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Critique de Arakasi


A l'âge de vingt-cinq ans, la soeur d'Iris Chase s'est tuée. Laura a très calmement braqué le volant de sa voiture et l'a précipitée des dizaines de mètres plus bas dans un ravin. Elle n'a laissé derrière elle qu'une demi-douzaine de cahiers de collégienne, contenant l'ébauche d'un curieux roman « le Tueur aveugle » que sa soeur a fait publier par la suite. Plus de cinquante ans se sont écoulés depuis. Maintenant, Iris est vieille, seule, ruinée, coupée de sa famille et surtout de son unique petite fille que sa belle-soeur haineuse l'empêche de voir. Iris n'a plus que ses souvenirs. Pour tuer le temps durant ses longues soirées de solitude, elle les consigne un par un, revenant sur ces temps lointains avec un mélange de tendresse et d'ironie amère.

Elle se rappelle son père, homme digne mais à jamais brisé par la guerre qui l'a amputé d'une partie de lui-même. Elle se rappelle la demeure de son enfance, si riche de mystères et de secrets enfantins. Elle se rappelle sa mère, si dévouée mais si froide. Elle se rappelle son mariage de raison avec un riche entrepreneur. Elle se rappelle surtout Laura. Laura, Laura, toujours Laura, étrange petite fille si excentrique, si fantasque, si pragmatique, si étrange qui demandait à leur précepteur consterné : « Dieu nous ment-il ? » Laura qui s'est tuée, Laura qui la hante des années plus tard, Laura qui en disait si peu et savait tant de choses, Laura dont les secrets ne cessent de s'agiter sous la glace malgré les décennies écoulées.

Eh bien, en voilà un roman étonnant ! Il m'a fallu un petit moment pour rentrer dedans car sa construction n'est pas d'un abord très aisé, alternant les récits autobiographiques d'Iris, des coupures de journaux – dont j'ai toujours un peu de mal à saisir l'intérêt – et des passages du fameux « Tueur aveugle », le roman post-mortem de Laura. Si la voix narrative d'Iris, à la fois sarcastique et touchante, m'a tout de suite conquise, il m'a fallu plus de temps pour accrocher à ces passages plutôt obscurs et décousus : on y assiste aux rencontres secrètes d'un couple où l'homme raconte à sa compagne entre deux étreintes l'histoire du « Tueur aveugle », un jeune assassin tombé amoureux d'une de ses victimes au sein d'une civilisation extraterrestre lointaine. D'abord un peu chancelant, mon intérêt s'est petit à petit éveillé : j'ai voulu savoir qui étaient ces deux amants. Pourquoi se voyaient-ils en secret ? Quel était leur lien avec la vie d'Iris Chase ?

On pourrait reprocher au roman de manquer un peu d'originalité sur le fond. Les thématiques abordées – un mariage arrangé malheureux, la ruine d'une famille, l'adultère – sont somme toute très classiques et les destins d'Iris et de Laura ressemblent à ceux de nombreuses autres héroïnes de fiction. C'est sur la forme, originale et très habilement menée, que « le Tueur aveugle » se distingue de la mêlée. Les personnages sont fins, complexes, intéressants, à l'exception cependant de l'époux d'Iris et sa belle-soeur, tous deux des crapules sans grande épaisseur (ils sont même pro-nazis, histoire d'en ajouter une couche dans la vilénie !). On finit par éprouver un vif intérêt pour eux, intérêt renforcé par le style très sensible de Margaret Atwood et par les touches d'humour noir dont elle parsème son récit. Malgré sa taille et quelques longueurs, ce beau pavé se lit donc très facilement et m'a donné fortement envie de découvrir la reste de l'oeuvre de Mme Atwood. de bonnes heures de lecture en perspective !
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