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Critique de michfred


Quelque chose en lui de Tennessee...

J'ai toujours eu un petit faible pour les rebelles au coeur tendre , les marginaux au regard farouche, les éclopés de la vie,  les refujniks de tout poil.  Même avec les animaux, si je dois choisir entre un chienchien à sa mémère bien tranquille et un chien perdu sans collier, je n'ai pas la moindre hésitation..

Mon compagnon à 4 pattes ayant  déclaré forfait et opté, à mon grand désespoir,  pour le paradis des chiens, je me suis précipitée dans un refuge voisin et en suis repartie, après une semaine à jouer les visiteuses de prison, avec un griffon fauve de Bretagne, ramassé par la fourrière et au refuge depuis un an. Il n'avait visiblement jamais monté d'escalier, jamais osé rentrer dans une maison, jamais reçu de douceurs ou de caresses. Un sauvageon qui n'en revient pas d'avoir atterri chez une dingue qui le promène, le nourrit et le dorlote..

Bref,  j'ai toujours eu un petit "bountje" comme on dit à  Bruxelles pour la bouille fermée et le regard buté et  triste de Gérald Thomassin, si sensationnel dans le film de Doillon, le Petit Criminel, qui l'a lancé et  poursuivi toute sa vie comme un destin.

Gérald Thomassin qui m'a toujours fait penser à un de mes fils, révolté et tendre. Toujours en dehors des sentiers battus. A poor lonesome cowboy...Quelque chose en lui de Tennessee...

Voilà pourquoi L'inconnu de la poste  avait tout pour me plaire.

Malgré mon admiration pour le jeune acteur, j'ignorais tout des tribulations de Thomassin, plongé  au coeur d'un fait divers terrible -le meurtre barbare, en 2013 , d'une jeune postière enceinte,  après le cambriolage dérisoire de sa caisse - et soumis aux aléas d'une enquête mal partie et mal menée qui a non seulement saccagé sa vie, en voyant en lui le suspect numéro un et l'envoyant en prison et en HP, malgré un manque de preuves accablant- mais l'a aussi probablement écourtée, puisque Thomassin, alors qu'il allait être innocenté par l'arrestation d'un nouveau suspect, six ans après les faits, a brusquement disparu des radars en 2019...

Comme toujours chez cette journaliste-écrivain  des laissés-pour-compte , Florence Aubenas se met à  hauteur d'homme, dans une empathie respectueuse et pleine d'humanité. 

La présomption d'innocence ne pèse pas bien lourd quand on est comme Thomassin une star déchue,  vouée aux rôles border line et toujours walking  on the bad side ...

Un peu dealer, un peu voleur, un peu drogué , un peu sdf, mais jamais bien méchant, marqué par une enfance cruelle, ballotté de foyer en famille d'accueil, hanté par ses succès cinematographiques et les rappelant à qui veut bien l'écouter, il doit à  l'amitié de Béatrice Dalle, (la reine des border liner elle aussi),  d'avoir été défendu , finalement, par Eric Dupont Moretti qui obtint un non-lieu, avant de s'évanouir dans la nature le jour de la confrontation avec un nouveau et troisième  présumé  coupable.

Fuite ou suicide ?  Gérald Thomassin n'a jamais été retrouvé. Et n'a pu bénéficier du non-lieu judiciaire , perdu lui même dans un autre non lieu...

Toujours bien écrit, attentif, touchant, le livre de Florence Aubenas ne m'a cependant pas emportée.

 Les va et vient temporels rendent peu claire  la lecture d'une enquête déjà brouillonne et confuse en elle même.  Les récits des trajectoires de ses compagnons de galère décentrent un peu la narration principale.

On perd le fil, on perd Thomassin, d'ailleurs il se perd lui même: sa vie et le roman qui l'aborde se terminent en queue de poisson...c'est sûrement l'effet recherché mais il est déroutant et laisse une impression d'inachevé.  J'avais préféré la rigueur et le constat implacable du Quai de Ouistreham.


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