La narratrice, Enitan, est une fille de bonne famille : père avocat, études en Angleterre, du personnel de maison : on réalise vite que ce quotidien est celui d'une petite portion de privilégiés.
Néanmoins, en suivant sur trente ans la vie d'Enitan et de son amie Sheri, on réalise aussi que, riche ou pas, on n'est pas à l'abri des inconvénients de la vie nigériane, des coupures d'électricité aux attaques de voleurs armés, de la pression d'eau insuffisante pour prendre une douche (quand on en a une dans sa maison) à la malaria, sans oublier les deux principaux problèmes du pays : la domination des femmes par les hommes et la domination du peuple (pauvre ou riche, d'ailleurs), par les différentes dictatures qui se sont succédé.
Ce roman permet, de ce fait, une découverte de la sociologie et de la politique de ce grand pays, divisé en multiples ethnies et religions, et dominé par la violence, la corruption, l'intimidation et les arrestations d'opposants (et il suffit de dire quelques mots ou d'assister à une réunion un peu subversive pour être étiqueté opposant). Pourtant, l'auteur, qui retrace trois décennies de la vie du Nigéria, avec un très grand réalisme et une foule de détails, nous permet aussi de suivre, non sans humour et sans émotion, l'évolution d'une petite fille qui devient ado, puis femme (jusque là, rien de plus logique) et qui connait les mêmes questions, les mêmes joies, les mêmes blessures que toutes les petites filles du monde. Dans un contexte bien particulier que résume très bien cette phrase :
"Mais c'était une chose de faire face à une communauté africaine et de leur dire de traiter une femme comme un être humain. C'en était une autre de faire face à une dictature africaine et de leur dire de traiter les gens comme des citoyens."
Lien :
http://sebastienfritsch.cana..