les bras de son amant, Alexandre lorsqu'il revient en Guyane. Les longues absences de ce dernier sont tempérées par les correspondances qu'ils s'envoient régulièrement. Alexandre parle de la vie en métropole, des changements qui s'opèrent, des révoltes, de la prise de la Bastille etc... Elle mène et une vie bien mouvementée et l'on se demande si Rose-Gabrielle aura le droit au bonheur ?

L'auteur mêle Histoire à son histoire avec brio. C'est d'ailleurs un des point fort de ce récit en plus de son personnage au fort caractère qui n'a pas eu de chance depuis sa naissance.

Rose-Gabrielle est juste et traite ses esclaves du mieux qu'elle peut. Elle veille sur leur santé, elle leur donne des vêtements. Malgré la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, il faudra attendre 1794 pour que l'abolition de l'esclavage soit décrétée dans les colonies françaises. Rose-Gabrielle fait tout son possible pour aider ses anciens esclaves ; elle leur a préparé un contrat de travail juste, elle leur verse un salaire et leur a donné leur case comme logement.

Rose-Gabrielle est une femme patiente, juste, tenace, courageuse, qui a des convictions et qui entend vivre sa vie comme elle l'entend ! Isabelle Artiges a dessiné le portrait d'une femme libre, courageuse, déterminée qui malgré son abnégation a su mener sa barque dans une époque difficile à vivre.

La plume d'Isabelle Artiges est fluide et très agréable à lire. On ressent tout le travail qu'elle a dû mener en amont pour nous offrir un récit des plus justes et qui colle à L Histoire. J'ai aimé voyagé au côté de Rose-Gabrielle, ce personnage qui est admirable. Ce récit est riche en rebondissements, on a clairement pas le temps de s'ennuyer, l'auteur sait nous tenir en haleine.

Tout ça pour vous dire que ce roman historique est une petite merveille qui m'a fait penser par moment aux personnages de Margaret Mitchell avec "Autant en emporte le vent". Si vous avez aimé cet ouvrage et ces personnages, ce roman devrait également vous plaire !

Lien : https://leslecturesdeladiabl..
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Pour vivre à Cayenne, cela m'a bien plu de retrouver l'origine historique de choses dont j'entends parler depuis que j'y suis et dont je ne connaissais rien, comme le marronage par exemple. le plus surprenant étant que je comprends mieux la société guyanaise après la lecture de cet ouvrage.
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