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Critique de Ys


Ys
22 novembre 2015
1859. Derrière les murs d'un pénitencier canadien, Grace Marks s'étiole dans un quotidien sans espoir. le jour, souvent, elle vient aider au service à la demeure du gouverneur de la prison. Des fleurs rouge sang, parfois, s'épanouissent derrière ses paupières et la nuit, parfois, des cauchemars la hantent. Folle, elle l'a été, ou du moins considérée comme telle, enfermée plusieurs années dans un asile où des témoins disent l'avoir vue hystérique et hurlante, ou d'un calme exemplaire. Folle, l'est-elle encore aujourd'hui ?
C'est ce que tente de déterminer le docteur Simon Jordan, jeune psychiatre prometteur, en faisant de son cas très largement médiatisé un premier levier pour sa carrière.
Autour d'une table à ouvrage, Grace peu à peu s'ouvre et se raconte. L'enfance miséreuse en Irlande, le père brutal et alcoolique, la traversée cauchemardesque pour émigrer au Canada, les premiers emplois comme domestique, la mort de son unique amie... jusqu'à ce double meurtre sordide pour lequel, à 16 ans, son existence s'est interrompue derrière les barreaux. Meurtre dont elle affirme ne conserver aucun souvenir, et au sujet duquel les témoignages se contredisent sans cesse.
Coupable ou victime ? Meurtrière ou innocente ? Manipulatrice ou sincère ? Folle ou saine d'esprit ? Peut-on seulement trancher ? Aux dépens de son propre équilibre, Simon va peu à peu réaliser que les frontières entre noir et blanc sont bien moins marquées qu'on aimerait le croire et que les deux, trop souvent, dans la confusion se confondent.

A partir de faits historiques, entremêlant les témoignages d'époque à la recréation romanesque, Margaret Atwood compose un récit fascinant, tout en nuances et d'une grande richesse. Une belle étude de la société d'alors et de ses mécanismes de classe, qui illustre avec brio comment les diktats puritains, impitoyablement épris de vertu, exacerbent jusqu'au déséquilibre les ambiguïtés fondamentales de la nature humaine. Comment les pesanteurs du patriarcat créent, sous l'apparente dualité soumission/domination, d'infinis méandres de méfiance, d'incompréhension et de ressentiment dont les deux sexes finissent par devenir également victimes.

Après le Tueur Aveugle et la Servante Écarlate, ce troisième roman que je lis de l'auteur, le plus retors et le plus ambigu, devient indéniablement mon préféré.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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